Octobre 1970

La révélation qui change tout

En 2010, le PLQ est toujours est toujours la proie du crime organisé

Chronique de Richard Le Hir


Samedi 2 octobre, 10h22. Cyberpresse affiche un article d’André Noël, chef enquêteur à La Presse, titré [« Le ministre Pierre Laporte était sur écoute, révèle un livre »->31114]. Ce livre, ce sont les révélations de Claude Lavallée, ex-agent de la SQ, qui reconnaît avoir espionné pour le compte de son employeur et du premier ministre Bourassa les agissements du ministre libéral Pierre Laporte avant son enlèvement par le FLQ.
Selon André Noël,
« Dans les mois qui ont précédé la crise d’Octobre 1970, le conseiller du premier ministre Robert Bourassa allait régulièrement dans les locaux de la Sûreté du Québec pour écouter les enregistrements de conversations entre l’entourage du ministre Pierre Laporte et la mafia, révèle un ancien policier dans une autobiographie.
L’enlèvement de M. Laporte, alors ministre du Travail, a bien entendu mis un terme aux enquêtes policières sur ces relations mafieuses, indique Claude Lavallée, qui était alors spécialiste de l’écoute électronique à la SQ. »

Noël cite ensuite directement Lavallée pour qui l’enlèvement de Laporte

« […] signifiait l’échec de notre patiente enquête sur la corruption de l’homme politique par la pègre, qui devait prochainement mener - j’en étais convaincu - à l’inculpation du ministre du Travail. »

Voilà qui change tout.
En effet, il faut maintenant regarder d’un œil complètement différent le comportement du gouvernement Bourassa dans cette affaire, et en particulier ce qui est apparu au FLQ comme son peu d’empressement à négocier le sort de Laporte.
Sachant ce qu’il savait, le gouvernement était pris au piège, et sans nécessairement prendre la décision consciente et délibérée de sacrifier Laporte, mais se sentant tout de même coincé, peut-être a-t-il pris plus de temps pour se décider sur la voie à privilégier qu’il ne l’aurait fait en des circonstances normales. Or c’est justement ce temps qui a fini par être fatal à Laporte.
Objectivement, il faut reconnaître que la mort de Laporte faisait l’affaire de bien du monde. Le gouvernement Bourassa se dispensait du scandale qui aurait nécessairement éclaté à l’annonce de la compromission de Laporte. Le PLQ évitait tout risque d’ouverture d’une enquête plus étendue sur ses liens avec le crime organisé, et celui-ci profitait de la diversion causée par la mort de Laporte pour développer son réseau d’influence, car il était bien évident que le pouvoir politique n’allait certainement pas se mettre à remuer des cendres qui pourraient le compromettre.
Officiellement, le motif invoqué pour le refus de négocier était la raison d’État. On découvre aujourd’hui que derrière cette raison d’État se cachaient des motifs beaucoup moins nobles, et même si certains des protagonistes de l’époque s’avançaient maintenant pour affirmer solennellement que seule la raison d’État est entrée en ligne de compte, il subsisterait toujours un doute quant à la possibilité qu’il ait pu en être autrement.
Et comme cette affaire n’a jamais été entièrement lavée, qu’il reste encore des zones d’ombre, et que le gouvernement Charest, héritier politique du gouvernement Bourassa, refuse systématiquement de faire la lumière sur les liens qui peuvent exister aujourd’hui entre l’industrie de la construction, dont on sait qu’elle est complètement gangrenée par le crime organisé, et le parti au pouvoir via son financement, on ne peut faire autrement que d’en venir à la conclusion que le cancer qui rongeait le PLQ en 1970 est toujours présent.
Le journaliste André Noël, qui suit ces affaires depuis des années, en sait bien davantage que ce qu’il écrit. Il ne faut pas s’en surprendre. Outre les règles professionnelles auxquelles il est astreint, il est également tenu de respecter les dispositions du Code civil et du Code criminel sur le droit à la réputation qui l’empêchent de divulguer des informations sans preuves étoffées.
Pour sa part, La Presse son employeur, est sûrement sensible à la possibilité de poursuites comme celle qui a été intentée par Lino Saputo contre La Presse à la suite justement de la parution dans ce journal d’un article à son sujet pouvant laisser croire qu’il faisait partie de la mafia. Cette poursuite s’était réglée hors cour au bout de plusieurs mois, à des conditions qui n’ont pas été révélées. Mais un tel règlement à ce stade suggère que les deux parties ont mis de l’eau dans leur vin.
Pour preuve additionnelle de ce que les journalistes soupçonnent sans pouvoir toujours le dire, je vous suggère la lecture de cet article de Fabrice de Pierrebourg, maintenant à La Presse. Vous serez surpris de retrouver certains noms, qui défraient régulièrement, la chronique dans un contexte qui suggère le pire sans le dire. Vous verrez également comment tout ce beau monde se trouve à graviter autour du Parti Libéral.
Rien n’a changé depuis 1970.


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1 commentaire

  • Archives de Vigile Répondre

    11 octobre 2010

    Comment Boubou pouvait se dire propre ?
    Il était cadre chez Simard-Beaudry et marié à l'héritière de cette compagnie avant de briguer son poste parlementaire.
    Maintenant, SB est passé dans les mains de Louisbourg.