Le président du SPQ Libre, Marc Laviolette, a été indigné d'entendre Pauline Marois déclarer que les demandes salariales de 11,25 % en trois ans présentées par le front commun des employés de l'État «semblent à première vue un peu élevées».
À ce compte, comment doit-on qualifier les demandes des médecins spécialistes, qui gagnent déjà près de 360 000 $ et qui réclament «au minimum» 4 % de plus par année?
Dans une entrevue accordée au Devoir, le président de la Fédération des médecins spécialistes du Québec (FMSQ), Gaétan Barrette, a été catégorique: aucun recul par rapport à la moyenne canadienne ne sera toléré lors de la prochaine négociation.
Déjà, l'an dernier, quand le Collège des médecins avait signé une entente de mobilité avec le Collège des médecins et chirurgiens de l'Ontario, il avait déclaré que le Québec était «la risée du Canada» et que seule la «charité» pourrait inciter un médecin ontarien à y pratiquer.
Il faut reconnaître une chose à M. Barrette: il va droit au but, sans s'embarrasser de détails comme la récession, le fardeau de la dette ou encore la capacité de payer des contribuables québécois, déjà très lourdement taxés.
Il est également un remarquable sophiste. Selon lui, les augmentations de 25 % accordées en 2007 étaient de simples «correctifs» qui devaient permettre aux spécialistes de combler l'écart avec leurs confrères hors Québec. À l'entendre, c'est tout juste s'ils n'avaient pas subi un gel de salaire.
M. Barrette explique maintenant que la moitié des 4 % supplémentaires réclamés ne constitue pas une hausse de salaire, mais plutôt un ajout de services. Évidemment, ces nouveaux services seront rendus par les médecins, mais «si on ne suit pas le train de la médecine, on va devoir rationner les services». Bref, si les spécialistes réclament plus d'argent, c'est dans l'intérêt de la population!
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Puisqu'ils disposent d'un meilleur rapport de force que les simples fonctionnaires, pourquoi ne pas presser le citron, n'est-ce pas? Au plus fort la poche! Un préposé aux bénéficiaires ne peut pas menacer de déménager en Ontario ou aux États-Unis. Venant de gens qui ont eu la chance de recevoir leur formation à meilleur coût que n'importe où ailleurs en Amérique, ce chantage incessant des médecins a quelque chose d'indécent.
Au moment de quitter son poste, en 1993, l'ancien ministre de la Santé dans le gouvernement Bourassa, Marc-Yvan Côté, avait confié à quel point il avait trouvé pénibles ses rapports avec le corps médical. «Dans le réseau, il y a un lobby très, très fort, très puissant. Il faut des nerfs d'acier pour y résister.»
Lui-même n'avait pas réussi. Si même Philippe Couillard a fini par plier, comment le fragile Yves Bolduc pourrait-il faire le poids face à un éventuel front commun des spécialistes et des omnipraticiens, qui est maintenant envisagé?
Quand ils déterrent la hache de guerre, les médecins sont d'autant plus redoutables que l'opinion publique se range systématiquement derrière eux. Au Québec, ils ont conservé tout le prestige social qu'ils avaient à l'époque des Belles Histoires des pays d'en haut.
L'an dernier, M. Bolduc, qui peut parler en connaissance de cause, avait tenté d'expliquer que, sous prétexte de chercher à mieux répondre aux besoins de la population, les médecins pensent surtout à leur bien-être, mais il avait vite compris le danger de s'aventurer sur un terrain aussi glissant.
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Hier, dans la foulée de son entrevue au Devoir, le président de la FMSQ a multiplié les apparitions médiatiques pour justifier les nouvelles demandes de ses membres. Craignant peut-être que l'écart salarial avec leurs confrères du Canada anglais ne suscite pas un grand courant de sympathie, il a tenté de réorienter le débat.
«Il y en a de l'argent au Québec», a-t-il lancé sur les ondes de 98,5 FM, accusant ouvertement le gouvernement Charest de mal gérer les fonds publics, par exemple dans le dossier du CHUM. Pour étayer ses affirmations, le président de la FMSQ a renvoyé ses auditeurs au rapport du Groupe de travail sur la révision des fonctions et des organisations gouvernementales, mieux connu sous le nom de comité Gobeil, publié en 1986.
Ancêtre du projet de «réingénierie» d'abord repris, puis abandonné par Jean Charest, ce rapport, expédié aux archives dès sa publication, proposait l'abolition de plusieurs organismes, notamment la Régie du logement, le Bureau d'audiences publiques en environnement et la Commission de protection du territoire agricole. Il recommandait aussi la privatisation de Radio-Québec et la cession des hôpitaux de petite et moyenne tailles au secteur privé.
M. Barrette a reproché au premier ministre de ne pas l'avoir invité au «cocktail dînatoire» auquel le Tout-Québec économique avait été convié il y a deux semaines à Lévis. «On avait des choses à dire», a-t-il déclaré, ajoutant qu'il allait «s'exprimer là-dessus en temps et lieu». À suivre.
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mdavid@ledevoir.com
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