Y a-t-il un psychanalyste dans la fédération ? L’accès de rage du Canada face au rejet du projet Oléoduc Énergie Est par les maires de la région de Montréal touche au délire.
Le degré d’agressivité de politiciens et de commentateurs autrement sérieux est tel qu’il ne peut s’expliquer sans fouiller dans la psyché canadienne.
Je précise tout de suite que, personnellement, je préfère de loin un pipeline à un wagon-citerne ou un pétrolier pour transporter du pétrole.
Mais comme tout projet, celui d’Énergie Est doit être approuvé. L’oléoduc, qui doit mener le pétrole albertain et saskatchewanais aux raffineries de Montréal et Saint John, au Nouveau-Brunswick, est présentement examiné par l’Office national de l’énergie.
C’est évidemment un projet majeur pour les deux provinces de l’Ouest, qui pourraient transporter plus de pétrole pour moins cher. Ça ne veut pas dire que les opposants « menacent l’unité nationale », comme j’ai lu tant et plus depuis cinq jours.
Le maire de North Bay, en Ontario, par où l’oléoduc doit passer, est aussi opposé au projet. Est-il un crypto-séparatiste ?
Hier encore, la commissaire fédérale à l’environnement disait que les 73 000 kilomètres de pipelines canadiens sont mal surveillés. Un aussi considérable réseau est en soi un hommage à sa relative sécurité ; il y a tout de même plusieurs fuites modestes par année et il risque d’y en avoir davantage, dit Julie Gelfand.
C’est-y une péquiste, ma foi ?
Alors, est-il permis au maire de Monréal et à ceux des environs de rejeter le projet… jusqu’à preuve du contraire ? Un projet, je le répète, qui doit encore passer le test de la régie ?
Non, car voyez-vous, il s’agit ici plus que de pétrole et d’économie ; il s’agit d’un projet de nation building.
Ce pipeline, finalement, est l’équivalent du chemin de fer au XIXe siècle : un projet qui définit le pays lui-même…
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En 2012, l’opposition des environnementalistes à un autre pipeline avait enragé le gouvernement conservateur. Northern Gateway devait traverser la Colombie-Britannique pour permettre au pétrole de l’Alberta d’être embarqué sur des pétroliers.
Des ministres conservateurs avaient prétendu que les opposants étaient des « extrémistes » et que des groupes étrangers étaient impliqués dans l’opposition à ce pipeline.
Le Globe and Mail en éditorial avait calmement répliqué que même si des bienfaits économiques peuvent découler du projet, il y a « des questions environnementales légitimes qui doivent être posées » (le projet est en suspens).
Pourquoi, alors, le « non, pas comme ça » de Denis Coderre est-il décrié dans la même page éditoriale comme bassement politique, mesquin et « paroissial » ?
Pourquoi tant de commentateurs associent-ils l’opposition au pipeline aux « séparatistes » ?
(Mettons que comme mascotte indépendantiste, on a déjà fait mieux que Denis Coderre en peluche.)
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L’unité nationale est un peu comme ce lac trop tranquille dont l’eau limpide est brouillée dès qu’on pose le pied sur son fond lisse mais vaseux.
Tout d’un coup, la lie des ressentiments remonte…
Et ce qu’on entend tout haut, c’est tout ce refoulé politique : Québec, enfant gâté de la fédération… Province pauvre qui vit au-dessus de ses moyens grâce au pétrole de l’Ouest et aux 10 milliards de paiements de péréquation… Maîtres chanteurs nationalistes qui vivent aux crochetx du reste du pays…
Nul doute qu’il y a au Québec un refus de regarder en face cette vérité désagréable : la richesse pétrolière nous a enrichis. Et on n’a pas en ce moment le choix entre le pétrole de l’Ouest et l’électricité pour tous. Comme dit François Legault, on devrait se demander comment il se fait qu’on est toujours en position de receveur dans cette péréquation…
Mais tout se passe comme si le fait d’être une province « pauvre » rendait nulle et non avenue toute réserve sur un projet d’oléoduc.
Il y aurait d’un côté des objections nobles et raisonnables en Colombie-Britannique – les droits des Premières Nations, la préservation de la Nature et David Suzuki.
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