Au cours de l’une de ses premières apparitions comme leader de la Coalition Avenir Québec (CAQ), M. Legault, a promis qu'en cas de son élection comme Premier Ministre du Québec, il userait de la clause dérogatoire pour imposer la laicité. Je veux bien y croire, cependant, je trouve bizarre que tout le monde ne regarde qu'une facette de la façon de la faire, cette laicité, alors que la problématique est à mon avis plus complexe… notamment au Canada et son statut de pays multiculturel.
Au-delà des états d'âme des chefs des partis Québécois
Pena Ruiz a expliqué son triptyque en définissant les conditions qui doivent être réunies pour la réalisation de la laicité. Mais il part du principe que l'État est déjà Républicain, or le fédéralisme Canadien est incompatible avec la laicité qui est et restera une valeur RÉPUBLICAINE.
Dans Histoire de la laïcité : Genèse d'un idéal, (Gallimard, 2005), ce Maître de conférences, philosophe et écrivain nous rappelle que « (…) Laïque, l'Etat républicain se fait accueillant à tous, sans discrimination. Pour cela, il se refuse à tout privilège public des particularismes : ni religion reconnue, ni athéisme consacré. (…). » Or dans un contexte provincialiste comme celui du Québec, seul un parti qui oeuvre pour l'indépendance est en mesure de réaliser la Laicité. Pourquoi ? C'est tout simplement parce que seul un parti indépendantiste, porteur du minimum garanti c'est à dire deux projets : celui d'un pays indépendant républicain et souverain et celui d'une société diversifiée et pluraliste… est en mesure d’atteindre les objectifs du vivre ensemble, dans un espace de partage, de solidarité et de complémentarité et surtout balisé par des valeurs d’égalité. Cependant, il lui faudra au préalable les concevoir clairement et précisément. Ce qui ne semble pas pour demain la veille.
Un autre enjeu est à considérer avec attention en sortant du cadre de références habituelles. C’est celui qui fait du Canada une confédération à caractère multiculturel. Ce qui peut faire qu’aucune de ses provinces ne sera libre d'opter pour la laicité parce que la loi constitutionnelle de 1982, dans sa partie – I – celle qui consacre la charte canadienne des droits et liberté il est clairement écrit qu’ « Attendu que le Canada est fondé sur des principes qui reconnaissent la suprématie de Dieu… ». Par conséquent, tout approche républicaine est stipendiée
Le statut de l’individu, est encadré par des principes et non pas des valeurs ; il l’est comme sujet de la Reine, du Royaume Uni. Cette qualité prime sur tout le reste des valeurs collectives et communes ; des valeurs universelles, combien même le Canada, se voudrait séculier, la laicité n'y a pas de place.
La clause dérogatoire est quinquennale…
Au Québec, prétendre pouvoir procéder avec la clause dérogatoire est une simple vue de l'esprit. Sachant, comme le souligne si bien Henri Brun (professeur émérite à la faculté de droit de l'Université Laval), que « Ça pourrait permettre de mettre fin au débat pour un certain temps », dit-il, rappelant que « la clause dérogatoire doit être renouvelée par le Parlement qui l'applique tous les cinq ans… » et en tout état de cause le débat reprendra de plus bel à la fin de la cinquième année.
Quant au reste du Canada, aucune des provinces, même celles qui se considèrent comme les plus progressistes, ne pourraient en faire autant, enfermées qu'elles sont dans le carcan imposé par la sujétion à la Reine.
Si la clause dérogatoire fonctionne en la matière pour le Québec elle pourrait devenir contagieuse pour les autres provinces sachant que les vagues migratoires en provenance d’autres religions que la Judéo-chrétienne, s’imposent dans le paysage social ... et ça, presque tous les Canadiens du RoC ne l'accepteraient pas.
Sur ce point précisément, plusieurs observateurs émettent des hypothèses fort intéressantes mais celles-ci ne se valident pas dans un contexte multiculturel fortement axé contre le séparatisme ... et le communautarisme. Toutefois, pour la république rien n'empêcherait pas de regarder de l'autre côté de la médaille... C'est pour cela que la difficulté de mettre en oeuvre la laicité dans un contexte multiculturel… est utopique. Cependant, pour le Québec, l'indépendance est la seule issue … Pour l’heure, les Québécois doivent assumer que la déconfessionnalisation opérée depuis le début des années 60, n'est pas LA laïcité.
Parce que comme le souligne l’historien et auteur Olivier Loubes dans « La laïcité, cadre et profondeur de champ de la République » : (…) Il y a donc au cœur de la définition de la République une laïcité institutionnelle, constituée et constituante. Pour autant, on le voit bien ces dernières années, cette référence laïque peut être instrumentalisée par des adversaires de l’idéal républicain de laïcité, des valeurs laïques, qui s’en servent soit pour s’exclure de ce cadre démocratique, soit pour exclure des groupes du vivre ensemble national. (...)
https://www.reseau-canope.fr/les-valeurs-de-la-republique/laicite.html
Si c’est bien compris par toutes et tous, le reste sera facile à réaliser. En conclusion, l'idée de recourir à la clause dérogatoire n'est que chimère électoraliste…
Ferid Chikhi
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