WASHINGTON | Le procès historique de Donald Trump entre, mardi, dans le vif du sujet au Sénat américain, où s’affrontent deux camps irréductibles: l’opposition démocrate, qui réclame la destitution du président des États-Unis, et la majorité républicaine, déterminée à l’acquitter, si possible, au pas de course.
• À lire aussi: Trump fustige les «prophètes de malheur» devant Greta Thunberg
Donald Trump a depuis Davos qualifié son procès en destitution, sur le point d’entrer dans le vif du sujet à Washington, de « farce » et de « chasse aux sorcières ».
Aux journalistes qui lui ont demandé, à son arrivée au Forum économique mondial, pourquoi il ne se trouvait pas dans la capitale américaine, il a dit: « Nous venons rencontrer des leaders mondiaux, les gens les plus importants du monde, et nous rapportons (aux Etats-Unis) de formidables affaires économiques. »
« Le reste c’est juste une farce », a-t-il ajouté. « C’est la même chasse aux sorcières qui dure depuis des années et franchement c’est honteux. »
Quatre mois après le début de l’affaire ukrainienne qui empoisonne la fin du premier mandat du républicain, et à moins de dix mois de l’élection présidentielle à laquelle il compte en briguer un second, les 100 sénateurs vont se retrouver à 13h sous la présidence du chef de la Cour suprême John Roberts.
La tâche de ces élus qui ont prêté serment, jeudi, en tant que jurés lors de l’ouverture formelle du procès? Déterminer si Donald Trump est bien coupable d’abus de pouvoir et d’entrave au travail du Congrès, comme le décrit l’acte d’accusation adopté en décembre par la Chambre des représentants.
Le rendez-vous s’annonce d’autant plus grave et solennel qu’il s’agit seulement du troisième procès en destitution d’un président américain, après Andrew Johnson en 1868 et Bill Clinton en 1999.
Donald Trump sera physiquement absent des audiences au Sénat et y sera représenté par une équipe d’avocats. Au moment des premières joutes, il aura prononcé un premier discours au Forum économique mondial de Davos, où il retrouve pour deux jours le gotha de la politique et de l’économie mondiale.
Au cœur du scandale: un coup de téléphone en juillet au cours duquel le président américain demandait à son homologue ukrainien Volodymyr Zelensky d’enquêter sur Joe Biden, son adversaire démocrate potentiel à la présidentielle de novembre.
Les démocrates, majoritaires à la Chambre qui a mené l’enquête, accusent l’ex-magnat de l’immobilier d’avoir exercé un chantage sur Kiev: vous lancez l’enquête ou nous bloquons une aide militaire cruciale.
«Rien fait de mal»
«Le président n’a rien fait de mal», répondent les avocats de Donald Trump dans leur argumentaire de 110 pages soumis lundi au Sénat.
C’est la ligne de défense de l’ex-homme d’affaires new-yorkais âgé de 73 ans, qui enchaîne les provocations et aime casser les codes politiques. Depuis des mois, il fustige une «chasse aux sorcières» et affirme que son coup de fil était «parfait».
Dénonçant un «processus truqué» qui a abouti à «une perversion dangereuse de la Consitution», ses avocats ont estimé que les chefs d’accusation adoptés avec les seules voix démocrates n’étaient pas passibles de destitution, car «ils ne comportent aucun crime ou violation de la loi».
L’équipe juridique de la Maison-Blanche, qui a recruté quelques vedettes des prétoires comme l’ex-procureur Kenneth Starr, qui tenta de faire tomber Bill Clinton dans l’affaire Lewinsky, a d’ailleurs appelé le Sénat à «acquitter immédiatement» le 45e président des États-Unis.
Pour les démocrates chargés de porter l’accusation lors du procès, Donald Trump affirme ainsi «que le Sénat ne peut pas le destituer, même si les accusations contre lui sont prouvées».
«Tiercé de fautes constitutionnelles»
Celui qui assumera le rôle de procureur général, l’élu démocrate Adam Schiff, entend au contraire prouver que le locataire de la Maison-Blanche «s’est livré à un tiercé de fautes constitutionnelles méritant une destitution» : «il a sollicité une ingérence étrangère, a mis en danger notre sécurité nationale et tenté de tricher en vue de la prochaine élection».
«Il est le pire cauchemar des pères de la Constitution», a-t-il martelé lundi.
En réalité, l’acquittement semble pratiquement assuré pour Donald Trump, grâce à la majorité républicaine du Sénat qui fait bloc derrière lui. La durée des débats reste en revanche une question en suspens.
À quelques heures de l’ouverture des débats, en effet, le plus grand flou planait encore sur le déroulement du procès, qui devrait d’ailleurs démarrer par des votes pour fixer la procédure.
Selon des membres du camp présidentiel, l’influent Mitch McConnell, chef de la majorité républicaine au Sénat, souhaite imposer des débats à marche forcée, bien décidé à offrir à Donald Trump l’acquittement rapide qu’il espère, idéalement dans un délai de deux semaines.
Au programme, selon des règles du jeu proposées lundi soir, Mitch McConnell prévoit deux journées de 12 heures pour l’accusation et autant pour la défense afin qu’elles exposent leurs arguments, puis 16 heures de questions des sénateurs.
Beaucoup trop court, selon l’opposition démocrate au Sénat. Leur chef, Chuck Schumer, a dénoncé une «honte nationale».
Ce n’est qu’après cette première phase que Mitch McConnell entend mettre aux voix la question cruciale des témoins.
Les démocrates réclament que quatre acteurs clés de l’affaire ukrainienne soient convoqués à la barre, dont le chef de cabinet de la Maison-Blanche, Mick Mulvaney, et l’ex-conseiller à la sécurité nationale John Bolton.
Mais pour cela, ils doivent remporter à chaque fois un vote, ce qui s’annonce difficile au regard du rapport de force au Sénat, où les républicains disposent de 53 élus sur 100.