La résurrection de la charte

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«Un débat brûlé par la stratégite aiguë»

Bernard Drainville ressuscite sa charte des valeurs emportée brutalement le 7 avril dernier par le tsunami de la défaite historique du PQ. Il en présentait hier une nouvelle mouture. Une charte de la laïcité, dit-il, plus «consensuelle» et «rassembleuse».

Il est vrai que l’ex-ministre péquiste aurait dû avoir la délicatesse de laisser passer l’onde de choc des attentats de Paris avant de se présenter comme la «voix» de la laïcité et grand pourfendeur des intégrismes religieux. Mais il est aussi vrai qu’il s’était déjà engagé à le faire.

Pour le géniteur de la charte, c’est avant tout son premier coup de salve dans une course à la chefferie qui, loin de Facebook et Twitter, se fait étonnamment discrète.
Incapable de se défaire de son boulet, M. Drainville choisit de l’assumer pleinement.
Contre les intégrismes, il s’inspire des travaux de l’ex-députée libérale Fatima Houda-Pepin. Pour les signes religieux ostentatoires, il maintient leur interdiction chez les employés de l’État, mais épargne les employés actuels, les cégeps, universités et municipalités.

Bernard Drainville vise deux objectifs. 1) Forcer le meneur de la course, Pierre Karl Péladeau, à se positionner sur un sujet toujours aussi controversé. 2) D’ici l’élection du nouveau chef en mai prochain, fédérer le maximum d’anti-PKP. Vaste programme.

Une résurrection risquée

La résurrection de la charte, même en version à peine allégée, risque toutefois de provoquer une nouvelle division au sein même de ce qu’il reste du mouvement souverainiste. À l’automne 2013, son volet controversé sur les signes religieux l’avait carrément scindé en deux blocs irréconciliables: les «pro» et les «anti».

L’ex-premier ministre Jacques Parizeau s’y était fortement opposé. Le Québec, disait-il, est déjà une société laïque qui, au fil des ans, se construit graduellement et sans heurts. Dans une rare communion d’idées avec M. Parizeau, Lucien Bouchard abondait dans le même sens.

Le débat sur les signes religieux avait aussi gravement endommagé les rapports déjà précaires entre le PQ et les communautés culturelles.

Un débat brûlé par la stratégite aiguë

En 2013, le gouvernement minoritaire de Pauline Marois voyait sa «charte des valeurs» comme une bouée électorale. Au fil du temps, son rejet de tout compromis sur les signes religieux finirait toutefois par trahir le caractère foncièrement calculateur de l’opération. Le calcul fut un échec, mais ses dommages perdurent.

Pour la société québécoise, la triste résultante fut de brûler pour longtemps la possibilité même d’un débat de fond sur la laïcité.

Idem du côté libéral. Même sans toucher aux signes ostentatoires, on y craint toute discussion sérieuse sur la neutralité religieuse. Sous pression, Philippe Couillard s’est néanmoins engagé à présenter un projet de loi minimaliste.

Or, d’attentat en attentat, le premier ministre dit attendre un moment plus «approprié». Craignant de s’aliéner une partie de sa base, on le sent aussi peu pressé qu’un poulet amené à l’abattoir.

Bref, l’espoir d’un débat éclairé sur la laïcité d’État est mort au Québec d’un trop-plein de stratégies partisanes.

Les Québécois méritaient mieux que ça.


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