Cela en dit long sur le NPD

Le droit à l'autodétermination du Québec : pas important selon Layton

Tribune libre

Par André Parizeau,
_ Chef du Parti communiste du Québec (PCQ) (*)
(*) Le PCQ est l'un des collectifs reconnus au sein de Québec solidaire (QS)
Le NPD se présente, depuis les élections fédérales du 2 mai, comme le nouveau "grand défenseur" du Québec, mais il a une bien drôle de manière de défendre les intérêts des Québécois et des Québécoises comme en fait foi une des toutes récentes déclarations de son chef, Jack Layton. Hier, soit le 24 mai, ce dernier était questionné quant à la position que prendrait le NPD advenant une éventuelle décision majoritaire des Québécois et des Québécoises en faveur de l'indépendance du Québec. Accepterait-il une telle décision, prise de manière démocratique, où ferait-il comme les autres partis fédéralistes, et finirait-il par s'y objecter ? La réponse est édifiante.
Selon Jack Layton, il est inutile de répondre à une telle question car il s'agirait "purement et simplement" d'une question "hypothétique". La plupart des commentateurs ont immédiatement interprété une telle réponse comme un signe comme quoi la direction du NPD a d'ores et déjà certaines difficultés à concilier ses intérêts par rapport au Canada-anglais avec ceux de sa députation nouvellement élue à Ottawa et qui, faut-il le rappeler, provient maintenant très majoritairement du Québec.
Il faut aussi dire que le NPD s'était clairement rangé du côté des Libéraux lors du vote sur la fameuse loi sur la clarté référendaire, laquelle statuait qu'une majorité de voix, telle que normalement interprété à travers tout le Canada, ainsi que dans la plupart des pays dits "démocratiques", n'avait plus la même signification quand il s'agissait de déterminer si le Québec avait ou non le droit de devenir indépendant.
Rapidement après son accession en tant que nouveau chef du NPD, au milieu des années 2000, Jack Layton avait promis de tout faire pour faire amende honorable et convaincre son parti de faire marche arrière vis-à-vis de cette fameuse loi en la déclarant comme étant immorale et anti-démocratique. Cela ne fut jamais fait et, s'il faut en croire cette nouvelle déclaration de Jack Layton, tout cela ne serait même plus dans les plans du Parti pour le futur.
Plutôt que de répondre à une question qu'il dit être "hypothétique", Jack Layton préfère mettre l'accent sur les avantages qu'il y aurait à rester dans un Canada "uni". On serait tenté de lui répondre en lui demandant de quels avantages parle-t-il au juste. On pourrait aussi lui demander en quoi le Canada est-il vraiment uni et sur quoi cette soit disant unité reposerait jusqu'à présent, sinon la négation des droits du Québec.
Le fait est que de reconnaitre le droit à l'autodétermination des nations, y compris celle du Québec, n'a rien à voir avec une soit disant question "hypothétique". Il s'agit au contraire d'un droit fondamental, reconnu par les Nations Unies. S'évertuer à nier le droit pour une nation de décider de son propre avenir, sans autre interférence de l'extérieur, est incompatible avec le fait de se dire démocrate. Le refus de reconnaître un tel droit de la part de tout politicien ou parti, dut-il s'appeler "le Nouveau parti démocratique" -- cela ne peut en fait que rendre la chose encore plus insultante -- ne peut que confirmer à quel point toute référence à la démocratie de la part d'un tel parti ou de tels politiciens n'est au fond qu'une référence creuse, vide de tout sens.
Cela me rappelle un certain congrès de la section NPD-Québec, au tout début des années 70. On venait juste de vivre les évènements d'octobre. J'étais délégué au congrès du NPD-Québec -- à ce moment là, je n'étais pas encore communiste, et le gros débat du moment, dans la section Québec du NPD, était de savoir s'il fallait ou non appuyer le droit du Québec à l'autodétermination. Le chef pancanadien du NPD, à l'époque, était David Lewis et il était venu à Montréal pour mettre en garde les délégué(e)s contre les dangers de tomber sous l'influence du "séparatisme" québécois. Ma participation à ce congrès fut mon premier geste en tant que membre nouvellement inscrit à ce parti et cela fut également mon dernier geste en tant que membre de ce parti...
On pourrait également rappeler que la position du NPD, en faveur d'un "fédéralisme asymétrique", non seulement ne veut pas dire grand-chose dans les faits, mais pourrait même représenter, si cela devait devenir réalité, une accentuation des attaques en provenance du fédéral vis-à-vis des compétences normalement réservées au Québec.
En passant, cette fameuse résolution de Sherbrooke, adoptée par le NPD, lors d'un Conseil fédéral en 2006, affirmait tout au moins que la règle du 50% plus un pouvait s'appliquer pour déterminer quelle genre de majorité pouvait être reconnue comme étant suffisante, même si la députation du NPD à Ottawa avait malgré tout voté 6 ans auparavant pour la loi sur la clarté référendaire. Du côté du Québec, l'ensemble des députés de l'Assemblée nationale l'avaient pourtant condamnée.
Qu'on ne vienne surtout pas me dire que la percée du NPD au Québec représenterait maintenant une réelle avancée pour la gauche québécoise. Pas plus que cela reflèterait aussi un soit disant triomphe pour les idées de gauche ... d'autant que les ont d'ores et déjà prouvé que bon nombre d'électeurs et d'électrices de droite étaient de ceux et de celles qui votèrent pour le NPD le 2 mai ... juste pour bloquer le Bloc.
À ce stade-ci, il faut seulement espérer que ceux et celles, qui à gauche, continuaient encore, jusqu'à tout dernièrement, à justifier leur appui à ce parti, commenceront enfin à s'ouvrir les yeux. J'inclus dans le lot, ceux et celles qui font aujourd'hui partie de cette nouvelle députation québécoise du NPD, mais qui, malheureusement, ne semblent pas jusqu'à présent trop s'offusquer de cette toute dernière sortie de leur chef.
Espérons aussi que tous ces gens ne se laisseront pas bêtement acheter par la rémunération se rattachant au job de député fédéral et qui est maintenant la leur...
On pourrait aussi rajouter à tout ce qui est mentionné plus haut le fait que la direction du NPD vient d'autre part de déclarer que toute la question du Québec, y compris la question de l'extension de la loi 101 au sein des compagnies oeuvrant au Québec et sous juridiction du code fédéral, devra nécessairement être désormais soupesée en fonction des autres "priorités du parti". C'était quelques jours seulement après l'élection. Qui plus est, l'annonce faite par le NPD quant à la composition de son cabinet fantôme est aussi intéressante puisque le nombre de députés issus du Québec, qui siègeront au sein de ce cabinet, restera nettement en dessous du poids relatif qu'ils et elles ont maintenant au sein de leur propre députation. Autres signes comme quoi la balloune est d'ores et déjà en train de se dégonfler de multiples manières du côté du NPD et de ses belles promesses vis-à-vis du Québec ...
Le fait que Jack Layton se soit finalement, et suite à une réprobation asseaz générale au Québec, repris en disant que la position incluse dans la déclarartion de Sherbrooke, à propos d'un appui au principe du 50% plus un, était toujours valable, ne change finalement pas grand chose. D'autant que bon nombre de députés du NPD au Canada anglais continuent encore à prétendre que la déclaration de Sherbrooke et leur appui aux principes contenus dans la loi sur la clarté seraient tout à fait ... compatible, parle par soit même.
C'est pitoyable.

À propos de cette fameuse déclaration de Sherbrooke du NPD
Voici ce que nous, au PCQ, disions déjà en 2007, à propos des positions du NPD face au Québec, et notamment en ce qui a trait à la fameuse déclaration de Sherbrooke, dont on parle tant depuis quelques jours :
D'un côté, ce document réaffirme le fait que le Québec serait une nation, ayant le droit à l'autodétermination -- une position qui existe depuis déjà des années au sein de ce parti -- et de l'autre, il souligne en même temps le fait qu'il ne serait pas nécessaire d'inclure ce droit dans la Constitution canadienne. "Une formalisation légale de ce processus (ndlr : on se réfère ici au droit à l'autodétermination) n'est pas nécessaire ni utile", peut-on lire dans le document à la page 8.
On ne serait en vouloir au NPD d'être pour la vertu, mais pour le reste, c'est non seulement pauvre mais surtout très décevant car leur position en faveur de ne pas revendiquer un changement à la Constitution pour exiger, entre autres choses, l'insertion d'une référence explicite au droit à l'autodétermination pour le Québec, revient dans les faits à dire qu'Il serait préférable de laisser toute cette question entre les mains des politiciens à Ottawa. Cela revient donc à faire la promotion du statu quo constitutionnel.
Leur position plus générale par rapport à ce qu'il entrevoit comme étant la place du Québec à l'avenir est tout aussi décevante et démontre clairement à quel point ce parti n'est pas vraiment capable d'évoluer. Pour le NPD, l'idéal consisterait à avoir un Canada asymétrique. Vous vous demandez peut-être ce que le NPD entend par là ? La réponse est édifiante et se trouve en pages 5 et 6 du document. La citation est un peu longue mais mérite néanmoins qu'on s'y attarde.
"Le Nouveau Parti Démocratique croit qu'un fédéralisme asymétrique est la meilleure façon de conjuguer (ndlr :souligné par nous) l'État fédéral avec la réalité du caractère national du Québec. Cela veut dire que le Québec doit avoir des pouvoirs spécifiques et une marge de manoeuvre particulière ... Cette asymétrie vis à vis du Québec peut notamment s'appliquer concrètement par un droit de retrait avec compensation ... Le Canada", peut-on également y lire, "est déjà dans une grande mesure asymétrique. En effet, le Québec a déjà plusieurs ententes particulières touchant la main d'oeuvre, l'impôt sur le revenu, la santé, l'immigration, les congés parentaux. Le Québec exerce aussi une présence sur la scène internationale, lorsqu'il s'agit d'enjeux se situant dans le prolongement de ses champs de compétence (par exemple la culture et l'éducation). Le Nouveau Parti Démocratique appuie ce genre d'ententes."
Dans les faits, une telle position de la part du NPD reste en dessous de ce que l'ADQ et le Parti libéral du Québec revendiquent eux-mêmes en parlant de la nécessité de renforcer l'autonomie du Québec. C'est tout dire ! C'est d'autant plus faible et timoré que la plupart des pouvoirs, dont parle le NPD, existent déjà pour le Québec. Le NPD lui-même le reconnaît. On en revient donc, une fois encore, à faire la promotion du statu quo. C'est comme si le NPD trouvait finalement que la situation actuelle n'était pas si pire, au fond ...
On pourrait d'autre part souligner le fait que le NPD continue toujours, pendant ce temps, à faire la promotion du pouvoir du fédéral à dépenser dans les domaines de compétences du Québec. Une véritable aberration que personne sur la scène politique québécoise ne défend plus ... sauf le NPD. Ce dernier va même jusqu'à prétendre que ce fameux pouvoir de dépenser du fédéral aurait des vertus intrésèquement "progressistes" (page 7).
Un peu plus loin, et cette fois à la page 8, le document insiste pour dire que le NPD "s'engage à respecter dans ses interventions, la loi québécoise sur les consultations populaires". "De plus", lit-on tout de suite après, "le NPD reconnaîtrait une décision majoritaire (50% plus un) des Québécois et des Québécoises, advenant la tenue d'un référendum visant à modifier le statut politique du Québec". Bravo ! Sauf que ...
... Sauf que nulle part ailleurs est-il mentionné si une telle position ira jusqu'à revendiquer l'abolition de la loi fédérale sur la clarté référendaire. Pourtant, et compte du fait que la députation du NPD avait justement voté au départ pour cette fameuse loi, tant décriée au Québec, on se serait attendu à un peu plus de "clarté" sur le ... sujet.
Tout de suite après son ascension comme nouveau chef du NPD, Jack Layton, s'était lui-même déclaré, de manière assez claire, contre cette fameuse loi et n'avait alors pas hésité à dire que l'appui de ses collèges députés pour cette loi avait alors été une ... erreur. Depuis ce temps, il n'en parle plus du tout ...
Pour en savoir plus sur le PCQ et les prises de positions qui prend, consultez son site internet au www.pcq.qc.ca .

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Chef du Parti communiste du Québec (PCQ), membre fondateur de Québec solidaire, membre du Bloc québécois, et membre de la Société Saint-Jean Baptiste de Montréal (SSJBM)





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1 commentaire

  • Archives de Vigile Répondre

    1 juin 2011

    Je connais, dans ma famille, des fédéralistes purs, des Libéraux de droite, qui ont voté NPD le 2 mai dernier. Ils n'ont pas voté pour la gauche ni pour l'asymétrie mais pour un sympathique ami. Un bon vendeur de pays qui ne passe pas son temps enragé ou qui semble au-dessus de la mêlée ou un pollueur guerrier.
    Tout le monde savait au Québec et dans le ROC que le NPD n'était pas un parti séparatiste. Comme vous l'écrivez, il était même un parti centralisateur.
    Ce sont les 20 % de souverainistes, mous de la constitution, qui ont voté pour le NPD, qui, en plus des fédéralistes, l'ont fait gagner au Québec. Un souverainiste mou est prêt à devenir fédéraliste, si l’occasion se présente.
    Les 25 % de purs et durs de la séparation ont voté pour le Bloc...normal. Le souverainiste, qui veut sortir le Québec du Canada, qui va voter pour un parti fédéraliste, a besoin de soins ou d'un cours de politique 101. Un séparatiste veut sortir le Canada du Québec avec sa monnaie et veut ériger des frontières avec l’Ontario, le Nouveau-Brunswick et le Labrador, tout de suite après avoir déclaré unilatéralement l’indépendance du Québec, suite à une élection d’un parti indépendantiste.
    Arrêtons de penser que le NPD va tenter de faciliter la séparation du Québec. Si le Québec veut plus de pouvoirs, faut qu'il trouve une majorité d'autres provinces qui aimeraient avoir les mêmes en faisant un front commun face au fédéral. Pas juste une demande pour lui, ce qui indispose le ROC. Est-ce que le Québec aimerait ça que Terre-Neuve demande des avantages que le Québec n'a pas. On les trouverait pas mal chiâleux. C’est déjà commencé avec la possible affaire de la ligne électrique sous la mer qui serait endossée par le fédéral..