Firmes de génie-conseil

Défier la loi

Les firmes de génie-conseil continueront d’en faire à leur tête tant que les liens politiques primeront l’encadrement qu’on essaie de leur imposer.

Commission Charbonneau


Pendant que le gouvernement libéral dénonce les accrocs à la démocratie que signalerait le non-respect de la loi 78 - pourtant inapplicable - et l’attaque à notre État de droit que représenterait la contestation d’injonctions - pourtant ingérables -, il est un secteur où les lois sont systématiquement bafouées sans aucune inquiétude gouvernementale : celui du lobbyisme.
Les firmes de génie-conseil ont décidé il y a longtemps qu’elles n’étaient pas assujetties aux dispositions encadrant cette activité et continuent à justifier le fait de s’en soustraire, en dépit des demandes du commissaire au lobbyisme.
On se retrouve ainsi devant cette situation incroyable d’entreprises qui se font justice elles-mêmes, osant interpréter la loi à leur manière, en toute impunité. Le gouvernement, qui puise dans ces firmes, collecteurs de fonds et organisateurs politiques, n’a jamais poussé les hauts cris face à cette atteinte à la démocratie. Les firmes de génie sont pourtant au coeur des scandales dénoncés à profusion ces dernières années et qui ont conduit à la création de la commission Charbonneau. Leurs activités devraient inquiéter l’ensemble des élus.
Le commissaire au lobbyisme, François Casgrain, le dit franchement en parlant de ces firmes : « Faire des affaires devient plus important que l’acceptation des règles », comme il le signalait en entrevue au Devoir cette semaine. Et pour qu’elles en arrivent à « accepter » la loi, un langage qui en soi devrait tous nous faire frémir, M. Casgrain mise sur l’influence des titulaires de charges publiques. À eux d’exiger des firmes de génie-conseil qu’elles reconnaissent qu’elles font du lobby.
C’est là un voeu pieux. D’abord parce que l’Association des ingénieurs-conseils du Québec joue avec les mots : ses membres font du développement d’affaires, pas du lobbyisme ! Ensuite parce que peu d’élus, peu de fonctionnaires oseront les ramener à l’ordre, pour des raisons que la commission Charbonneau nous exposera sûrement. Enfin parce que le commissaire n’a que peu de recours pour obliger les gens à respecter sa loi.
À quoi il faut ajouter toute la poudre aux yeux qu’on a jetée au public pour lui faire croire que ses intérêts seraient surveillés. Comme le raconte à la une notre collègue Kathleen Lévesque, les villes ont eu récemment à adopter des politiques de gestion contractuelle pour, notamment, encadrer le lobbyisme. À y regarder de plus près, on voit bien toutefois que ce ne sont que des politiques-écrans : soit elles ne sont pas appliquées, soit aucune sanction n’y est prévue. Même des gens qui ont été impliqués dans la préparation de telles politiques disent ne pas s’être fait d’illusions : tout cela finirait sur des tablettes…
Les firmes de génie-conseil continueront d’en faire à leur tête tant que les liens politiques primeront l’encadrement qu’on essaie de leur imposer. Tant, en fait, que les maires et les ministres ne leur montreront pas eux-mêmes le registre des lobbyistes. Tant, pour le dire plus clairement, que les élus ne seront pas convaincus que la démocratie, la vraie, est plus importante que les petits arrangements entre amis.


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