Vers Copenhague

Le débat se durcit autour du prolongement de Kyoto

Copenhague - 15e Conférence de l'ONU sur les changements climatiques

Louis-Gilles Francoeur - À moins de 60 jours de la conférence de Copenhague sur le climat, les appuis au prolongement du protocole de Kyoto se multiplient au détriment de son remplacement par un nouveau traité qui ne contiendrait aucune cible contraignante, le scénario favorisé par les États-Unis à des tables de négociation de moins en moins discrètes.
Hier, l'Association du transport aérien international (IATA) a proposé quatre mesures aux différents gouvernements de la planète, y compris une prise de position pour le prolongement du protocole de Kyoto. Elle a proposé en effet à l'issue de sa réunion de Hong Kong de «gérer les émissions de carbone de l'aviation par l'entremise de l'OACI dans le cadre de Kyoto II, en considérant l'aviation comme un secteur industriel mondial».
La vision à long terme de l'IATA est d'ailleurs exprimée dans un document qui sera présenté à une réunion «de haut niveau» qui débute ce matin au siège de l'OACI, à Montréal, et qui portera exclusivement sur les changements climatiques.
Le document en question propose une amélioration de l'efficacité énergétique de l'aviation de 1,5 % par année d'ici 2020, la stabilisation des émissions étant ainsi obtenue à partir de 2020, ainsi qu'une réduction globale des émissions du secteur de 50 % d'ici 2050 par rapport au niveau de 2005. Si l'OACI utilisait l'année 1990, soit l'année de référence internationale, on racontait hier à Montréal que ce bilan aurait moins bonne mine...
Stagnation à Bangkok
Cette prise de position de l'IATA survient au milieu de la conférence sur le climat de Bangkok, en Thaïlande, qui réunit jusqu'à vendredi des représentants de 190 pays. Ces pourparlers tentent de ramener à une taille raisonnable les quelque 350 pages de propositions contenues dans le document officiel de la conférence de Copenhague du début de décembre.
Mais, outre l'enjeu de prolonger ou d'abolir le protocole de Kyoto au profit d'un nouveau traité, deux autres enjeux majeurs se dessinent. En effet, les pays en développement veulent obtenir avant la conférence de Copenhague des milliards pour se doter d'une réelle capacité d'adaptation à un mégaproblème environnemental causé essentiellement par les carburants fossiles à la base du développement économique des pays occidentaux depuis 150 ans.
Par ailleurs, les pays en développement s'opposent de plus en plus radicalement à ce que les 39 pays développés, qui ont pris des engagements de réduction à Kyoto, fassent comme si ces engagements n'existaient plus et qu'ils reportent plutôt leur effort officiel de réductions sur la période 2013-2020, comme le font notamment le Canada et le Québec.
La Chine, qui canalise avec un grand succès diplomatique le mécontentement des 131 pays en développement, particulièrement mécontents de cette fuite en avant de l'Occident, a ouvertement accusé les États-Unis lundi «de saboter fondamentalement» le protocole de Kyoto.
Remettant en question l'allure de tortue que prend la conférence de Bangkok durant cette deuxième semaine de pourparlers, l'ambassadeur chinois responsable des changements climatiques, Yu Qingtai, a déclaré: «La raison pour laquelle on ne progresse pas dans les discussions, c'est l'absence de volonté politique de la part des 39 pays industrialisés. Il y a chez eux un effort concerté pour saboter fondamentalement le protocole de Kyoto», dont ils souhaitent de plus en plus ouvertement l'abolition pour masquer leur incapacité à respecter leurs engagements.
La Chine a ainsi accusé les pays développés de renier leurs responsabilités historiques dans le déclenchement du réchauffement de la planète et de tenter, faute de progrès dans leurs politiques de réductions, de changer les règles du jeu à la dernière période de la partie afin de reporter sur les pays en développement une partie du fardeau des réductions qu'ils étaient censés assumer.
Rapport de l'AIE
D'autre part, l'Agence internationale de l'énergie (AIE) a dévoilé hier un important rapport, dans lequel elle détaille les investissements et les stratégies énergétiques de base que chaque pays devra adopter pour plafonner la hausse de la température moyenne de la planète à 2 °C, soit le niveau suggéré dans le dernier rapport du Groupe intergouvernemental d'experts sur le climat (GIEC) pour éviter un emballement du réchauffement. Le GIEC et le Programme des Nations unies pour l'environnement, tout comme l'Europe, ont proposé avec succès cet objectif lors des deux dernières conférences sur le climat, à Bali et à Poznan, où on a mis la table pour la deuxième phase de réductions de gaz à effet de serre (GES) dans un Kyoto II.
Selon l'AIE, il en coûtera 500 milliards en coûts de rattrapage pour chaque année de retard dans l'atteinte de l'objectif de stabilisation du climat, lequel se situerait à 450 parties par million de CO2 dans l'atmosphère terrestre. Cette concentration atteint présentement 387 ppm, et ce taux augmente de 2 à 3 % par année depuis le début de la décennie. Si plusieurs pays ont souffert de la crise économique mondiale, note l'AIE, ce n'est pas le cas de la planète, qui pourrait avoir bénéficié en 2009 d'une baisse des émissions de 3 %.
L'AIE estime que le contrôle des GES d'ici à 2030 exigera des investissements de 10 000 milliards, soit de 0,5 à 1 % du PIB mondial, une somme qui pourra être récupérée par les économies d'énergie.
Pour les États-Unis, notre voisin, la stabilisation du climat à une hausse de 2 °C exigerait, selon l'AIE, une réduction globale de leurs émissions de 18 %, qu'ils pourraient atteindre par une cible en intensité de -25 % de leurs producteurs d'énergie par rapport à 2007, une réduction de l'intensité des émissions de leur parc automobile de 41 %, une amélioration de l'efficacité de leurs édifices de 16 % et une baisse des émissions de leurs entreprises de 25%, toujours sur la base de 2007, accompagnée d'investissements de 90 milliards en matière d'efficacité énergétique d'ici 2020.


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