Effets de toge, accusations virulentes et menaces. Les guerriers d'opérette ont envahi l'Assemblée nationale hier, entonnant à l'unisson la grande tirade du regretté capitaine Bonhomme: "Retenez-moi ou je fais un malheur!"
Hier il fallait voir Jean Charest prendre son ton de tribun, retrouver sa morgue de campagne électorale - des précédentes, pas de la dernière - pour comprendre que, avec ses troupes, il était décidé à affronter le PQ et sa menace de défaire le gouvernement vendredi prochain.
Tôt hier matin, cependant, à une station de radio locale, la ministre Jérôme-Forget semblait bien plus disposée à mettre de l'eau dans son vin, à soupeser avec les deux partis de l'opposition la façon de sortir de l'impasse parlementaire qui se dessine.
Mais le ton conciliant avait disparu après la réunion du caucus. "C'est un excellent budget J'aime mon budget", répétait-elle, comme un moine tibétain ses prières. Le gouvernement libéral a fait le pari que les députés péquistes, sans chef, reculeront la semaine prochaine.
Les précédents sont nombreux où des élus votent de toutes leur forces pour battre le gouvernement. Mais leurs efforts restent sans lendemain parce que quelques collègues font, stratégiquement, l'Assemblée buissonnière.
Hier, à la période des questions, ce fut un combat de tout premier ordre entre Jean Charest et Mario Dumont. Un moment de théâtre d'une rare intensité, comme un avant-goût d'une bien improbable campagne électorale.
Pour Jean Charest, le chef adéquiste a maintenant un rendez-vous avec la cohérence. Son parti ne peut repousser un budget qui accorde les baisses d'impôts promises à la classe moyenne. Par son opposition, M. Dumont a rejoint les champions du Canada anglais qui soutiennent que le Québec n'avait pas le droit d'utiliser les 700 millions du déséquilibre fiscal afin de réduire les impôts. Quand le Québec était fauché par manque de fonds fédéraux, le gouvernement avait tout de même payé pour plus de services en santé et en éducation. Maintenant, le chèque est arrivé, et il ira en baisses d'impôts, a résumé Jean Charest, qui a mis au défi ses adversaires de faire une campagne électorale "contre la classe moyenne".
En réplique, Mario Dumont va rappeler que, pour 70% des familles, les hausses de tarifs de toutes farines dépassent l'abattement fiscal accordé par le budget de jeudi. Ces baisses d'impôts, récurrentes, se font aussi grâce à la vente d'actifs d'Hydro-Québec, une recette exceptionnelle. "On brûle le bois de la galerie pour chauffer la maison", a lancé M. Dumont.
Un rapport de l'OCDE est aussi tombé à point nommé pour l'ADQ: les provinces canadiennes devraient utiliser avec parcimonie les récents transferts fédéraux et les consacrer avant tout à la réduction de la dette, a relevé M. Dumont. Beaucoup d'intensité entre les pugilistes, mais pas de vainqueur.
Le duel fut bien moins intense avec le chef intérimaire du PQ, François Gendron. Les péquistes sont "génétiquement programmés pour s'opposer aux baisses d'impôts", a ironisé M. Charest. Mais François Gendron et François Legault ont de nouveau martelé que rien dans le budget d'hier n'avait été ajouté pour venir en aide aux enfants en difficulté d'apprentissage et aux personnes âgées.
De sa Beauce verdoyante, l'ancien chef créditiste Fabien Roy observe avec un brin de nostalgie cette danse de la mort des parlementaires autour d'un gouvernement en péril. Sa sympathie envers Mario Dumont et l'ADQ est bien connue.
Il était aux Communes, le 13 décembre 1979, quand Joe Clark, faisant fi de ses conseillers, avait décidé de soumettre le budget de John Crosbie au vote. Il aurait pu attendre une semaine, le retour de trois de ses ministres absents d'Ottawa. L'enjeu semblait énorme à l'époque: une taxe totalisant 18 cents sur l'essence, que l'on vendait alors au gallon - l'équivalent de quatre cents le litre, une peccadille pour les automobilistes de 2007.
Les libéraux, battus neuf mois plus tôt, n'avaient plus de chef. Les sondages étaient toujours mauvais pour le gouvernement Clark.
Avec ses quatre comparses créditistes, Fabien Roy était au coeur des supputations. "On s'est abstenus de voter. Notre mandat n'était pas de choisir entre les libéraux et les conservateurs pour gouverner le pays. Surtout, ajoute-t-il,on avait appris que les libéraux avaient décidé stratégiquement de retirer suffisamment des leurs pour que nous devenions responsables de la défaite du gouvernement. Les libéraux cherchent toujours un coupable!" lance le Beauceron. Il sera octogénaire l'an prochain mais il s'embrase toujours aussi vite quand il cause politique.
Sa lecture de la crise à Québec? "M. Charest a fait preuve d'arrogance. C'est lui qui faisait le budget, il sait qu'il est minoritaire. Je vous dis que si j'étais dans l'opposition à l'heure actuelle, je serais intolérant envers le gouvernement. La politique est en train de me revenir!" lance-t-il dans un gloussement de satisfaction.
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