Le Président wallon contesté au Parlement de Namur

Chronique de José Fontaine


Dans le système politique belge, pour des raisons complexes, ce sont les partis politiques qui sont probablement les instances les plus déterminantes. Cela n'empêche pas que le Premier Ministre fédéral soit tout de même autre chose que leur pantin. Le Pouvoir exécutif dans l'Etat belge unitaire est constitué du Gouvernement (responsable devant le Parlement), autour du roi (qui, lui, n'est pas responsable devant le Parlement). On le désigne dans la Constitution belge par le terme le Roi, qui vise à la fois les ministres responsables et le roi irresponsable.
Le roi des Belges fut le centre du système politique belge
Le roi n'est pas nécessairement une potiche. Il exerce un pouvoir d'influence capital par les trois droits qui lui sont octroyés selon Bagehot dans toute monarchie constitutionnelle: le droit d'être informé, le droit d'être consulté et le droit de mettre en garde. Ces droits sont exercés dans la discrétion, mais, de manière générale, on considère que les quatre premiers rois des Belges (Léopold I, Léopold II, Albert I et Léopold III), ont été la pièce centrale de ce système politique. Le roi a pour lui la durée. Si le fait qu'il ne puisse pas poser d'actes publics l'handicape, il le conforte aussi dans la durée. Car s'il devait poser des actes publics, il devrait être contrôlé par le Parlement qui pourrait lui exprimer sa défiance et en fait le renverser, ce qui n'est pas dans la nature d'un régime monarchique (même constitutionnel et parlementaire). Or la durée est intéressante pour un roi car en Belgique il est accompagné par des conseillers très compétents, dont le nom est le plus souvent ignoré mais qui secondent le roi efficacement dans les contacts qu'il a avec tout ce qui compte politiquement, sociologiquement et socialement en Belgique. Au coeur de ces contacts, le roi reçoit une information immense et, bien conseillé par son cabinet, exerce un pouvoir tout aussi important, quoique inconnu puisque devant demeurer secret.
Il n'a plus aucun rôle dans les Etats fédérés
Cependant le roi n'a pas aucun rôle dans le gouvernement des Etats fédérés, car il ne fait pas partie de leur pouvoir exécutif. Les Gouvernements des Etats fédérés sont absolument indépendants du Pouvoir central. Ce n'est pas négligeable parce que l'on considère que les Etats fédérés exercent aujourd'hui déjà 51% des anciennes compétences étatiques qui, encore avant 1980, étaient toutes dévolues au seul Etat belge dont l'érosion va se poursuivre après les élections fédérales de 2007 qui, selon toute vraisemblance, seront suivies d'un nouveau transfert aux Etats fédérés (essentiellement, la Flandre, la Wallonie et Bruxelles).
Les présidents de partis
Mais il n'empêche que les présidents de partis sont tout à fait importants parce que, vu la division linguistique du pays, les gouvernements fédéraux de coalition (et toujours de coalition) mettent ensemble au minimum deux partis à multiplier par deux puisqu'il y en a toujours un en Flandre et en Wallonie pour chaque orientation idéologique. Quatre partis, cela fait beaucoup de musiques à accorder, qui le sont quand même par les présidents de partis.
Le problème du Président Di Rupo
Le problème du Président du Parti socialiste le Wallon Elio Di Rupo, c'est qu'il exerce ce rôle important au plan fédéral. Mais que peut-être par aveuglement devant le rôle important des partis, il est à la tête du gouvernement wallon. Somme toute, il est une branche du Pouvoir exécutif fédéral et le chef du Gouvernement wallon.
Cela fait beaucoup pour un seul homme. Et jeudi, les membres du parlement wallon dans l'opposition le lui ont durement rappelé, estimant que la tâche de gouverner la Wallonie devrait suffire à l'occupation d'un homme. Ces parlementaires ont donné ainsi de l'importance à la Wallonie car Di Rupo est sans conteste l'homme politique belge francophone le plus important. Quelques heures avant, toutefois, les mêmes députés wallons avaient encommissionné le projet de décret spécial créant une Constitution wallonne. Etonnamment la presse bruxelloise s'est moquée de ce projet considérant que le Parlement wallon devait avant tout se mobiliser sur les questions économiques. Sans se souvenir que cette même presse et ces mêmes médias, en 1947, 1952, dans les années 60 et 70, moquaient fortement les projets fédéralistes visant à instituer une Wallonie autonome. Alors aussi, l'objection contre cette autonomie, c'était que les problèmes économiques devaient avoir la priorité et ils étaient alors traités par le Gouvernement belge de l'Etat unitaire. On disait même que les difficultés économiques de la Wallonie devaient se résoudre sans transformations politiques. Maintenant que ces transformations ont eu lieu et que le Pouvoir politique wallon existe bel et bien, on met à nouveau la priorité sur l'économie, mais probablement par crainte de voir le Pouvoir wallon devenir un vrai pouvoir étatique, en gagner le prestige, ce qui est le but de ceux qui prônent une Constitution wallonne.
Donc on n'avance pas ou du moins comme à la procession d'Echternach dans le Luxembourg où les participants font un pas en avant puis deux pas en arrière. Somme toute, on avance quand même et un jour ou l'autre Di Rupo deviendra le Chef du gouvernement wallon et rien que cela ou - ce qui revient au même - la fonction ne pourra être occupée que par un homme de poids.
José Fontaine

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Né le 28/6/46 à Jemappes (Borinage, Wallonie). Docteur en philosophie pour une thèse intitulée "Le mal chez Rousseau et Kant" (Université catholique de Louvain, 1975), Professeur de philosophie et de sociologie (dans l'enseignement supérieur social à Namur et Mirwart) et directeur de la revue TOUDI (fondée en 1986), revue annuelle de 1987 à 1995 (huit numéros parus), puis mensuelle de 1997 à 2004, aujourd'hui trimestrielle (en tout 71 numéros parus). A paru aussi de 1992 à 1996 le mensuel République que j'ai également dirigé et qui a finalement fusionné avec TOUDI en 1997.

Esprit et insoumission ne font qu'un, et dès lors, j'essaye de dire avec Marie dans le "Magnificat", qui veut dire " impatience de la liberté": Mon âme magnifie le Seigneur, car il dépose les Puissants de leur trône. J'essaye...





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