Dans sa chronique d'hier, le 20 février, Gilbert Lavoie, du Soleil de Québec, évoquait la possibilité que les entreprises chinoises sollicitées pour investir dans le cadre du Plan Nord ait exigé de pouvoir amener avec elles leur propre main-d'oeuvre. Dans la mesure où les chambres de commerce tentent depuis quelques années d'obtenir la libéralisation de l'admission au Québec des travailleurs étrangers mêmes peu qualifiés, la perspective soulevée par le chroniqueur n'est pas nécessairement sans attache avec la réalité. D'ailleurs, en page B-2 du Devoir de ce matin, nous apprenions que la société Nunavik Nickel avait embauché des travailleurs originaires du Nouveau-Brunswick en lien avec ses travaux dans le Nord québécois.
C'est à se demander si nous ne sommes pas aux prises avec «quecque chose» comme la Révolution tranquille à l'envers. À l'époque, les libéraux provinciaux mettaient de l'avant des politiques visant libérer les Québécois de l'emprise de la propriété étrangère sur leur économie. De nos jours, ils font de leur mieux pour remettre le volant aux étrangers, qui pourraient bien redevenir...maîtres chez nous. Mais, passons.
Récemment, comme nous le savons, le ministre des Ressources naturelles, monsieur Clément Gignac, comparait le Nord québécois aux pays émergents, faisant par là figure de visionnaire, eu égard à la chronique de Gilbert Lavoie. Mais, gardons-nous quand même de trop nous fier aux visionnaires, ce qui pourrait nous priver des leçons de l'histoire.
En 1949, donc, la Chine bascule dans le clan communiste. Aussitôt, les États-Unis soumettet ce pays à une politique d'encerclement. Ceci les amènera à favoriser le développement économique du Japon et, dans une moindre mesure, d'une constellation de petits pays du Sud-est asiatique comme la Corée du Sud, la Thaïlande, l'Indonésie et les Philippines. Ces pays constituaient une source de main-d'oeuvre bon marché qui approvisionnaient le marché américain en menus articles comme les camisoles, les espadrilles, les jouets, les petits appareils radio, les calculatrices, etc. Aux États-Unis, le consommateur ne demandait pas mieux.
Mais, les Asiatiques n'avaient pas l'intention d'approvisionnes les Américains en espadrilles jusqu'à la fin des temps. Appuyés sur le crédit étranger, donc, ils ont lancé leur économie dans la fabrication de biens situés beaucoup plus haut dans l'échelle de la qualité de la production. Ils se mirent ainsi à construire des aciéries, des usines pétrochimiques, des manufactures d'automobiles et de produits électroniques, etc. Et, ils ne lésinèrent pas, non plus, sur les infrastructures et l'immobilier résidentiel. Les autoroutes commencèrent donc à quadriller le paysage, bordées de centres commerciaux et d'édifices à condos tous plus luxueux les uns que les autres.
Pendant des années, les pays du Sud-est asiatique connurent des taux de croissance de 10 %. Cette belle prospérité leur valut le nom de «Tigres» asiatiques. Les pages financières nord-américaines en vinrent à les citer en exemple à suivre. En fait, ils étaient presque décrits comme une menace; les Tigres allaient s'emparer des économies développées. Mais, toute cette belle croissance était assise sur le crédit. Et, elle n'avait pas de débouchés commerciaux pour entretenir la croissance. La main-d'oeuvre étant sous-payée, elle ne pouvait évidemment pas acheter la production locale. En outre, il y avait une limite à ce que pouvait absorber l'économie américaine.
S'ajoutait à cela le fait que les États-unis avaient entrepris un rapprochement avec la Chine qui allait se joindre aux fournisseurs d'articles peux coûteux pour le marché américain. Toute cette conjoncture donna évidemment lieu à des pressions insupportables pour les Tigres. Leur balance commerciale commença à se détériorer. Leurs monnaies entreprirent une longue glissade. Et, leur dette, en bonne partie libellée en devises étrangères, devint de plus en plus lourde à porter. Les conditions... perdantes étaient réunies.
À l'été 1997, les fonds spéculatifs commencèrent à s'attaquer aux monnaies sud-asiatiques. Une à une, les banques centrales durent abandonner la défense de la monnaie nationale. Fin octobre, cette année-là, ce fut le tour de Hong Kong, que l'on croyait imprenable du fait de son retour dans le giron de la Chine le 1er juillet précédent. Mais, il ne faut jamais sous-estimer les fonds spéculatifs. Ils eurent également raison du Hang Seng et du dollar local.
Les Tigres se retrouvèrent donc avec des usines abandonnées, des centres commerciaux déserts, des édifices à condos vides et des autoroutes ne menant nulle part. Sous la poigne du Fonds monétaire international et du département du Trésor américain, ils durent se soumettre à des mesures fiscales très coercitives. Évidemment, les grandes multinationales purent ensuite s'approprier les entreprises locales à prix d'aubaine. Apparemment, les Tigres n'ont pas vraiment apprécié le dégriffage.
Qu'en est-il maintenant du Plan Nord? Le gouvernement québécois s'applique depuis des mois maintenant à intéresser les étangers au développement des ressources que l'on retrouve là-bas. On se demande vraiment si ses missions commerciales ne sont pas que des entreprises de quémandage pour des investissements à rabais. N'oublions pas qu'Hydro-Québec doit être mise à contribution pour 47 milliards $ dans le cadre de ce projet. On parle de centrales électriques, d'aménagements portuaires, de facilités aéroportuaires et de construction de routes. En fin de semaine dernière, nous apprenions que la société d'État aurait négocié une entente d'approvisionnement d'électricité avec la minière Adriana Resources sur la base de 3,6 cents le kilowattheure. Or, le côut de production moyen d'Hydro-Québec serait de 8,6 cents le kWh. Autrement dit, on aurait négocié à perte.
Maintenant, le prix des ressources demeurera-t-il ce qu'il est à l'heure actuelle? Rien n'est moins certain. Fin 1998, après la crise asiatique, le pétrole se transigeait à 10,90 $US. Dix ans plus tard, en juillet 2008, il touchait 147 $US. Et en hiver 2009, il avait glissé à 35 $US. Hier, il se vendait 105 $US. Autrement dit, le prix des ressources comprend une lourde prime à la spéculation. Est-ce que l'économie mondiale peut se permettre de payer une telle prime indéfiniment? Quel est le prix véritable des ressources naturelles?
Maintenant, si leur prix devait dégringoler, le Québec ne risque-t-il pas de se retrouver avec des centrales électriques inutilisées, des routes ne conduisant nulle part, des ports abandonnés et des aéroports déserts? Le danger est réel. Lorsqu'un projet n'est plus payant, les multinationales ne lésinent pas. Elles s'en vont là où elles peuvent faire plus d'agent. Et qui devrait décontaminer les sites abandonnés? À l'heure actuelle, le Québec fait face à une facture de décontamination à la hauteur d'un milliard $. Et, non, ce ne sont pas les Martiens qui vont la régler.
Alors, les Québécois devraient garder un oeil vigilant sur le Plan Nord parce que, contrairement aux multinationales, ils ne pourront pas filer à l'anglaise advenant une débâcle. Et, s'ils risquent d'hériter de la facture, ils devraient exiger plus que des miettes de la part des «créateurs de richesse» qui s'apprêtent à passer au festin.
"Back to the future"
Le Plan nord et la crise asiatique
C'est à se demander si nous ne sommes pas aux prises avec «quecque chose» comme la Révolution tranquille à l'envers.
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4 commentaires
Archives de Vigile Répondre
23 février 2012Il y a lieu d'entretenir des craintes, même les plus folles, sur notre avenir collectif. Par exemple, Charest a-t-il expliqué aux Québécois pourquoi il a confié le volet environnemental à des groupes étrangers au Québec, qui y entretiennent sans plus des bureaux, avec des «Canadiens-français» de service? Pourquoi les rencontres de concertation se sont-elles déroulées à huis-clos? Et dans quelle langue?
La réalité, c'est que dans son Plan nord, Charest continue de donner libre cours à son obsession de déstructurer les acquis de la Révolution tranquille. Parce qu'il s'est juré de faire du Québec une province comme les autres, une province tout court, quelque chose comme un gros Nouveau-Brusnwick.
Hugo Girard Répondre
22 février 2012Ne pourrions-nous pas légiférer afin que les projets bénéficiant des avantages du Plan Nord, comme les infrastructures, soient des entreprises majoritairement propriétaires par des québécois? De cette façon, nous nous assurerions que les retombés profitent au Québec sans nous priver d'investissement étranger!
Archives de Vigile Répondre
22 février 2012Moi j'ai une question très simple à poser : qui va s'en mettre plein les poches avec le Plan Nord? Qui? Et combien?
Avec qui le gouvernement du Québec et ses organismes publics et parapublics ont-ils signé des contrats?
J'ai fait une demande d'accès à l'information au ministère de des ressources naturelles et j'attends la réponse.
Pierre Cloutier
Jean-Claude Pomerleau Répondre
22 février 2012Nous sommes dans ce que M Richard Le Hir appel "la dépossession tranquille" (Le titre de son prochain livre à paraitre le 11 avril prochain).
La chronique de cette dépossession tranquille nous est exposé ici par M Daniel Breton, actuel candidat au Parti Québécois :
http://www.tagtele.com/videos/voir/73448
Qui mieux que lui peut rendre crédible le programme du Parti Québécois qui propose de reprendre le contrôle de nos actif collectifs et d'entreprendre la Révolution tranquille phase 2.
JCPomerleau