L'Union des producteurs agricoles (UPA) et la Coop fédérée craignent les conséquences que pourrait avoir l'accord de libre-échange entre le Canada et l'Europe sur le système de gestion de l'offre qui protège les marchés du lait, des oeufs et de la volaille au pays.
Réunis dimanche à Montréal, les producteurs ont uni leur voix pour inciter le gouvernement fédéral à conserver intact ce système dans les négociations de ses accords commerciaux.
« La rumeur veut que les Européens exigent des ouvertures du Canada sur [certains secteurs du marché, notamment] les fromages. Naturellement, on veut contrer cette ambition des Européens par un message très clair aux négociateurs canadiens », explique le président de l'UPA, Marcel Groleau.
« Si on montre aux Européens aujourd'hui qu'on est flexible, quelles seront alors les demandes des Américains et des autres pays? », se demande-t-il.
Ouvrir la porte aux producteurs de fromage européens créerait un dangereux précédent, selon l'UPA, qui estime que le système de gestion de l'offre protège 80 000 emplois au Québec. Une diminution en matière de production et de transformation se traduirait assurément par des pertes d'emplois, soutient M. Groleau. Toute concession comporte des risques.
« Nos gouvernements nous proposent de l'achat local, de mettre le Québec dans notre assiette. Mais toutes les fois qu'on ouvre des frontières et qu'on enlève de la production à nos producteurs québécois canadiens, ça donne moins de transformation qui va se faire au pays. » — Serge Riendeau, président d'Agropur
Tous ne défendent toutefois pas la gestion de l'offre. L'économiste agricole Mario Dumais, qui a produit une étude pour l'Institut économique de Montréal, estime que le protectionnisme coûte trop cher aux consommateurs canadiens et empêche le secteur agroalimentaire de croître.
« C'est un système de plus en plus critique et de moins en moins défendable parce qu'il nous oblige à mettre des tarifs douaniers de 250 %, ce qui ne fait aucun sens dans le monde dans lequel on vit », soutient M. Dumais.
« Le Canada et le Québec ont un potentiel agricole extrêmement important, il y a une demande croissante alimentaire à l'échelle planétaire dont on pourrait bénéficier. » — Mario Dumais, économiste agricole
Selon le professeur d'économie agroalimentaire à l'Université Laval, Maurice Doyon, il faut plutôt protéger le système canadien.
« Le consommateur a accès à des produits de qualité à des prix stables. Je ne dis pas qu'on ne peut pas améliorer le système, au contraire, je suis celui qui dit qu'on peut faire mieux. Mais entre améliorer et tout démanteler, il y a un fossé incroyable », souligne-t-il.
Pour le moment, le message d'Ottawa demeure assez ferme sur la scène internationale. L'UPA et la COOP fédérée préviennent toutefois qu'en cas de recul d'Ottawa sur la question, ils n'hésiteront pas à mobiliser leurs membres, sans préciser jusqu'où cette mobilisation pourrait aller.
« Nous comprenons l'importance des accords commerciaux pour notre économie. Le Canada en a signé une dizaine depuis 1980, mais toujours en préservant la gestion de l'offre », résume le président de la Coop fédérée, Denis Richard.
Un accord de libre-échange controversé
Outre les agriculteurs, les opposants à cet accord de libre-échange craignent notamment qu'il ne se traduise par une hausse des prix des médicaments, une augmentation de la privatisation dans le secteur public et une diminution des pouvoirs de l'État qui lui permettent actuellement d'exercer un contrôle sur les grandes entreprises.
Les négociations ont également leur lot de détracteurs sur le Vieux Continent. Certains changements que pourrait provoquer la signature d'un tel traité soulèvent en effet la controverse chez plusieurs Européens.
Ottawa souhaite conclure cet accord de libre-échange d'ici la fin de l'année, soulignant que l'entente pourrait injecter, sur une base annuelle, 12 milliards de dollars supplémentaires dans l'économie canadienne.
Le gouvernement de Pauline Marois appuie quant à lui l'idée de conclure une entente avec l'Union européenne, un marché potentiel de 500 millions de personnes. Québec déplore toutefois le manque de transparence dans le processus de négociations en cours.
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