La souveraineté sans référendum

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La Révolution tranquille albertaine, une brèche dans la constitution de 1982

Danielle Smith : photo d’archives, Christopher Nardi


Où en serait le Québec si René Lévesque avait eu le luxe de faire la souveraineté sans avoir à se soumettre au test d’un référendum ?


Imaginez si Jacques Parizeau avait pu unilatéralement soustraire le Québec aux lois fédérales dans ses champs de compétences...


Politique fiction ? C’est essentiellement ce que propose celle qui pourrait devenir la prochaine première ministre de l’Alberta.


À la conquête du vote de sa frange radicale et des perpétuelles victimes de l’aliénation de l’Ouest, Danielle Smith espère gagner la course à la direction du Parti conservateur uni en proposant l’adoption d’une Loi sur la souveraineté de l’Alberta !


Le Sovereignty Act, comme on l’appelle, permettrait ainsi à l’Alberta de nullifier les lois fédérales, refuser de respecter les jugements des tribunaux et décisions réglementaires qui toucheraient à ses champs de compétence ou seraient contraires aux intérêts de la province !


L’exemple québécois


Sans surprise, Danielle Smith prétend vouloir donner à l’Alberta les pouvoirs que le Québec s’est arrogés depuis des décennies. Pas vraiment. Le Sovereignty Act, c’est le nationalisme de François Legault sur des stéroïdes !


On notera aussi l’ironie de voir l’Alberta s’inspirer du Québec pour corriger des torts qu’elle lui impute, de la péréquation à l’annulation de GNL Québec. 


Le débat illustre surtout la perception du Canada anglais face au nationalisme de la CAQ.


En effet, comment reprocher à l’Alberta de vouloir se soustraire à l’ambition climatique nationale, quand le Québec rejette sommairement un fondement de l’identité canadienne comme le multiculturalisme ?


D’ailleurs, comment ridiculiser la nature totalement anticonstitutionnelle de l’éventuel Sovereignty Act, quand Québec utilise de manière préventive la clause nonobstant pour se soustraire à la Charte dans le cadre des lois 21 et 96 ?


On comprend maintenant pourquoi le gouvernement Trudeau a changé son fusil d’épaule et choisi de s’engager dans la bataille juridique contre les lois identitaires québécoises. 


Au-delà de leur légitimité, les revendications québécoises sont dorénavant vues comme le ver dans la pomme de l’édifice constitutionnel canadien. 


Simon Jolin-Barrette a certainement amené de l’eau au moulin lorsqu’il a proposé plus tôt cet été de donner préséance à la Charte québécoise sur la Charte canadienne. 


Si c’est bon pour minou, c’est bon pour pitou. On ne peut reprocher à l’Alberta de vouloir faire de même sur les enjeux qui lui sont chers.


Vieux problème 


À court terme, le plus grand risque politique plane sur le candidat à la direction du Parti conservateur du Canada Pierre Poilièvre. Advenant sa victoire, il devra tôt ou tard répondre à ces affirmations de souveraineté provinciale. 


Un pari périlleux alors que les plus grands partisans du Sovereignty Act sont ses propres partisans. Équilibre oblige, s’il freine les ardeurs nationalistes albertaines, il devra faire de même face au Québec. 


Et nous revoilà plongés dans l’éternel casse-tête sur la place du Québec au Canada. Comme quoi le nationalisme de la CAQ, dans l’ensemble du pays, a des conséquences qui cette fois-ci pourront difficilement être balayées sous le tapis.