Le français, une valeur québécoise?

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Bémol intéressant

Je donne des cours de français en tant que bénévole au Centre des travailleurs immigrants (CTI). Durant la dernière année, j’ai vu passer des gens de toutes nationalités avec comme point commun leur difficulté d’intégration au Québec. Ce sont pour la plupart des gens très intelligents qui possèdent des compétences professionnelles attestées dans leur pays, mais non « reconnues » par le gouvernement du Québec. Ce sont des ingénieurs sans emploi, des avocats sans emploi, des enseignants sans emploi ; j’ai même vu des médecins sans emploi (bien sûr, la plupart travaillent, mais pour des salaires ridicules et dans des domaines qui n’ont rien à voir avec leur expertise).

Ces pères et mères de famille ont presque tous suivi des cours de francisation ; ils se sont forcés pour apprendre la langue de notre province (j’allais écrire pays) ; et pourtant, ils n’arrivent toujours pas s’intégrer. En fait, la langue est, pour eux, un écueil énorme, car on ne leur enseigne que les bases d’un français scolaire. Cette langue, qu’ils ne réussissent pas à rattacher à celle qu’ils entendent dans la rue, les décourage, et je les comprends.

L’anglais comme planche de salut

Nombreux sont ceux qui choisissent l’anglais comme planche de salut. Ils ont bien compris qu’à Montréal, un immigrant ne peut espérer se trouver un bon emploi sans parler anglais. D’ailleurs, le CTI offre également des cours d’anglais. J’ai été surpris de constater que ce sont les cours les plus populaires, et ceux qui les suivent ne parlent pas un français très courant. Il va sans dire que cette situation m’inquiète et m’enrage.

Et voilà que depuis plusieurs mois, on parle de charte des valeurs québécoise et de la laïcité. La laïcité est certes un sujet important. Mais, on l’a dit, cette charte s’en prend directement aux immigrants, plus particulièrement à ceux de confession musulmane.

Je ne cherche pas ici à prendre position sur la charte. Simplement, j’aimerais faire remarquer que si le gouvernement avait mis autant de zèle politique dans la cause du français à Montréal, peut-être que les valeurs québécoises s’en porteraient mieux. Peut-être que j’aurais moins le sentiment que la xénophobie s’accentue pendant que les immigrants se ghettoïsent et se dégoûtent de ma langue maternelle. Peut-être que je serais en mesure de dire à mes étudiants qu’au Québec, la valeur la plus importante, c’est la défense du français. Car en ce moment, je n’ai aucune crédibilité si je leur débite mon discours sur la culture québécoise. Ils sont trop découragés par le message qu’on leur envoie : pour réussir à Montréal, il faut enlever son voile, baragouiner un français d’école et comprendre l’anglais.

Mais peut-être que le gouvernement Marois nous cache une « charte affirmant la valeur du français et de la culture québécoise francophone », ou quelque chose du genre ? Ça serait bien ridicule, j’en conviens. Mais ce le serait déjà moins que cette nouvelle « Charte affirmant les valeurs de laïcité et de neutralité religieuse de l’État ainsi que d’égalité entre les femmes et les hommes et encadrant les demandes d’accommodement ».


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