Bien au fait de la très forte adhésion de la population québécoise à l’égard de la Loi sur la laïcité, le gouvernement Carney a décidé de ne pas contester ladite Loi mais plutôt de s’attaquer à la constitutionnalité de la clause dérogatoire qui a été insérée dans la Constitution canadienne lors du rapatriement de 1982, un dossier piloté par le lieutenant politique de Mark Carney au Québec, le député québécois Steven Guilbeault.
De fait, le gouvernement fédéral propose que la Cour suprême donne aux tribunaux le pouvoir d’évaluer si une loi adoptée par un parlement élu démocratiquement enfreint les droits fondamentaux des individus de manière «exorbitante». En somme, une telle disposition reviendrait à changer carrément les règles du jeu dans l’équilibre existant entre les tribunaux et les parlements des provinces, ces dernières ayant le pouvoir d’avoir le dernier mot sur la validité d’une loi qui brimerait certains droits fondamentaux grâce à la clause dérogatoire.
D’où les questions suivantes : l’interdiction de porter des signes religieux ostentatoires sur les lieux de travail entraîne-t-elle des conséquences exorbitantes, à savoir « qui dépassent la mesure, les proportions normales », telles que définies par le Petit Larousse illustré. Et, dans l’hypothèse où la Cour suprême acquiesce à la poursuite du gouvernement fédéral, quelles seront les conséquences sur les autres lois adoptées par le gouvernement québécois faisant appel à la clause dérogatoire?
En somme, en contournant l’attaque de front d’Ottawa contre la Loi sur la laïcité québécoise, assisterons-nous à l’émergence de la pointe de l’iceberg? Le verdict appartient maintenant aux juges de la Cour suprême, la plus haute instance judiciaire du pays, agissant en tant que tribunal d'appel de dernier ressort...
Le cauchemar d’Anaïs
Le cauchemar dans lequel est plongée Anaïs, une adolescente de 13 ans, relaté par Patricia Rainville du Soleil en date du 22 septembre dans un article titré «Mets-toi la corde au cou»: une ado brisée par l’intimidation, m’a littéralement sidéré.
Il y a quelques semaines, de jeunes intimidateurs lui ont martelé de se «mettre la corde au cou» en ajoutant malicieusement que « la corde ne tiendrait pas» sous son poids. «Depuis qu’elle est en maternelle qu’elle se fait dire qu’elle est grosse, qu’elle est ci, qu’elle est ça. Ça dure depuis le primaire, mais là, ça a atteint un autre niveau», insiste la maman d’Anaïs, Jenny Guillemette.
À bout de nerfs, Anaïs a décidé de porter plainte à la police, et comble d’ironie, «la plainte n’a pas été retenue au criminel parce qu’il manquait le mot “pendre” dans la phrase. Le procureur a décidé que ce n’était pas assez incitatif au suicide…» explique la mère d’ Anaïs, littéralement estomaquée.
L’intimidation à l’école est devenue un fléau qui se propage à vitesse grand V. Les médias sociaux en présentent sans coup férir à longueur de journée sur les gadgets électroniques des jeunes qui en subissent les effets pernicieux pouvant aller jusqu’au suicide. Il est à souhaiter que d’autres cas comme Anaïs dénoncent aux policiers la violence psychologique dont ils sont les innocentes victimes tout en espérant que les procureurs prennent leur déposition au sérieux...sans s’enfarger dans les fleurs du tapis.
Henri Marineau, Québec
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1 commentaire
François Champoux Répondre
24 septembre 202524 septembre 2025
Rebonjour M. Marineau,
Ah! Quel bon texte encore une fois!
Après la bavure des policiers qui ont tué un adolescent de 15 ans, après cet autre épisode d’un harcèlement psychologique entre enfants et adolescents (je ne connais pas l’âge de cette jeune Anaïs), je constate plus que jamais l’échec de notre système d’Éducation (depuis toujours) pour une formation de base à la civilité.
Votre texte m’a rappelé mes propres épisodes (lorsque j’étais enfant) de cette triste méchanceté entre enfants et même entre adulte vis-à-vis des enfants et entre adultes eux-mêmes. J’ai eu la chance d’écrire un essai sur "La violence morale au travail" (lire le texte sur mon blogue : http://francoischampoux.wordpress.com/ : « La violence morale au travail, 30 octobre 2023 ») et je peux confirmer que l’histoire se répète.
Il est vrai qu’avec les réseaux sociaux, l’ampleur du phénomène est plus grande que jamais, mais dans l’essence même du problème, celui-ci est exactement le même : une immaturité des adultes par manque de formation élémentaire au "vivre ensemble".
On a beau crier notre indignation à l’encontre des droits de la personne, on a beau crier que les humains s’ensauvagent (Thérèse Delpech : L’ensauvagement : le retour de la barbarie au XXIe siècle), rien ne change : on n’enseigne pas encore l’art d’aimer aux enfants et adolescents. L’École n’apprend pas l’essentiel de la civilité aux futurs adultes qui continueront leur harcèlement dans leur milieu de travail et même dans leur milieu familial!
Oui, j’ai tenté de sensibiliser nos élites, nos sommités, nos décideurs, nos bien pensants, etc., mais c’est la sourde oreille. Pourquoi? Est-ce encore les religions qui font la pression pour empêcher l’évolution? Qui bloque l’évolution des peuples? Je continuerai de tenter de sensibiliser; il le faut pour évoluer vers plus de maturité. L'humanité n'est pas achevée.
J’invite les lecteurs à lire ma courte conférence à cette fin sur mon blogue sous le titre suivant : "L’amour, l’art d’aimer, conférence 4, 21 juin 2025". N’allez pas croire que c’est la Vérité : c’est une recherche de celle-ci vers plus de connaissance pour apprendre à faire l’amour, au lieu de faire la guerre.
Nous nous mettons encore la corde au cou, nous-mêmes les adultes qui avons passé à travers les méchancetés de notre enfance, mais qui ne sait pas encore comment la résorber alors même que c’est notre devoir d’adulte vis-à-vis de nos propres enfants à les éduquer adéquatement à s’aimer plutôt que de se détester et de se détruire.
Il y a de cela environ 20 ans, j’ai vécu une soirée au salon funéraire où les jeunes pleuraient le suicide d’un des leurs : ça ouvre les esprits à notre bêtise.
Il faudra bien un jour que nous réalisions cette bêtise, notre aveuglement généralisé, et que nous passions à l’acte d’enseigner aux enfants les vertus humaines, le fondement même de la civilité, de la civilisation, si nous croyons au moins en ces droits fondamentaux pour toutes et tous. Sinon, il faudra déchirer ces chartes tellement dignes d’une humanité qui se respecte alors qu’elle n’arrive pas encore à le faire pour vrai en apprenant à s’aimer pour vrai.
François Champoux, Trois-Rivières