Les francophones au-delà des statistiques

Recensement 2006 - Langue française



Le 4 décembre dernier, la productrice Monique Simard était invitée à commenter les données linguistiques du recensement de 2006 à l'émission Dominique Poirier en direct, à l'antenne de RDI. Selon Mme Simard, les données du recensement montrent que, «pour les francophones hors Québec, la bataille est presque perdue» et que, pour parler français, il faut déménager au Québec.
Ce n'est pas la première fois qu'on annonce la mort des communautés francophones et acadienne. On le fait à chaque recensement, ou presque. Mais cela ne signifie pas pour autant que ce soit la réalité. Pour en avoir le coeur net, allez voir en Alberta, où les écoles de langue française sont remplies à craquer. Allez aussi voir en Ontario, où la population francophone de Toronto croît au rythme d'une immigration régulière et diversifiée. Allez vous promener à l'Île-du-Prince-Édouard, où il s'est créé plusieurs écoles de langue française au cours des dernières années et où, pour la première fois depuis très longtemps, il y a une croissance du nombre de foyers où on parle le plus souvent le français. Et j'en passe.
Certes, les chiffres du recensement de 2006 sont préoccupants. La population francophone vieillit, son poids relatif diminue. Mais on parle tout de même de près d'un million de personnes qui partagent le français comme langue maternelle! Et c'est sans compter toutes les personnes qui, sans avoir le français comme langue maternelle, le pratiquent comme langue d'usage principale.
Mme Simard pourrait rétorquer que les chiffres du recensement révèlent que 39 % des francophones ne parlent pas le français le plus souvent à la maison. Comme n'importe quelle autre statistique, il faut bien voir quel genre de réalité ce chiffre illustre. Il y a bon nombre de francophones qui ont des conjoints de langue anglaise et, par conséquent, qui parlent le plus souvent l'anglais à la maison.
Chiffres réducteurs
Cela n'empêche pas plusieurs d'entre eux de s'engager en français dans la vie de leur communauté, d'envoyer leurs enfants à l'école française et de réclamer des services en français. À preuve, les données du recensement montrent que sur trois francophones qui parlent le plus souvent l'anglais à la maison, il y en a au moins un qui y parle aussi régulièrement le français.
Mais tous ces arguments tournent autour de chiffres auxquels on réduit trop souvent les francophones et les Acadiens qui vivent à l'extérieur du Québec, des chiffres qu'on interprète souvent de façon très simpliste et sans nuances pour annoncer encore une fois notre disparition.
Les communautés francophones et acadienne sont bien plus que des chiffres. Ce sont des gens qui veulent vivre en français et qui, depuis très longtemps, travaillent d'arrache-pied pour se donner les moyens de le faire. Le nombre d'écoles (plus de 600), de médias communautaires (près de 50), de centres culturels, d'artistes, de réseaux d'accueil et d'intégration des nouveaux arrivants, d'entrepreneurs et de réseaux de développement économique, tout cela traduit cette volonté et cette détermination à vivre en français.
Le Québec a d'ailleurs tout intérêt à appuyer nos efforts et à travailler avec nous pour que la francophonie rayonne partout au pays. Autant que le Québec, les communautés francophones et acadienne ont à coeur l'avenir du fait français en terre d'Amérique. Au lieu de faire une croix -- de façon sommaire et prématurée -- sur la francophonie à l'extérieur du Québec, Mme Simard devrait se rappeler que la force du Québec comme société francophone en Amérique du Nord passe non pas par l'isolement mais par une francophonie qui dépasse largement ses frontières.
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Lise Routhier-Boudreau, Présidente de la Fédération des communautés francophones et acadienne du Canada
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