Hélène Buzzetti - La prorogation du Parlement continue de créer des remous. Le premier ministre soutient qu'il en va de la stabilité des marchés financiers, mais son adversaire libéral y voit un réflexe dictatorial.
Ottawa — Le premier ministre Stephen Harper ne croit pas que la prorogation du Parlement nuise à l'image internationale du Canada en donnant l'impression d'une démocratie bancale. Au contraire, croit-il, c'est le fonctionnement du Parlement lui-même en situation minoritaire qui déstabilise les marchés financiers.
Deux semaines après avoir mis fin aux travaux parlementaires et liquidé du même coup la moitié de son agenda législatif, le premier ministre conservateur doit encore justifier son geste. Il a d'abord soutenu devoir remettre les compteurs à zéro puisque le plan de relance économique a été mis en oeuvre, mais il soutient maintenant que son équipe pourra mieux travailler sans la distraction que cause l'activité parlementaire.
Le premier ministre a fait ces déclarations en entrevue avec le réseau Business News Network (BNN) lundi. La journaliste lui demandait si, en suspendant les travaux du Parlement pendant les festivités de Noël, il ne compromettait pas la réputation canadienne d'un pays «fiable et stable». «Il y a zéro risque, a répondu le premier ministre. Dans le monde entier, notre régime constitutionnel est celui qui fonctionne sans interruption depuis le plus longtemps. Les petits jeux reprennent quand le Parlement revient.»
Un gouvernement minoritaire
«Nous sommes minoritaires, a-t-il poursuivi, et dès que le Parlement reviendra, la première chose qui se produira sera un vote de confiance et il y aura des votes de confiance et des spéculations électorales chaque semaine pendant le reste de l'année. C'est le genre d'instabilité, je pense, qui préoccupe actuellement les marchés. Mais vous savez, le gouvernement est bien préparé et les Canadiens veulent que nous nous concentrions sur l'économie. C'est donc ce que nous ferons.»
De passage à Rivière-du-Loup hier aux côtés du premier ministre Jean Charest, M. Harper a dû expliquer ses commentaires. Il a seulement répété que «c'est la réalité d'un gouvernement minoritaire» et que la population ne voulait pas d'élection. «J'espère que c'est la même chose pour les partis d'opposition», a-t-il dit.
Le chef libéral, Michael Ignatieff, a ridiculisé ce point de vue alors qu'il était de passage à Montréal à HEC. «Cette idée selon laquelle la démocratie crée de l'instabilité est ridicule, a-t-il lancé. Que veut-il au juste? Fermer le Parlement complètement pour qu'il puisse jouir de la stabilité d'un premier ministre dont les pouvoirs ne connaissent aucune limite?»
Selon M. Ignatieff, le premier ministre conservateur «a un problème fondamental à accepter des limites à son pouvoir comme premier ministre». «Le Parlement a un rôle à jouer, a-t-il ajouté, soit de demander des comptes au premier ministre. Cela ne crée pas d'instabilité. Ce sont nos institutions qui fonctionnent comme elles le devraient.»
Hier, une lettre ouverte dénonçant la prorogation du Parlement signée par plus de 170 professeurs de droit, de sciences politiques et de philosophie a été publiée dans deux quotidiens du pays. Cette lettre, dont Le Devoir a fait état samedi dans sa version préliminaire, conclut que «les actions du premier ministre risquent d'établir un précédent qui fragilisera une condition importante d'un gouvernement démocratique, soit la capacité du peuple, agissant par le biais de leurs représentants élus, de tenir le gouvernement responsable de ses actions».
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Avec la collaboration de Robert Dutrisac
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