Comme les poissons, les gouvernements pourrissent par la tête. Rien n’indique que Jean Charest soit la cible de l’une des nombreuses enquêtes de la police anticorruption. Mais l’arrestation de Nathalie Normandeau jeudi nous rappelle cette évidence : c’est l’ancien premier ministre qui a créé les conditions de ces dérapages.
Ça va bien au-delà de l’idée selon laquelle le leader est ultimement responsable des agissements de ses subalternes. Dans une organisation, le patron ne peut pas savoir tout ce qui se trame dans son dos.
Non, si Jean Charest a une responsabilité morale dans les agissements de Nathalie Normandeau, c’est qu’il a envoyé un signal dès son arrivée en poste.
C’est ce qu’était venu expliquer très clairement l’ancien président et député du Parti libéral du Québec Robert Benoit à la commission Charbonneau. Ce signal, il était envoyé par le responsable du financement, l’homme d’affaires Marc Bibeau. La « culture » de l’argent venait de changer. M. Benoit en a été stupéfait.
C’est sous la gouverne de Marc Bibeau que les ministres se sont fait dire qu’ils devaient amasser 100 000 $ par année. C’est aussi sous sa gouverne, d’après plusieurs témoignages sous serment à la commission Charbonneau, que les firmes de génie se sont fait dire de donner – et de donner de plus en plus. L’ex-président de la firme RSW, Robert Dick, a dit que Marc Bibeau en personne lui avait carrément dit en 2002 que s’il voulait continuer à obtenir des contrats d’Hydro-Québec, il faudrait faire un effort… au cas où les libéraux prendraient le pouvoir (ce qui est arrivé en 2003). Les dons – via des prête-noms – de RSW ont plus que triplé entre 2002 et 2005. De 22 000 à 72 000 $. Les appels d’offres semblaient indépendants du gouvernement, mais disons qu’il ne voulait pas courir le risque d’être « barré »… Alors il a acheté cette étrange police d’assurance, même s’il violait la loi.
La directrice du financement du PLQ elle-même, Violette Trépanier, a dit à la Commission que Marc Bibeau avait présenté Jean Charest aux gens des milieux d’affaires quand il était arrivé d’Ottawa pour diriger le PLQ. M. Bibeau était un homme-clé pour l’argent, mais aussi très influent.
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Les gens d’argent dans les partis politiques ne sont pas assez stupides pour « mouiller » leur chef. Ils le protègent des détails inutiles et désagréables. Ils se contentent de faire arriver les choses. Jean Charest ne s’est sans doute pas soucié de savoir si le « salaire d’appoint » de 75 000 $ que le PLQ lui versait jusqu’en 2010 dérivait uniquement de dons personnels. À la lumière de la Commission, y a comme beaucoup plus qu’un doute…
Jean Charest n’avait pas à toucher à quoi que ce soit. Il ne pouvait pas tout ignorer pour autant des méthodes de financement. Et ces méthodes exerçaient une pression telle sur les ministres qu’on a créé… Comment appeler ça ? Une « zone de risque éthique », tiens.
D’un côté, on dit aux ministres de trouver des sommes généralement impossibles à recueillir auprès des citoyens. De l’autre, on envoie le message aux firmes qu’elles « doivent » au parti… mais aussi qu’elles peuvent s’attendre à une récompense.
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