Le groupe Maurice et le projet Ora sur la Métropolitaine : cette construction est aberrante et illégitime sinon illégale.

Le projet du groupe Maurice : ORA

À la fin de 2016, le Groupe Maurice a annoncé qu’il allait construire un projet domiciliaire principalement pour les aînés, au nord du boulevard Crémazie, coin Papineau. Ce projet résidentiel, évalué à 65 millions $, serait composé de trois tours de 12 étages. La résidence ouvrira ses portes en 2019.

Selon la compagnie, ce projet se ferait sur l’ancien stationnement extérieur de la compagnie CG1, située au 1611 Crémazie E. Cette aire s’étend sur 60 000 pieds carrés.

Le Groupe Maurice a obtenu une vingtaine de dérogations dont les deux principales sont le changement de zonage de commercial à résidentiel et la possibilité d’établir un CHSLD privé dans ses résidences. Le cynisme des décideurs va plus loin. La Direction montréalaise du développement du territoire donne un avis favorable en affirmant que le projet ORA pourra être un écran pour empêcher et atténuer, pour les résidents du quartier St-Sulpice, la poussière et le bruit qui proviennent de l’autoroute. En d’autres mots, c’est pas grave car ce sont des vieux qui vont être incommodés.

Le projet ORA: les diverses pollutions et les aînés

Rien ne justifie la construction de résidences dans un espace aussi problématique. La Métropolitaine est à la source de problèmes importants sur le plan de la pollution sonore et atmosphérique. Cette voie est reconnue, du matin au soir, pour sa circulation intense de d'automobile et de camions lourds. De fait, la Métropolitaine est une voie surchargée, bloquée quotidiennement par des bouchons gigantesques qui commencent vers 6 hres et vont parfois jusqu’à 19 hres, et cela dans les deux sens.

Le Groupe Maurice, qui se dit si préoccupé par la santé de ses clients, a-t-il fait des études sur les taux de pollution atmosphérique autour de cette artère ? Non. Dans sa publicité, Groupe Maurice mentionne que les fenêtres qui feront face à la Métropolitaine auront un vitrage triple pour contrer la pollution sonore. Jamais, Groupe Maurice évoque le problème de la pollution atmosphérique, pourtant bien réel autour de ce projet résidentiel.

ORA du Groupe Maurice est un exemple de ce danger qui guette les aînés. Vers 2014 Groupe Maurice a acheté une partie du stationnement du groupe CSP-Cgi sur la rue Crémazie E. Il est très particulier de constater la compositions de ces résidences: 24 condos à vendre, 363 condos à louer et 21 unités de soins et avec dans un édifice à l'écart, 65 logements sociaux pour aînés. La seule raison du Groupe Maurice de choisir la location dans la plupart des logements, c'est la construction de ce projet sur Crémazie E. à quelques mètres de la Métropolitaine. Qui va acheter de tels condos sur la voie la plus bruyante, polluante et importante du Québec. Dans un dépliant, le groupe Maurice ne mentionne jamais le boulevard Métropolitain, ni les danger de la pollution atmosphérique.

Ce désengagement de l'État a atteint un point critique et des situations réelles doivent faire comprendre à la population qu'elle sera un jour directement touché par cette évolution. En l'absence de l'État, l'entreprise privée prend de plus en plus de place non seulement dans l'hébergement des aînés autonomes et mais aussi des aînés semi-autonomes et dépendants. Ce que nous appelons des lits médicalisés privés de longue durée.

L'exemple du projet ORA sur Crémazie E. démontre le danger d'un tel mouvement. Dans le champs des soins de longue durée aux aînés, l'objectif premier consiste à donner de bons services dans un environnement propice L'entreprise privée, dont le but premier est de faire des profits; sera obligée d'augmenter le coût d'hébergement . De plus, ce n'est pas seulement le coût d'hébergement qui augmentera: 5 000 $ à 6 000 $ mensuellement, c'est le risque pour la santé des aînés qui sera augmenté.

Les études scientifiques et la corrélation entre trafic urbain, diverses pollutions et santé des populations vulnérables.

Or des études démontrent clairement la corrélation entre le trafic urbain intense, la pollution et les conséquences sur la santé des citoyens.

Depuis de nombreuses années, nous connaissons les effets néfastes de la circulation lourde sur la santé des citoyens. En 2012, dans la revue Protégez vous, on lit :« Les gens qui vivent près d’une autoroute achalandée courent plus de risques de souffrir d’asthme, de bronchite chronique, de maladies cardiovasculaires ou d’un cancer du sein. La raison? Les habitants des maisons situées à moins de 200 mètres d’une autoroute achalandée sont exposés à un plus haut niveau de polluants atmosphériques, affirme la Dre Mélissa Généreux, médecin-conseil au Service de la protection de la santé publique de l’Estrie et professeure à l’Université de Sherbrooke. Les personnes âgées, les femmes et les enfants sont particulièrement vulnérables aux conséquences néfastes de ces polluants.

Dans le Bilan 2014 du Service de l’environnement de la ville de Montréal, nous retrouvons un chapitre intitulé clairement « Le transport routier source de pollution atmosphérique». Dans ce chapitre nous pouvons y lire que «(...)les oxydes d’azote (NO2), le monoxyde de carbone (CO), les particules fines (PM2,5) et les composés organiques volatils COV) sont des polluants atmosphériques majeurs générés, entre autres, par le secteur du transport. La congestion routière aux heures de pointe du matin et du soir sur l’île de Montréal n’est une surprise pour personne. La pollution générée par ce trafic est plus prononcée aux stations d’échantillonnage situées près d’artères principales ».

Selon ce même rapport, la station 28 d’évaluation des polluants, située au coin de la Métropolitaine et de l’autoroute 15, a enregistré des niveaux de CO et de dioxyde d’azote largement supérieurs à d’autres stations. Les concentrations de formaldéhyde et de NO2 sont environ de 30 à 45% supérieures à celles observées dans les autres stations.

Ces résultats démontrent clairement que l’automobile et les camions sont des sources importantes de détérioration de la qualité de l’air à Montréal.

Or il ne fait aucun doute dans la communauté scientifique que l’intensité du transport routier tout le long de la 40 à Montréal met en danger les personnes qui vivent très près de cette voie rapide...

Santé Canada estime que des morts prématurés dans les villes sont attribuables à l'exposition à court ou à long terme à la pollution atmosphérique. Par ailleurs, les effets de la pollution atmosphérique sont plus importants chez les enfants et les personnes âgées en raison de la fragilité de leur systèmes respiratoire et immunitaire.

Le cocktail toxique émis par les véhicules comprend des oxydes d’azote, des composés organiques volatils, ainsi que des monoxydes et dioxydes de carbone est un danger permanent pour les personnes situées près d’une voie importante et achalandée.

Depuis des années, la Direction Régionale de Santé publique de Montréal (DRSPM) recommandait de ne pas construire des bâtiments susceptibles d’abriter des enfants, des personnes âgées ou des personnes malades dans un rayon de 150 mètres autour d’une autoroute. Encore en 2017, la DRSPM, dans un AVIS CONCERNANT LES POLLUANTS LE LONG DES AUTOROUTES ET RECOMMANDATIONS SUR LES USAGES AUX ABORDS DU COMPLEXE TURCOT, revient fortement sur cette recommandation, suite à de nombreuses études scientifiques qui démontrent la forte corrélation entre les personnes vulnérables qui vivent près des autoroutes et l’augmentation de maladies chroniques. « Cette recommandation est clair: à l’exemple de plusieurs autres villes, ne pas implanter à moins de 150 mètres des autoroutes et des infrastructures routières à fort débit de nouveaux bâtiments destinés à des populations pouvant être plus sensibles aux effets des polluants, tels les écoles, les garderies, les centres de soins, les résidences pour personnes âgées. »

Le désengagement de l'État dans le développement de places dans les CHSLD publics et l'arrivée des résidences privées dans les lits médicalisés de longue durée: une catastrophe pour les classes moyennes.

L’implantation d’un projet résidentiel pour les aînés et non d’un projet commercial, aussi près de la Métropolitaine, est une aberration.  Alors que le gouvernement libéral par le CIUSSS du Nord-de-l’île-de-Montréal ferme, en 2018, 211 lits dans les CHSLD publics sur le territoire Ahuntsic-Cartierville, les résidences privées à but lucratif s'emparent du vide laissé par le désengagement de l'État. Le groupe Maurice gère déjà 28 lits médicalisés à la résidence Les Jardins Millen et prévoit 21 lits médicalisés dans son projet ORA sur le boulevard Crémazie E. Le coût moyen mensuel d’un lit médicalisé est d’environ de 5 000 $ à 6 000 $.

Dans un avenir déjà à nos portes, le désengagement de l’État dans la construction de CHSLD publics va se traduire pour les classes moyennes à devoir envisager des coûts beaucoup plus onéreux pour l’hébergement de leurs aînés malades qui ne trouveront pas place dans le secteur public. La patrimoine familial va servir alors beaucoup plus à payer des services d’hébergement et de soutien pour les aînés malades que d’aider les générations futures à passer au travers des difficultés économiques qui vont aller en s’accroissant. L’écart et les inégalités entre les plus riches ( 5 %) et les autres classes moyennes va connaître de nouveaux sommets et le patrimoine familial deviendra à peu près inexistant pour la majorité de la population.

À la base de ce projet ORA et de la fermeture de places en CHSLD dans le Nord de Montréal, c'est clairement le cynisme qui dépasse toute imagination. Aujourd'hui, le désengagement programmé et progressif de l'État et la logique financière irréfutable peuvent mener à une telle aberration: ORA.