Le Bloc a perdu sa raison d’être, estiment d’anciens députés

Élection fédérale 2008 - le BQ en campagne



Joël-Denis Bellavance - Cinq anciens députés bloquistes qui ont siégé aux côtés du chef Gilles Duceppe affirment que le Bloc québécois n’a plus sa raison d’être. À l’instar de l’ex-ministre péquiste Jacques Brassard, ils invitent les Québécois à passer à autre chose le 14 octobre, jour du scrutin.

Aux yeux d’Odina Desrochers, Louise Thibault, Nic Leblanc, Ghislain Lebel et Richard Belisle, le Bloc québécois est devenu notamment un groupe d’intérêt qui défend surtout les besoins des syndicats.
«Il y a tellement d’anciens syndicalistes de la CSN qui se sont recyclés comme militants ou députés du Bloc que je me demande parfois si le Bloc n’est pas en fait le Sénat de la CSN à Ottawa», affirme Richard Belisle, député bloquiste de 1993 à 1997 dans La Prairie.
Au sujet de la mission du BQ, M. Belisle aime rappeler la déclaration de Lucien Bouchard, chef du parti avant de devenir premier ministre du Québec : «Le succès du Bloc va se mesurer par la brièveté de son séjour à Ottawa.»
Ces propos font écho à la sortie de l’ex-ministre péquiste Jacques Brassard la semaine dernière. Dans une entrevue accordée à La Presse, il soutenait que le Bloc est devenu le clone du NPD depuis que la souveraineté a été mise en veilleuse. Il affirmait ne plus se reconnaître dans ce parti, tout en doutant fortement de son utilité à Ottawa.
Ces propos ont secoué le mouvement souverainiste. Mais il semble que son sentiment est partagé par plusieurs.
«Je suis d’accord avec Jacques Brassard. Le Bloc n’a plus sa pertinence sur la scène fédérale d’autant plus que la question de la souveraineté a été mise en veilleuse», ajoute M. Bélisle, qui a été candidat de l’Alliance canadienne en 2000 et qui milite aujourd’hui en faveur du Parti conservateur.
L’attrait d’un parti au pouvoir
«Dans mon cœur, je ne suis plus du tout bloquiste. Je ne suis plus un souverainiste, mais un nationaliste», affirme Odina Desrochers, député bloquiste de 1997 jusqu’à 2006 dans la circonscription de Lotbinière–Chutes-de-la-Chaudière. M. Desrochers a été défait par le député conservateur Jacques Gourde au dernier scrutin.
«Je pense que les Québécois veulent réintégrer le giron d’un parti au pouvoir à Ottawa. M. Harper répond beaucoup aux valeurs québécoises en ce qui concerne la famille. La reconnaissance de la nation québécoise rejoint beaucoup les gens. Compte tenu que le Bloc québécois et le Parti québécois ont décidé de mettre la souveraineté en veilleuse – leur raison d’être –, je ne comprends pas pourquoi le Bloc québécois continue de rester à Ottawa », ajoute M. Desrochers, qui appuie les troupes de Stephen Harper durant la présente campagne.
Louise Thibault, qui a quitté le Bloc québécois en avril 2007 pour siéger comme députée indépendante, parce que mécontente de la façon dont Gilles Duceppe dirigeait le parti, se pose aussi des questions sur le rôle du Bloc.
Mme Thibault brigue à nouveau les suffrages comme députée indépendante dans la circonscription de Rimouski-Neigette-Témiscouata-Les Basques. Elle croit être avoir été plus utile à ses commettants en n’étant plus membre d’un parti politique.
«Je suis souverainiste. Je me suis présentée en politique pour cela. Mais il faut reconnaître une chose, la souveraineté ce n’est pas un enjeu. Ça ne l’était pas en 2004. Ça ne l’était pas en 2006. Et ça l’est encore moins aujourd’hui», a dit Mme Thibault.
Mme Thibault souligne que le Bloc québécois en est rendu à demander que la reconnaissance des Québécois soit enchâssée dans la Constitution canadienne. «Je trouve cela absolument aberrant et insultant pour les citoyens québécois», a-t-elle dit.
Un autre ancien député bloquiste, Ghislain Lebel, qui demeure aussi souverainiste, ne mâche pas ses mots. M. Lebel a claqué la porte du parti en 2002 après avoir refusé, à la demande de Gilles Duceppe, de s’excuser auprès de Bernard Landry pour l’avoir traité de traître parce que son gouvernement avait conclu un accord sur l’autonomie avec quatre communautés inuites.
«Je l’ai dit il y a longtemps que le Bloc est inutile. Je n’avais pas besoin de Jacques Brassard pour me confirmer ce que je pensais. Vous savez l’enfer qu’on a vécus, ceux qui n’étaient pas de l’extrême gauche ou du milieu syndical dans ce parti. Je regarde cela et je trouve cela épouvantable. Le Bloc québécois est devenu le bras politique de la CSN», a dit M. Lebel, qui a été député bloquiste de 1993 à 2002 et a siégé deux ans comme député indépendant.
Il a souligné que les hauts dirigeants du Bloc – Gilles Duceppe, Pierre Paquette, Francine Lalonde, Claude Bachand, Yves Lessard – sont tous issus du milieu syndical et que leur candidat vedette dans Rivières-des-Milles-Îles, Luc Desnoyers, est le président du Syndicat des travailleurs canadiens de l’automobile, section québécoise.
M. Lebel, qui compte être candidat indépendantiste aux prochaines élections provinciales dans Chambly, n’écarte pas l’idée d’appuyer les conservateurs le 14 octobre.
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Gilles Duceppe (Photo Bernard Brault, La Presse)


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