Le gouvernement Charest aux soins intensifs

Chronique de Patrice Boileau


Depuis quelques semaines, le nouveau chef du Parti québécois André Boisclair clame à tout vent vouloir constituer une « équipe de rêve » pour affronter la bande à Jean Charest lors du prochain scrutin général. Fort bien. Néanmoins, que pourront faire de plus le dirigeant péquiste et son groupe flamboyant, puisqu'il est clair que l'État québécois vit un cauchemar dans le carcan financier imposé par Ottawa depuis plus de dix ans?
Le nouveau député de la circonscription de Pointe-aux-Trembles se berce d'illusions, s'il croit mieux se tirer d'affaires que le Parti libéral, advenant une victoire électorale de sa formation.
Les choses vont si mal à Québec que le ministre de la Santé et des Services sociaux Philippe Couillard essaie de tripoter des listes d'attente de certains hôpitaux afin de tromper les Québécois et de les convaincre que son gouvernement a diminué le nombre de personnes qui requièrent une chirurgie... À moins que ce ne soit pour accélérer l'accès aux soins intensifs à plusieurs collègues du cabinet auquel il appartient! Plusieurs en effet nécessitent prestement des traitements pour guérir du virus provincial...
Le ministre Claude Béchard est l'un de ceux-là. Le pauvre souffre du syndrome du « consensus asymétrique.» Lorsqu'une forte approbation soude plus de 80% de la société civile, le député libéral de Kamouraska-Témiscouata l'ignore. Mais quand un consentement semblable rallie des élus municipaux qui pensent comme lui, ce dernier plastronne et hurle être un grand démocrate...
Michel Audet, responsable du portefeuille des Finances, endure depuis près de deux ans une malformation aux jambes. Le ministre croit avancer dans ses négociations avec Ottawa au sujet du déséquilibre fiscal, après avoir affirmé la semaine dernière « être parlable », si le gouvernement fédéral lui suggère un règlement de deux milliards de dollars. Pas de doute qu'en lui replaçant les pieds à l'endroit, le député de la circonscription de Laporte pourra se rendre compte à quel point il recule, depuis qu'il a remplacé Yves Séguin...
Jean-Marc Fournier, ministre de l'Éducation, du Loisir et du Sport, souffre d'amnésie. Probable que ce malaise découle de la réforme scolaire qu'il a personnellement expérimentée puis maintenue, malgré les résultats catastrophiques qui ont été récemment dévoilés. Gravement atteint par le virus provincial, le député de Châteauguay a appuyé un programme d'Histoire du Québec lobotomisé. Ainsi, le peuple québécois n'aurait jamais subi de conquête armée et vivrait harmonieusement grâce aux précieux enseignements de la majorité anglophone... Vite! Un docteur!
Il y a aussi Jacques Dupuis qui nécessite promptement des soins. Le ministre de la Sécurité civile est convaincu que quiconque rencontre le Premier ministre ne peut que tomber en amour avec lui. Avec le taux d'insatisfaction record que traîne Jean Charest depuis qu'il dirige le Québec en 2003, le député de la circonscription de Saint-Laurent souffre assurément de dédoublement de la personnalité. Son affirmation farfelue est digne d'une mascotte qui s'agite devant des gradins vides. Le vice premier-ministre a déjà montré d'autres signes qui prouvent que ce syndrome l'habite : sa gestuelle triomphaliste à l'Assemblée nationale, lors du dernier remaniement ministériel, rappelait les simagrées de Youppi...

Le Whip en chef du gouvernement Norman MacMillan n'est pas en reste. Le pauvre a affirmé, il y a quelques semaines, que son illustre chef « passerait le knock-out » au chef péquiste dès qu'il entrerait à l'Assemblée nationale. Assurément, le député de Papineau souffre de surdité. Entendre Jean Charest déclarer que l'organisation d'un référendum empêche l'accomplissement d'autres tâches ne peut qu'engendrer le doute sur sa capacité intellectuelle... Le Premier ministre n'impressionne personne avec ce genre d'insanité. Ne sait-il pas qu'une équipe gouvernementale est formée de plusieurs personnes entourées de conseillers? Quelqu'un peut-il l'aviser qu'un cabinet ministériel ainsi qu'un caucus de députés peuvent s'acquitter de plusieurs responsabilités à la fois et viser simultanément nombre d'objectifs? Ce n'est pas parce que son administration a raté toutes ses cibles qu'aucun gouvernement ne peut réussir. Espérons que le choc du Whip du PLQ ne sera pas trop brutal, une fois que son ouïe sera guérie.
Est-ce à dire que « l'équipe de rêve » que « sent et voit » André Boisclair parviendra à s'immuniser du virus provincial? L'antidote référendaire que le chef péquiste croit efficace est malheureusement sans effet maintenant. Le virus a muté depuis 1995. Il est loin d'être sûr que son remède réussira à le sauver, lui, ses coéquipiers et surtout les Québécois. D'autant plus qu'il ne reste qu'une dose : il n'a donc pas droit à l'échec sous peine de condamner tout le monde. Voilà qui n'a rien de rassurant. D'où le peu d'enthousiasme que suscite la verve du chef du PQ dans la population et dans les sondages.
On ne peut donc prendre le risque d'entrer à l'Assemblée nationale sans d'abord avoir été vacciné contre le virus. Ce vaccin, c'est le peuple québécois qui peut l'administrer aux députés souverainistes, en leur donnant le mandat de nettoyer l'édifice du Parlement dès leur arrivée. Les Québécois en ont ras-le-bol de voir leurs gouvernements agoniser depuis plus de dix ans. Plusieurs ne croient plus en la capacité de l'appareil étatique de réaliser de grandes choses. En leur offrant la liberté d'immuniser tous les élus souverainistes au départ, à l'élection de leur choix, qu'ils soient verts, péquistes ou solidaires; ces Québécois qui ne votent plus ressentiraient soudainement de l'espoir. Ce sont eux qui ont besoin de rêver, rêver de voir le Québec quitter les soins intensifs.
Patrice Boileau
_ Carignan, le 15 septembre 2006

patriceboileau@videotron.ca


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1 commentaire

  • Luc Bertrand Répondre

    20 septembre 2006

    Quelle bonne comparaison! L'analogie du "virus provincial" avec la "gouverne provinciale" est tout à fait appropriée. En effet, si André Boisclair ou même le commun des mortels ne le réalisent pas, l'érosion des pouvoirs réels de l'Assemblée nationale due à l'invasion massive des champs de compétence provinciaux par le gouvernement fédéral, les effets pervers du déséquilibre fiscal (La Gazette, le Globe and Mail ou tout autre journal "canadian" peuvent nier cette réalité à tour de bras, il n'en demeure pas moins que les Québécois(e)s sont contraint(e)s de payer, par leurs impôts et taxes, des interventions gouvernementales souvent en contradiction entre elles, sinon opposées à leurs intérêts en tant que peuple majoritaire francophone) et les décisions de la Cour Suprême est telle depuis plus de dix ans que tous les gouvernements qui se sont succédés à Québec, peu importe l'appartenance politique, ont été réduits effectivement à l'impuissance financière et politique. Malgré les coupures drastiques imposées dans la santé, l'éducation et les municipalités par les gouvernements Bouchard et Landry, les tours de passe-passe comptables des ministres des finances péquistes et libéraux, la "vente de feu" des actifs de l'État québécois et les hausses de tarifs par le gouvernement Charest, l'équilibre des finances du Québec n'aura été qu'éphémère et illusoire en regard du désordre social, de la désillusion ou du cynisme qui se sont installés dans la population.
    Étant donné qu'autant les fédéralistes que les souverainistes reconnaissent l'impossibilité - ou même l'inutilité - de réformer la Constitution de manière à satisfaire aux intérêts spécifiques du Québec sans soulever de colère dans les autres provinces, une élection québécoise visant à élire un gouvernement provincial en accord avec les pouvoirs dévolus au Québec par la Constitution de 1982 est non seulement futile, mais également non avenue étant donné que tous les partis politiques à l'Assemblée nationale refusent de reconnaître cette constitution.
    Si Jean Charest a finalement (?) choisi de différer l'élection à l'année prochaine, je crois que cette période de répit devrait être utilisée pour convaincre les partis à accepter le principe que l'enjeu de cette élection sera bel et bien le statut du Québec dans le Canada. Jean Charest, Mario Dumont et leurs partis (libéral et ADQ) se devront, s'ils veulent justifier leur légitimité comme gouvernement provincial dans une fédération "canadian" définie comme dans la Constitution de 1982, d'obtenir le mandat de faire rouvrir cette constitution pour y apporter des modifications clairement définies pendant la campagne électorale. De son côté, André Boisclair et le Parti Québécois (ainsi que Québec Solidaire) doivent présenter un "programme de pays" et une Constitution québécoise appelée à remplacer celle de 1867 pour être cohérents avec l'objectif fondamental du parti et les conséquences de l'évolution politique depuis 1995. Ceci ne pourrait être réalisé par voie de référendum (un processus qui ne fait d'ailleurs plus consensus au sein de la population québécoise et même canadienne) puisque cette option impliquerait la soumission aux règles imposées par le gouvernement fédéral dans la "Loi sur la Clarté" (C-20), le seul protocole "d'auto-détermination des peuples" reconnu au Canada par les pays de l'ONU si le gouvernement du Québec ne signifie pas clairement son objection. De cette façon, la prochaine élection n'aura pas d'autre choix que d'être considérée comme référendaire. En l'absence de proposition mitoyenne, les partis politiques reconnus à l'Assemblée nationale devront se positionner clairement par rapport à l'une ou l'autre des options (le Québec province canadienne selon les dispositions de la Constitution de 1982 - revue ou non - ou le Québec pays indépendant).