Les promesses en politique, c'est dangereux. Surtout quand il n'y a pas suffisamment de temps pour qu'elles passent à l'oubli... C'est le problème auquel est confronté Stephen Harper dans ses relations avec les provinces.
Sans l'annoncer formellement, le premier ministre prépare un enterrement de première classe à sa promesse de tenir une rencontre fédérale-provinciale cet automne sur le déséquilibre fiscal.
Je sais, je sais, je vous ennuie à mourir en traitant de cette question qui n'intéresse que 0,5 % de la population, et dont les technicalités sont assorties d'une langue de bois qui passionne les spécialistes. Mais c'est important, et je vous ferai un résumé à la fin.
Retour en arrière : c'est ici même, le 19 décembre, devant la Chambre de commerce régionale des entrepreneurs, à Sainte-Foy, que M. Harper a reconnu l'existence du déséquilibre fiscal et promis de s'y attaquer. C'est à partir de ce discours que les conservateurs ont connu une remontée au Québec.
Le 2 mai, son ministre des Finances, Jim Flaherty, a réitéré la promesse lors du dépôt de son budget : "Je vais rencontrer mes collègues des provinces et des territoires plus tard au printemps pour amorcer les discussions. Une réunion des premiers ministres aura lieu cet automne".
La semaine dernière, le ministre canadien des Affaires intergouvernementales, Michael Chong, a révélé à son homologue québécois, Benoît Pelletier, qu'il n'était plus certain de la tenue d'une telle conférence. En fait, on s'interroge sérieusement, dans la capitale fédérale, sur l'à-propos d'une réunion sur le déséquilibre fiscal, depuis que les provinces se sont cassé les dents sur le sujet à Terre-Neuve, en juillet. Même Jean Charest avait alors soulevé des doutes. "Le fruit n'est pas mûr", avait-il expliqué.
Mais que le fruit soit mûr ou pas, Stephen Harper n'aurait pas l'air d'un bien grand leader s'il devait renier l'un de ses principaux engagements électoraux, en prenant prétexte des divergences entre les provinces.
Le problème, c'est que le gouvernement canadien a ouvert un panier de crabes en s'engageant de façon aussi précise sur un sujet d'une telle complexité.
Le déséquilibre fiscal, c'est une grosse bouchée, mais combiné à une entente sur le pouvoir fédéral de dépenser, c'est un plat totalement indigeste. Or c'est précisément le menu qu'a affiché M. Harper en promettant de meilleures relations avec les provinces. Son ministre des affaires intergouvernementales, Michael Chong, est actuellement en tournée pancanadienne pour consulter les provinces. À Québec, le ministre Benoît Pelletier lui a expliqué que "l'exercice du pouvoir fédéral de dépenser doit respecter le partage des compétences, sinon le Québec doit avoir un droit de retrait avec compensation financière". M. Pelletier entend faire de cette question"un enjeu important au cours des prochaines semaines".
Résumons donc
Je vous ai promis un résumé, ne retenons donc que l'essentiel :
- Stephen Harper nous a promis de l'argent pour gagner les prochaines élections, mais il ne peut décemment nous donner tout le magot.
- M. Harper s'est engagé à distribuer les fonds lors d'un party cet automne à Ottawa, mais les autres provinces veulent une portion du gâteau qu'il réservait à Jean Charest.
- Pour en remettre, le Québec profiterait de l'occasion pour demander une compensation financière chaque fois qu'Ottawa mettra son nez et son argent dans les affaires des autres provinces. Lisez "société distincte", "échec de Meech", et vous comprenez tout.
- Conclusion : le grand party de la belle entente avec les provinces risque de se terminer sur un échec très médiatisé. D'où la tentation de tout annuler.
Que faire, dans de telles circonstances ? Gagner du temps et laisser les fonctionnaires fédéraux concocter une solution à la sauce mandarine ? Avec une fonction publique libérale et centralisatrice, c'est tout aussi risqué que de travailler sur une solution politique.
Le pire, c'est que M. Harper ne pourra pas faire comme Brian Mulroney après Meech et dire que lui, au moins, il a essayé. C'est une obligation de résultat que s'est donné le chef conservateur lors de son passage à Québec en décembre dernier. Relisons le texte : "Un gouvernement conservateur donnera des résultats aux citoyens du Québec, pas seulement des promesses qui ne pourront jamais être respectées".
Faut-il réserver nos billets d'avion pour une conférence à Ottawa cet automne ? Inutile de se presser. La convocation d'une conférence fédérale-provinciale est une prérogative du premier ministre, explique-t-on maintenant au bureau du premier ministre, en ajoutant que M. Harper est bien trop prudent pour mettre la main dans un tel panier de crabes, sans avoir au préalable une solution assurée.
rgiroux@lesoleil.com
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