François Legault s'est récrié vivement, vendredi dernier, quand Christiane Charette a laissé entendre que sa performance à l'Assemblée nationale était si impressionnante que Pauline Marois avait préféré s'effacer devant lui.
Il a expliqué qu'en l'absence du premier ministre Charest, la tradition parlementaire veut que le chef de l'opposition ne pose pas de question à un simple ministre. Comme le dossier le plus chaud était celui des Fonds d'intervention économique régional (FIER), il était donc normal que lui-même prenne le contrôle des opérations.
C'est exact, mais certaines choses restent gravées dans la mémoire. Même si le leadership de Mme Marois n'est pas contesté sérieusement, elle n'oubliera jamais que son collègue de Rousseau a déjà convoité son poste et qu'il l'a trahie au profit de Bernard Landry en 2001.
D'ailleurs, il serait difficile de ne pas prendre ombrage de M. Legault, qui a éclipsé tout le monde depuis le début de l'année. Il fait penser à un de ces tireurs d'élite embusqués qui font mouche à tout coup.
Il est vrai que le poste de critique en matière d'économie et de finances assure une grande visibilité à son titulaire en cette période de crise, mais encore faut-il savoir en profiter. Une des grandes qualités de M. Legault est de ne pas se laisser simplement porter par l'actualité. Il lui arrive régulièrement de créer lui-même la nouvelle.
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Comme à l'époque où il avait révélé les achats massifs d'actions par les dirigeants de la Bourse de Montréal avant qu'elle ne soit avalée par celle de Toronto, il a plongé Monique-Jérôme Forget dans un profond embarras le mois dernier en soulignant le conflit d'intérêts potentiel auquel s'exposait le nouveau président de la Caisse de dépôt, Michael Sabia, qui détenait 863 000 options d'achat de BCE.
Quand la ministre des Finances en a eu assez de lui servir de cible, M. Legault a aussitôt placé son successeur dans sa mire. Ses révélations sur la gestion troublante des FIER ont complètement déculotté Raymond Bachand, qui a commis l'erreur de le prendre à la légère. Condamné à défendre l'indéfendable, il s'est enfoncé un peu plus chaque jour.
La seule parade qu'il a trouvée a été d'accuser son homologue péquiste de salir la réputation des hommes d'affaires (libéraux) qui ont voulu contribuer au développement des régions en investissant dans les FIER.
Cela n'a convaincu personne. S'il y en a un au PQ qu'il est difficile de présenter comme un anticapitaliste hostile aux gens d'affaires, c'est bien le président fondateur d'Air Transat. M. Bachand a sans doute une bonne connaissance du milieu des affaires, mais M. Legault a l'avantage d'être un véritable entrepreneur.
Au cours des prochains jours, la reprise des travaux de la commission parlementaire qui s'est donné le mandat d'examiner les raisons de la performance désastreuse de la Caisse de dépôt en 2008 lui offrira une autre occasion de démontrer son savoir-faire.
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Pendant longtemps, M. Legault a eu la désagréable impression d'être regardé de haut par l'intelligentsia péquiste, rompue aux humanités, qui trouvait ce comptable bien terre à terre. S'il est vrai que le débat sur la souveraineté ne se résume pas à une question de chiffres, sa capacité d'expliquer les choses clairement et simplement au commun des mortels en fait un pédagogue très efficace.
Plus que d'autres, M. Legault trouve cependant le temps bien long dans l'opposition et il s'interroge périodiquement sur son avenir. Même à l'époque où il était ministre dans le gouvernement Bouchard, il avait déclaré avec une franchise un peu brutale que la période de questions à l'Assemblée nationale lui apparaissait comme une perte de temps.
Tous ceux qui en ont fait l'expérience témoigneront qu'il vaut mieux passer par l'opposition avant d'accéder au pouvoir plutôt que l'inverse. Qui plus est, à moins que le PLQ n'obtienne un bien improbable quatrième mandat, ce qui entraînerait à coup sûr le départ de Mme Marois, les probabilités que M. Legault devienne un jour premier ministre semblent maintenant bien faibles.
En bon homme d'affaires (ou en tireur d'élite), M. Legault est un homme qui n'aime pas faire les choses à moitié. C'est tout ou rien. Au printemps 2005, alors que plusieurs s'interrogeaient sur l'à-propos d'une proposition qui engageait un gouvernement péquiste à «organiser et tenir un référendum le plus tôt possible à l'intérieur du prochain mandat», lui-même trouvait que cette échéance était encore trop éloignée.
L'été dernier, il a effectué un virage à 180 degrés. Comme une grande majorité de péquistes, il était d'avis que l'engagement de 2005 ne correspondait plus à l'humeur de l'électorat, mais il a poussé l'analyse beaucoup plus loin: ce n'était pas seulement le référendum qu'il fallait mettre en veilleuse, mais le projet souverainiste lui-même. La position actuelle du PQ, ni chair, ni poisson, n'est pas du tout son style.
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mdavid@ledevoir.com
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