Les oeufs pourris des schistes d'Utica

les chances sont minces de sortir du gaz en quantité rentable au Québec.

Gaz de schiste


Yvon Pageau, paléontologue, professeur retraité du Département des sciences de la Terre de l'UQAM - En 1957, je cherchais des fossiles sous le pont Jacques-Cartier dans le canal à sec qui allait devenir en 1959 la Voie maritime du Saint-Laurent (voir Figure 1 «Canal»). J'étais dans les schistes noirs d'Utica comme ceux de la ville d'Utica, N. Y. En cassant la roche, on sentait le bitume, ou plutôt le H2S (sulfure d'hydrogène), car le soufre et l'odeur des œufs pourris sont toujours associés au gaz et au pétrole. Cela ne veut pas dire qu'il y en a. Lorsqu'il était président d'Hydro-Québec, André Caillé avait créé une division pétrole (abolie depuis) qui avait fait des forages sur l'île d'Anticosti, à même nos hausses de tarifs d'électricité! Forages qui n'ont rien donné. Des puits secs!
Aujourd'hui, les compagnies de forage qui s'affairent au Québec ne seraient pas là si elles n'étaient pas soutenues par l'argent des contribuables, via certains fonds (avec déduction d'impôt) et via des agences gouvernementales (Investissement Québec, SGF) et autres programmes gouvernementaux. Grâce à cet argent, on peut payer des salaires, encourager les petites entreprises locales: excavation, camionnage, etc. de la «garnotte», quoi! Et beaucoup de cochonnerie. On fait miroiter des milliards de revenus... et l'indépendance énergétique. Des moulins à vent et des châteaux en Espagne.
Car les chances sont minces de sortir du gaz en quantité rentable au Québec. Pourquoi? Parce que le sud du Québec a connu trois orogénèses, c'est-à-dire la surrection de trois chaînes de montagnes avec volcanisme et magmatisme: 1) la Taconique, il y a 450 Ma (millions d'années), avec une chaîne d'îles volcaniques comme les Aléoutiennes actuelles par le glissement de la croûte océanique du proto-Atlantique (dit Iapetus) sous le continent Amérique; 2) l'Acadienne, il y a 380 Ma, avec la rencontre d'un autre continent (dit Avalon); et 3) l'Alleghenienne, il y a 300 Ma, par le télescopage de deux grands continents, l'Afrique et l'Amérique, pour former le supercontinent Gondwana. Si jamais il s'est formé du pétrole ou du gaz, tout ce beau carbone s'est évaporé il y a belle lurette, sous les pressions et températures élevées créées par les plissements et les failles des forces géologiques tectoniques titanesques.
Si l'on a trouvé du gaz de schistes ailleurs en Amérique du Nord, c'est parce qu'il était emprisonné dans de grands bassins géologiques à l'abri des grands mouvements tectoniques causés par les orogénèses. C'est le cas des bassins du Michigan (nord de l'État de New York, Pennsylvanie et Ontario), de Williston (Dakota du Nord et Saskachewan), d'Anadarko (Texas, Kansas, Oklahoma). La géologie du Québec méridional que je connais n'est pas favorable à l'accumulation de gaz. Il n'y a pas de bassin!
Mais je suis un vieux fossile. Je demande aux géologues plus jeunes de venir à ma rescousse et de me contredire. Autrement, le réveil pourrait être amer, car pour employer des termes de la profession: avant qu'on strike on n'a pas fini de trouver des dry wells. Esso a foré pendant 25 ans en Alberta avant de striker le puits Leduc en 1947.
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Yvon Pageau, paléontologue, professeur retraité du Département des sciences de la Terre de l'UQAM


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