Loi 101 - Vers un «recul tranquille» du français au Québec?

Maxime Bernier - la loi 101 est inutile



Le député conservateur Maxime Bernier s’interroge sur l’utilité d’une loi pour sauvegarder la langue française au Québec. «Au Québec, nous n’avons pas besoin de la loi 101 pour protéger la langue française. Ils savent que nous parlons français au Québec et que nous parlerons français encore longtemps, je crois bien», a-t-il dit la semaine dernière sur les ondes de la radio Halifax News 95,7. Il estime «troublant» qu’il n’y ait «personne sur la scène politique québécoise pour représenter cette majorité silencieuse qui voudrait moins de lois contraignantes et plus d’incitations positives pour promouvoir l’utilisation du français tout en s’ouvrant à l’anglais», a-t-il ajouté sur son blogue.

Photo : Jacques Nadeau - Le Devoir
Le député conservateur Maxime Bernier s’interroge sur l’utilité d’une loi pour sauvegarder la langue française au Québec. «Au Québec, nous n’avons pas besoin de la loi 101 pour protéger la langue française. Ils savent que nous parlons français au Québec et que nous parlerons français encore longtemps, je crois bien», a-t-il dit la semaine dernière sur les ondes de la radio Halifax News 95,7. Il estime «troublant» qu’il n’y ait «personne sur la scène politique québécoise pour représenter cette majorité silencieuse qui voudrait moins de lois contraignantes et plus d’incitations positives pour promouvoir l’utilisation du français tout en s’ouvrant à l’anglais», a-t-il ajouté sur son blogue.
Les propos de Maxime Bernier concernant la loi 101 n'ont rien de surprenant, malgré ce qu'en pensent certains. Ils s'inscrivent dans une tendance lourde à la remise en cause des acquis linguistiques du Québec. Qui, en effet, n'a pas constaté ces dernières années le «recul tranquille» du français au Québec? En plus de l'anglomanie galopante qui frappe la jeunesse et pour laquelle le gouvernement semble n'avoir aucun remède, on note une baisse sensible du nombre de locuteurs du français, langue maternelle. C'est sans compter les nombreux ténors de la société québécoise issus de la politique, du journalisme ou encore du milieu des affaires qui martèlent ad nauseam l'idée que le bilinguisme serait désormais devenu «incontournable». Ne soyons pas dupes: le phénomène social qui affleure aujourd'hui partout au Québec traduit plus de vingt ans de laisser-faire linguistique.
Fondée sur le principe du français comme langue commune pour tous les Québécois, la conception linguistique dominante a subi un insidieux glissement de sens depuis quelques années: on ne parle plus aujourd'hui que de simple «prédominance du français» dans l'espace public. Et pour cause: la langue française est en fait devenue facultative pour de nombreux résidants du Québec. Les institutions québécoises ont par ailleurs rapidement marqué le pas en adoptant le clientélisme et le bilinguisme dans tous les services publics. Cessons donc de faire l'autruche: c'est à une «inévitable» et irréversible pénétration de l'anglais dans la culture nationale que nous sommes confrontés aujourd'hui, 35 ans après l'adoption de la loi 101.
Sous les nombreux appels à l'adoption du bilinguisme comme mode de vie couve l'idée fallacieuse selon laquelle le français, langue de l'universel s'il en est une, ne suffirait plus à assurer à lui seul le plein épanouissement sociocognitif des Québécois. Le français manquerait de coffre, de profondeur. On voudrait faire croire que l'unilinguisme serait au mieux un handicap, au pire une tare sociale. La grande tradition intellectuelle et culturelle française démontre plutôt le contraire, pour peu qu'on s'y attarde.
Multilinguisme
On constate en fait que l'impératif dogmatique d'ouverture à l'«autre» est concomitant d'un appauvrissement généralisé de la culture de base dans de nombreuses sociétés occidentales. Au Québec, on apprend maintenant l'anglais dès la première année. C'eût été une bonne idée si l'on n'avait pas préalablement sorti les Boileau, La Fontaine et autres classiques des écoles, avec les racines grecques et latines du français. Le multilinguisme est évidemment un atout pour ceux qui jouissent du don des langues, mais pour ceux à qui échappent les subtilités du langage, le bilinguisme se traduit le plus souvent par l'acquisition de deux langues secondes.
Du reste, chez beaucoup de Québécois des générations X et Y, la maîtrise approfondie de la langue française ne va plus de soi. Ils sont ainsi légion à pouvoir passer aisément du français à l'anglais en pleine conversation, et dans une même phrase parfois, sans par ailleurs savoir convenablement conjuguer le subjonctif ou encore respecter les règles minimales de la syntaxe française.
Un recul sur fond d'affaiblissement du collectif
D'autres facteurs contribuent à l'affaiblissement du français au Québec. Les Québécois ont en effet graduellement tourné le dos ces dernières années aux institutions collectives, autrefois garantes du lien social. Les églises sont à vendre, la famille n'est plus que l'ombre d'elle-même et les grandes causes politiques ne mobilisent plus. Centrés exclusivement sur eux-mêmes, les Québécois se désintéressent aujourd'hui du dernier élément collectif qui les caractérise: la langue!
La loi 115 sur les écoles passerelles est passée dans l'indifférence générale et les universités francophones comme l'Université du Québec à Montréal et l'Université de Montréal abondent aujourd'hui de cours et de colloques en anglais, sans réaction aucune de la part du corps professoral ou des associations étudiantes. L'UdeM exige même sur son site Internet la connaissance de l'anglais comme préalable pour y étudier. C'est le «McGill français» à l'envers!
Cette fragmentation du collectif appelle dans son sillage une illusoire ouverture à l'«autre». La culture et la langue n'étant pratiquement plus structurantes, les cloisons naturelles qu'elles constituaient deviennent poreuses, facilitant la mixité linguistique et culturelle. Mais cette ouverture à l'«autre» découle essentiellement d'un appauvrissement identitaire. C'est plutôt le nivellement par le bas, le degré zéro de culture qui caractérisent l'«ouverture» actuelle. La verticalité et la profondeur passées de la culture maternelle font aujourd'hui place à la plate horizontalité des cultures et des langues mélangées.
Ce qui frappe aujourd'hui le regard sensible aux questions de sens est le navrant spectacle d'une société dont la caractéristique principale a été d'avoir fait, à intervalle régulier depuis cinquante ans, table rase de son histoire et de ses valeurs afin de constamment «rebâtir à neuf». Cette société se trouve aujourd'hui incapable de se définir autrement que comme une somme d'intérêts personnels, c'est-à-dire incapable de se concevoir par-delà l'individu mesure de toute chose, en tant que communauté naturelle reposant sur une langue et une culture communes garantes du vivre ensemble.
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Alexis Cossette-Trudel, Détenteur d'un doctorat en science des religions et d'une maîtrise en science politique


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