Comment demeurer loyal au chef tout en se préparant à le remplacer ? Voilà la question à laquelle devront répondre les principaux ministres ou députés de Jean Charest et d’André Boisclair au cours des prochains mois, peut-être la prochaine année. Paul Martin pourrait vous en parler : l’exercice est difficile, pénible et risqué. Un véritable calvaire.
Il est prématuré de prédire ce qu’il adviendra de Jean Charest ou d’André Boisclair. Ce ne sont pas les appels à la démission des Yves Michaud du PQ qui dicteront l’avenir du parti et de son chef. Tout comme ce ne sont pas les sombres prédictions des médias qui vont sceller le sort de Jean Charest.
Mais indépendamment de l’avenir des deux hommes, la relève doit se préparer, et ce n’est pas simple. Jean-Pierre Charbonneau, par exemple, a beau répéter en ondes que Pierre Curzi ferait un bon chef péquiste, les choses sont plus complexes qu’il ne le semble. Encore faut-il que M. Curzi veuille le poste, et surtout qu’il soit en mesure de bâtir une organisation. Cela prend du temps, des appuis et de l’argent, ce dont un nouveau venu ne dispose généralement pas.
Paul Martin a mis 10 ans de cocktails-bénéfice et d’épluchettes de blé d’Inde partout au pays pour maintenir ses appuis en prévision du départ de Jean Chrétien. L’opération demande moins de temps au Québec, la géographie n’est pas la même, mais les prétendants à la succession devront s’activer. Déjà, on écrit que Philippe Couillard a appelé les députés et les candidats défaits aux élections, pour les consoler. Il avait un deuxième objectif : maintenir un lien en prévision d’une éventuelle course à la direction. Jean-Marc Fournier fait la même chose, Nathalie Normandeau aussi. C’est ainsi que les politiciens étendent leurs réseaux et solidifient leur influence.
Aussi normale et nécessaire soit-elle, cette préparation porte ombrage au chef et provoque des querelles entre les organisations. Dans le cas de Paul Martin et Jean Chrétien, les chicanes entre les soldats des deux clans ont souvent dégénéré, provoquant des accrochages publics entre le premier ministre et son ministre des Finances. On a pu voir le même genre de querelles pendant la course à la direction du PQ. Pendant que Mme Marois et M. Boisclair prêchaient la solidarité sur les estrades, leurs organisateurs multipliaient les coups bas. C’est ce qui attend le Parti libéral et le Parti québécois au cours de la prochaine année.
La politique étant un monde totalement imprévisible, les circonstances pourraient permettre aux deux leaders de rester en poste. Tout dépendra d’abord de leur désir de se battre. Mais les campagnes en sourdine des aspirants à la succession feront les manchettes et mineront leur ascendance sur le parti. Et puis il y aura les sondages, ces « damnés » sondages qui font votre bonheur ou votre malheur, qui font ou défont votre avenir, et qui ne veulent souvent rien dire par rapport au véritable test, celui des élections générales. André Boisclair et Jean Charest pourraient vous en parler. Paul Martin aussi.
Quand les péquistes vont prendre leurs sièges à l’Assemblée nationale, début mai, ils se retrouveront « dans le pit», confiait jeudi un ancien membre du cabinet Landry, sous le couvert de l’anonymat. « Le pit», au Salon bleu, c’est la section située complètement à l’opposé du siège du président, sous la galerie du public. Les visiteurs qui assistent au débat de la Chambre, à partir de cette galerie, ne verront que les députés libéraux et adéquistes. Travailler dans le pit, c’est travailler dans l’ombre. Heureusement, les débats sont télédiffusés… La revanche sera douce si les nouveaux adéquistes, inexpérimentés, se font planter en Chambre par les ministres libéraux. Mais le pit, ce sera comme un séjour en Sibérie.
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