Commission Charbonneau (Suite et fin)

Les sceptiques avaient raison...

La juge Charbonneau n’a plus d’autre choix que de se désister

Chronique de Richard Le Hir


Il y a des jours où l’on aimerait presque ne pas savoir lire. Ce que l’on apprend dans une série de trois articles dans La Presse de ce matin est absolument consternant, et vient donner raison aux sceptiques qui me reprochaient mon enthousiasme et ma naïveté à l’annonce de la transformation de la Commission Charbonneau en véritable commission d’enquête.
- http://www.cyberpresse.ca/actualites/quebec-canada/politique-quebecoise/201111/17/01-4469122-la-frustration-est-grande-au-sein-de-lupac.php?utm_categorieinterne=trafficdrivers&utm_contenuinterne=cyberpresse_BO2_quebec_canada_178_accueil_POS1
- http://www.cyberpresse.ca/actualites/dossiers/commission-charbonneau/201111/17/01-4469126-malaises-a-lupac-des-enqueteurs-travailleront-avec-la-commissaire-charbonneau.php?utm_categorieinterne=trafficdrivers&utm_contenuinterne=cyberpresse_vous_suggere_4469122_article_POS1
- http://www.cyberpresse.ca/chroniqueurs/201111/17/01-4469131-le-cardinal-lafreniere.php?utm_categorieinterne=trafficdrivers&utm_contenuinterne=cyberpresse_vous_suggere_4469122_article_POS2
Ayant connu la juge Charbonneau sur les bancs de la faculté de droit à l’Université de Montréal au début des années 1970, j’avais gardé d’elle le souvenir d’une personne indépendante d’esprit, voire même frondeuse, aux idées progressistes. Le genre de personne qu’on ne manipule pas facilement. Or, s’il faut en croire l’équipe des enquêteurs de La Presse, il semble que les espoirs que je fondais dans sa nomination n’étaient pas justifiés, et je m’empresse de transmettre mes plus plates excuses à ceux que j’ai injustement taxés de cyniques.
À lire les articles de la Presse, il est bien évident que son équipe a eu accès à des sources « très bien informées », comme on dit en journalisme, et que ces sources sont largement issues des milieux policiers. Et quand on décode leur message, il n’est pas rassurant. En fait, il se trouve à confirmer, exemple à l’appui, le message que nous avait déjà livré Jacques Duchesneau dans son rapport récent : la corruption a gagné les plus hauts niveaux de l’État et il ne s’agit plus simplement de l’industrie de la construction.
Et aujourd’hui, nous apprenons en outre que le gouvernement Charest multiplie systématiquement les entraves pour empêcher la police de mener ses enquêtes à terme et de mettre en cause les pouvoirs politiques.

***
Pour la Commission Charbonneau, la nouvelle qu’elle pourrait ne pas être totalement indépendante et à l’abri des intrusions du pouvoir politique est l’équivalent d’un arrêt de mort. Car non seulement le pouvoir judiciaire doit-il effectivement avoir cette indépendance, mais encore est-il absolument nécessaire que toutes les apparences soient à cet effet.
Or sans même préjuger de l’indépendance réelle de la juge Charbonneau, le simple fait qu’elle soit mise en cause aussi publiquement et aussi directement constitue une apparence du contraire. Dans ces conditions, la juge Charbonneau n’a pas d’autre choix que de se désister.
Si elle choisissait de rester en poste, sa conduite de l’enquête et les conclusions auxquelles elle parviendrait seraient fatalement entachées de doute, et c’est bien la dernière chose dont la société québécoise a besoin aujourd’hui. Le but d’une commission d’enquête est de rétablir la confiance, et non de renforcer le sentiment chez la population que le système est pourri.
Une fin triste, mais nécessaire.


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7 commentaires

  • Jean-Claude Pomerleau Répondre

    19 novembre 2011

    Les corps de polices municipaux dénoncent la proximité de la SQ et du pouvoir. Un danger pour la démocratie:
    ...
    Le gouvernement Charest accorde trop d'importance à la Sûreté du Québec, ce qui est mauvais pour la démocratie, prétendent des représentants de policiers municipaux, en soulignant qu'une saine répartition des pouvoirs est un rempart essentiel contre un «État policier».
    (...)
    Denis Côté rappelle que des reportages ont déjà souligné à quel point l'empreinte de la SQ est importante au sein de la nouvelle Unité permanente anticorruption (UPAC). Il s'inquiète que le gouvernement cherche encore à augmenter la puissance du même corps policier.
    «On l'a vu dans l'actualité avec l'UPAC. Je pense qu'on a raison de se poser des questions sur cette grande proximité-là...
    (...)
    Présent à la conférence de presse, le président de la Fraternité des policiers et policières de Montréal, Yves Francoeur, a lui aussi insisté sur l'importance des contre-pouvoirs en démocratie.
    «Dans une société libre et démocratique, si on ne veut pas tomber dans un État policier, effectivement, c'est sain que les services de police soient bien répartis», a-t-il expliqué.
    (...)
    http://www.cyberpresse.ca/actualites/quebec-canada/justice-et-faits-divers/201111/19/01-4469664-des-policiers-sinquietent-de-la-puissance-croissante-de-la-sq.php?utm_categorieinterne=trafficdrivers&utm_contenuinterne=cyberpresse_B4_manchettes_231_accueil_POS2
    ....
    JCPomerleau

  • Archives de Vigile Répondre

    19 novembre 2011

    Question: qui étaient les officiers qui commandaient le détachement de la SQ à l'occasion de la dite «crise des BPC», à Baie-Comeau, en 1989?
    Pour mémoire, la SQ s'est comportée comme une «police politique» à l'occasion de ces évènements survenus en pleine campagne électorale. Selon les médias ayant couvert la crise, quand un huissier s'est présenté au QG de campagne du détachement anti-émeute avec une injonction de la Cour supérieure exigeant l'arrêt des opérations de débarquement des déchets toxiques de Saint-Basile-le-Grand, les officiers présents ont mis leurs mains dans leurs poches et ont regardé ailleurs (!). La Cour supérieure, connaît pas! C'est peut-être parce que la redoutable ministre Bacon, qui devint plus tard sénatrice à Ottawa, avait donné l'ordre que «les BPC doivent passer coûte que coûte». Et une sous-minsitre du bon gouvernement Bourassa a accompagné toute l'opération, faisant notamment la navette entre les quais et le QG régional de la SQ à Baie-Comeau. A l'époque Lafrenière était sergent et chef d'équipe du groupe d'intervention, Montréal. Etait-il là?

  • Jean-Claude Pomerleau Répondre

    19 novembre 2011

    La commissaire France Charbonneau, dans un communiqué, consent à ce faire mettre en boîte par Lafrenière, le pion de Charest:
    Cyberpresse(Publié le 19 novembre 2011 à 05h00)
    (...)
    Par ailleurs, France Char-bonneau a fait une mise en garde à l'UPAC et à tous ceux qui voudraient empiéter sur ses prérogatives. «Ce sont les enquêteurs de la commission qui prendront la décision de s'adjoindre, selon leurs besoins, les personnes ressources nécessaires à l'accomplissement de leurs tâches», a-t-elle indiqué hier par voie de communiqué.
    Elle ajoute que «les procureurs et les enquêteurs de la commission vont décider de la pertinence des enquêtes de l'UPAC eu égard aux travaux de la commission. Ils décideront aussi quelles enquêtes devront être initiées ou continuées pour mener à bien le mandat qui a été confié à la commission».
    (...)
    http://www.cyberpresse.ca/actualites/quebec-canada/politique-quebecoise/201111/18/01-4469582-direction-de-lupac-ladq-invite-le-commissaire-lafreniere-a-seffacer.php?utm_categorieinterne=trafficdrivers&
    ...
    JCPomerleau
    P.s En clair, la commissaire ne verra que ce que la clique sous contôle des libéraux voudra bien lui montrer.

  • Archives de Vigile Répondre

    18 novembre 2011

    Depuis que la 3ième version du rapport Duchesneau a été « coulé » dans les médias, Charest et ses médiocrates nous ont livrés un impressionnant ballet de valses hésitations, assez pour nous donner collectivement un contagieux torticolis! Subrepticement, après avoir observé un suspect silence de 48 heures, JJCharest, véritable prestidigitateur de la politique, convoque un point de presse dans le but apparent de discuter du contenu du rapport Duchesneau. Charest se réfugie alors derrière une affirmation surprenante à l’effet qu'il n'a même pas daigné lire le rapport, l’autorisant ainsi à se cantonner dans un suspect silence.
    Sournoisement, après le dépôt du rapport auprès du gouvernement le 1er sept. dernier, en coulisse, Charest soustrait l'unité anti-collusion de la responsabilité du ministère du transport afin de l'intégrer dans l'unité permanente anti-corruption UPAC avant de confier à Robert Lafrenière l'odieux mandat de congédier l'auteur du rapport incriminant. Ensuite, nous avons eu le délectable plaisir de découvrir ce que plusieurs ont qualifié de « Patente à gosses », une commission d’enquête « sur mesure » constituée en vertu d'un décret hors-la-loi, dépourvue de pouvoir de contrainte et par dessus tout vulnérable aux attaques légales en diffamation et atteinte à la réputation. Tony Accurso a déjà eu l'occasion de nous démontrer qu'il pouvait être prolixe en ce domaine. De pirouettes en pirouettes, Charest a fini par obtempérer à la demande unanime de la société et constituer une commission dans les cadres de la loi habilitante.
    La véritable question qui compte dans ce débat animé autour de la gabegie dans l'administration du trésor public consiste à se demander si nous avons bien les moyens, collectivement, d'alimenter le crime organisé, les lobbyistes de toutes allégeances solidement accrochés aux mamelles de l'État providence et la petite caisse de la classe politique avec nos impôts et nos taxes ? Dans cette avenue, nous devons saluer la nomination de Renaud Lachance à titre de commissaire mandaté au sein de la nouvelle mouture de commission d'enquête dont vient d'accoucher l'Assemblée Nationale après de trop nombreux mois de tergiversation. Même si ses recommandations tombent plus souvent qu'autrement entre deux chaises, le Vérificateur Général nous a démontré dans le passé ne pas avoir peur de la controverse lorsqu'il est question de s'attaquer au laxisme dans l'utilisation des ressources de l'État. Espérons qu'il aura la même détermination maintenant qu'il est au cœur du pouvoir de s'attaquer à la corruption au sein de la classe politique.
    Autrement, les œufs sont cuits pour Charbonneau, un juge sans jugeote qui n’a pas hésité récemment à se salir copieusement les mains dans un dossier impliquant notamment l’Ordre des Ingénieurs du Québec, présentement au cœur de la tempête http://bit.ly/bDsxFE

  • Archives de Vigile Répondre

    18 novembre 2011

    Je suis d'avis que les milieux juridiques tels que le Barreau du Québec, mais aussi le Conseil de la magistrature, doivent impérativement intervenir, afin de protéger le public. Ils doivent prendre une position claire dans ce dossier, et faire les mises en garde qui s'imposent à la fois à la juge et au Gouvernement.

  • Archives de Vigile Répondre

    18 novembre 2011

    Dans un commentaire sur le Devoir je mettais en garde madame Charbonneau et je lui disais :
    « Qui fréquente le diable se retrouve souvent en enfer ».
    Elle y est, à moins qu'elle ne démissionne.
    Et toutes ces personnes se sont scandalisées dans les dossiers de la Tunisie, de l'Égypte et autres pays corrompus. Il semble bien que le Québec n'a pas de leçons à donner à qui que ce soit.

  • Archives de Vigile Répondre

    18 novembre 2011

    Vous avez oublié la foire Bastarache! Vous pensiez vraiment que la déontologie et l'éthique étaient à la mode. Il en faut du temps aux candides - ce que vous n'êtes pas, je le précise - pour penser. Monsieur Le Hir, la seule manière de renverser la vapeur est de tourner le dos à la foire politique actuelle. Et un jour qui n'est pas si loin, on descendra dans la rue et on les traquera comme des criminels qu'ils sont, ces sophistes incultes!
    Cela dit, au Québec, le système social et plutôt indifférent permet encore de croire que les institutions fonctionnent. Le délitement de l'idée de démocratie prend du temps et seuls les mouvements de masse peuvent faire contrepoids à cette gangrène qui mine même jusqu'aux esprits les plus brillants.
    Sinon, continuez d'écrire vos articles. Ils sont pertinents, percutants et éclairent tout ce Mal que l'on dissimule sous les traits du Bien absolu.