Une éthique élastique comme un casque de bain

Corruption libérale - FIER - CDP - etc...

Myriam Segal - Jean Charest a l'art de se plomber lui-même, aussitôt qu'il remonte dans les sondages. Humez l'odeur de scandale: gâchis puant la corruption à Montréal, éthique élastique qui permet à des ministres de s'enrichir à même les contrats gouvernementaux et morale mollassonne qui autorise que les Fonds d'investissements régionaux (FIER) bénéficient aux amis politiques d'autres régions.
Ces FIER ont été complètement dénaturés. En théorie, des locaux mettent un tiers de l'argent et le gouvernement les 2/3 pour dynamiser l'économie régionale. Cela évite que des fonctionnaires dressent un barrage de paperasse, de normes et de délais devant de beaux projets.

Flou artistique
Pour que des entrepreneurs exilés dans un grand centre puissent s'impliquer dans leur région d'origine, des gens qui n'habitent pas la région peuvent former des FIER et accorder du financement à des entreprises hors de cette région. Une compagnie de Montréal pouvait ainsi ouvrir une usine en Gaspésie ou une firme de Laval aider une entreprise saguenéenne à conquérir la métropole...
Mais, le flou artistique des règles et la multiplication des FIER pour une même région ont permis à des «amis» de siphonner ce financement public en misant ces fonds sur des entreprises dont ils bénéficient personnellement.
Chaque année, ces Fonds devaient investir au moins la moitié de l'argent dans la région visée. Le président d'Investissement Québec, chien de garde du programme, ne veut appliquer cette norme qu'à la fin de la vie du FIER, quand tout l'argent est placé. Il balbutiait des explications confuses, vendredi dernier, sur cette règle appliquée autrement qu'elle n'est rédigée.
Fier Boréal
Le montréalais Pietro Perrino, grand organisateur libéral, ami de Jean Charest qui l'a d'ailleurs nommé au conseil d'administration de la SAQ, a créé deux FIER en 2005 avec Valier Boivin, originaire de la région, mais demeurant dans la métropole: celui de Ville- Marie, et le Boréal 02 pour notre région, en compagnie de Gilbert Grimard, vice-président du parti libéral. Ce FIER «saguenéen» a investi dans trois compagnies montréalaises, dont MM Perrino et Boivin sont actionnaires.
M. Perrino minimise la chose, prétendant qu'il ne possède dans ces compagnies que quelques milliers d'actions sur des millions en circulation. En réalité, lui et M. Boivin siègent aux trois conseils d'administration. Il est même le fondateur de Zoommed et fut président de son conseil d'administration de 2005 à 2007.
Pietro Perrino
M. Perrino cite plus volontiers Toptent, une compagnie qui met en marché, à Montréal, une invention régionale: le chapiteau autoportant Parabris. Les deux FIER que MM. Perrino et Boivin ont fondé en sont actionnaires. Mais, si ce cas-là semble bénéfiques à la région, ce n'est pas le cas de Zoommed ou de Ranaz: l'une vend des prescripteurs électroniques aux médecins, l'autre, des produits diététiques. Pas de traces du SaguenayLac Saint-jean dans leurs rapports annuels ou au registre des entreprises.
Pour sa défense, le FIER Boréal 02 plaide que les entrepreneurs d'ici manquent de projets. Bizarre! Il ne s'en est jamais plaint publiquement avant!
M. Perrino prétend aussi que, pour attirer des capitaux, il doit prouver qu'il y croit en y plaçant son propre fric. Soit. Mais, de là à miser l'argent régional dans des compagnies montréalaises qu'il fonde et administre lui-même... Son ultime argument: l'argent investi par les FIER sera remboursé au gouvernement avec profit. Autrement dit: «Calmez-vous, ce n'est pas volé, juste emprunté» ! Mais, ce fric a été durement gagné et confié par des contribuables à l'État pour le bien public, pas pour le bénéfice des copains politiques.
Désinvolture
Cette situation outrageante est parfaitement légale, selon le chien de garde. C'est précisément là tout le scandale: que ce gouvernement rende légal ce qui est moralement indéfendable; qu'il normalise l'illégitime.
C'est aussi ce que le gouvernement vient de faire en modifiant son code d'éthique pour accommoder le ministre Pierre Arcand, propriétaire d'actions dans une compagnie d'affichage publicitaire, dont le gouvernement retient parfois les services. M. Charest voit l'éthique comme un casque de bain qui s'étire pour convenir à chaque tête, pas comme une armure inflexible contre les conflits d'intérêts.
Cela nourrit l'écoeurement du contribuable pour le monde politique et plus particulièrement pour ce virus de désinvolture qui frappe ceux qui marinent plus de quatre ans au sein du pouvoir...


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