Les chiffres

Actualité québécoise



Après avoir constaté l'ampleur des dégâts causés au PQ par le projet de loi 204 sur la gestion du futur amphithéâtre de Québec, le maire Labeaume avait déclaré qu'il en «devait une» à Pauline Marois.
En le voyant se faire l'initiateur enthousiaste d'une tournée de promotion du Plan Nord, Mme Marois a dû se dire qu'encore une fois la politique se révèle être une chose bien ingrate. Malgré les quelques réserves exprimées par M. Labeaume sur l'opportunité pour le gouvernement d'investir directement dans des projets jugés stratégiques, son initiative permet enfin au premier ministre Charest d'entreprendre l'année sur le bon pied.
M. Charest l'a reconnu d'emblée: sa fortune politique est étroitement liée au succès du Plan Nord. En réalité, on parle ici de son succès médiatique, dans la mesure où ses effets économiques mettront du temps à se faire sentir.
Entendre un homme d'affaires le comparer à une deuxième Baie-James a certainement été musique à ses oreilles, lui qui s'est autoproclamé «grand bâtisseur» dans la lignée des Jean Lesage et Robert Bourassa. Il peut même espérer que d'autres maires, soucieux de ne pas laisser toute la place à leur hyperactif collègue de Québec et aux entreprises de la capitale, se joignent à la parade.
Maintenant que le débat sur la nécessité d'instituer une commission d'enquête sur la corruption dans l'industrie de la construction est clos, M. Charest pourra se concentrer, au cours des prochains mois, sur ce qui constitue en principe le point fort du PLQ, soit le développement économique.
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Les récentes données de Statistique Canada ont cependant de quoi l'inquiéter sérieusement. Depuis deux ans, le premier ministre n'a manqué aucune occasion de répéter que le Québec avait mieux traversé la crise que partout ailleurs en Amérique du Nord, prenant même Bernard Landry à témoin de sa bonne performance, mais il risque d'échapper le ballon avant de franchir la ligne des buts.
Les 25 700 emplois perdus en décembre font craindre que la période rose est bel et bien terminée. À 8,7 %, M. Charest ne peut plus se vanter que le Québec a un taux de chômage inférieur à celui du Canada et plus particulièrement à celui de l'Ontario (7,7 %). Ce taux dépasse même celui des États-Unis (8,5 %).
Un coup de chance, si on peut qualifier ainsi l'effondrement d'un saut-de-mouton, avait entraîné des investissements sans précédent dans les infrastructures routières au moment où l'économie nord-américaine s'effondrait, mais il est clair qu'un tel effort ne pourra pas être répété pour contrer un nouveau ralentissement.
M. Charest se faisait également fort d'atteindre l'équilibre budgétaire avant les autres. Si la tendance se confirme, l'objectif de 2013-2014, qui apparaissait déjà problématique aux yeux de plusieurs, pourrait également être compromis.
Déjà, il a dû renoncer à un déclenchement d'élections hâtif parce que «les chiffres», c'est-à-dire les sondages, n'étaient pas bons. Le problème est que les chiffres du chômage risquent maintenant d'augmenter plus rapidement que les intentions de vote des libéraux.
Finalement, les élections pourraient bien être reportées à... 2013. Que ce soit en 1985, en 1994 ou en 2003, les dernières fins de régime ont toutes été caractérisées par des élections dans la cinquième année du mandat.
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Toutes les belles images du Grand Nord dont les communicateurs libéraux se sont fait une spécialité ne feront pas le poids si la froide réalité traduite par les chiffres est celle d'une économie en panne.
Au début de l'automne, Pauline Marois avait indiqué que le PQ allait donner la priorité aux questions d'économie et de finances publiques, mais la publication du rapport Duchesneau a eu pour effet de ramener la corruption à l'avant-plan.
Maintenant que M. Charest ne pourra plus se péter les bretelles en profitant de problèmes plus graves ailleurs pour embellir relativement la situation au Québec, les critiques de l'opposition auront peut-être un plus grand écho dans la population.
Encore faudrait-il que la gestion interne du PQ n'accapare pas toute l'énergie de Mme Marois. Elle semble maintenant disposée à accepter toute proposition de renouveau démocratique qui pourrait être adoptée par les délégués au conseil national de la fin du mois, y compris le référendum d'initiative populaire, qu'elle a tour à tour appuyé et écarté dans le passé, mais rien ne semble pouvoir stopper l'hémorragie.
Plusieurs ont toujours douté de la sincérité des protestations de loyauté de François Rebello, trop longtemps associé à François Legault pour ne pas être soupçonné d'attendre son heure pour rejoindre la CAQ. Son départ n'en constitue pas moins un autre coup dur pour la chef péquiste.
En novembre dernier, l'association de Mille-Îles avait déposé une proposition d'urgence qui réclamait officiellement la démission de Mme Marois, mais le report du conseil national en janvier l'avait rendue caduque. Aucune nouvelle proposition en ce sens n'a encore été acheminée à la direction du parti, mais le PQ étant ce qu'il est et les «chiffres» étant ce qu'ils sont...


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