Le choix des mots n'est jamais innocent en politique, surtout lorsqu'il s'agit de résumer en un bref slogan tout un programme politique. En intitulant sa plate-forme électorale «Reconstruisons notre Québec» plutôt que «Construisons notre Québec», le Parti québécois dit bien ce que sera sa priorité une fois qu'il sera porté au pouvoir.
Les adversaires du Parti québécois avaient bien hâte de pouvoir mesurer la place qu'occuperait la construction du pays dans le programme péquiste et de voir comment son chef, André Boisclair, arriverait à concilier toutes les tendances au sein du camp souverainiste. Sur ce point, il semble avoir réussi à plaire à Dieu et à son père tout à la fois.
Occultée, la souveraineté ne l'est pas dans ce programme contrairement à ce que certains souverainistes craignaient. Elle occupe les quatre premières pages du programme qui décrit la démarche qu'il suivra pour réaliser son projet de faire du Québec un pays. On retrouve pour l'essentiel le cheminement adopté au congrès de juin 2005.
André Boisclair imprime toutefois sa marque. Partisan d'une accession ordonnée à l'indépendance, il a retenu la suggestion faite par Louis Bernard au moment de la course au leadership de se plier aux prescriptions de la Cour suprême sur le processus d'accession à la souveraineté. Il n'y aura pas de déclaration unilatérale d'indépendance au lendemain d'un référendum. Une proclamation d'indépendance ne viendrait qu'au terme d'une négociation d'un an avec Ottawa. La clarification est importante.
Quant au référendum, la plate-forme précise qu'«un gouvernement du PQ est résolu à tenir une consultation populaire sur la souveraineté le plus tôt possible dans son premier mandat». Le mot «résolu» est à souligner. S'il est déterminé à tenir ce référendum, le PQ d'André Boisclair ne s'y engage pas formellement. À noter que la tenue d'un référendum ne fait d'ailleurs pas partie de la liste des engagements électoraux. Cela est sage. Le chef péquiste devait se préserver une nécessaire marge de manoeuvre pour repousser la tenue d'un référendum si les conditions n'étaient pas propices.
A été aussi écartée l'idée de faire de ce scrutin une élection quasi référendaire en s'y présentant avec un programme de pays. André Boisclair s'en est tenu à la tradition de son parti qui a toujours été de mettre en avant un programme de gouvernement. Le choix de «Reconstruisons notre Québec» comme slogan électoral confirme qu'il s'agit d'abord de remplacer un gouvernement qui, au cours des quatre dernières années, a adopté des mesures impopulaires. Cela confirme aussi que ce sera sa priorité s'il est élu.
L'idée de «reconstruire» vient conforter l'insatisfaction de nombre d'électeurs à l'endroit du gouvernement Charest. On ne va toutefois pas jusqu'à proposer de faire table rase des politiques libérales. Si on s'engage à annuler la vente du mont Orford ou encore à revoir certains éléments de la loi 142 qui a imposé les conditions de travail aux employés du secteur public, on maintient par contre l'augmentation à 7 $ par jour du tarif des CPE tant décriée au moment où elle fut décrétée.
Les engagements péquistes se déclinent en sept chantiers qui couvrent tous les champs d'intervention de l'État québécois. Là où le PQ se singularise tout particulièrement, c'est avec cette promesse de tenir un journal de bord qui permettra de présenter une fois l'an le degré d'avancement de l'agenda référendaire et des sept chantiers. Promesse exigeante s'il en est, mais on y gagnerait énormément en transparence si elle était tenue.
L'empreinte personnelle d'André Boisclair sur ces sept chantiers est moins évidente que sur la stratégie référendaire. Si on retrouve en tête de liste des chantiers l'éducation dont il avait fait le thème principal de sa campagne au leadership, transparaissent par contre à beaucoup d'endroits les compromis faits avec les diverses tendances au sein de son parti. L'illustre particulièrement le chapitre des relations de l'État avec ses employés syndiqués. On peut s'en étonner, mais c'est conforme à ce que le PQ a toujours été, une large coalition dominée par la gauche. Même si André Boisclair aurait aimé tirer son parti un peu plus à droite, il demeure campé là où il a toujours été, au centre gauche, avec un programme social-démocrate soutenant le développement économique et le développement social.
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