Colloque sur le nationalisme 1/2

MBC a tort, le problème ne vient pas des États-Unis

La rhétorique racialiste et décoloniale est promise à un bel avenir

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Chronique d'Alexandre Cormier-Denis

Première partie d’une série de deux.


La 12e édition du colloque « Quelque chose comme un grand peuple » organisé par l’Institut de recherche sur le Québec et le Mouvement national des Québécois qui s’est tenu samedi dernier a permis de constater que les politiques migratoires sont plus que jamais au centre de la réflexion des souverainistes institutionnels.


Ayant comme thème « Après la laïcité : comment se pose aujourd’hui la question de l’identité québécoise ? » l’événement rassemblait des participants moins disparates et, disons-le d’emblée, plus intéressants que ceux de l’année précédente. Les questions identitaires et linguistiques furent au centre des présentations.


Dans cette première partie, nous analyserons l’intervention de Mathieu Bock-Côté, figure de proue médiatique du nationalisme québécois contemporain.



L’aveuglement du nationalisme civique


Le prolifique Mathieu Bock-Côté fit une présentation dans la lignée de ses nombreux textes dénonçant l’influence grandissante de la sensibilité mémorielle américaine sur les débats de société au Québec. Sa critique porta principalement sur l’arrivée du vocabulaire racialiste américain, en prenant pour exemple le glissement sémantique de l’expression « majorité historique francophone » vers celle de « majorité blanche catholique ».


Ironiquement, l’expression même de « majorité culturelle historique » tant louée par M. Bock-Côté participe de l’empire du politiquement correct qu’il dénonce, puisqu’elle javellise la réalité nationale qui est la nôtre : l’existence d’une nation canadienne-française. En s’enfermant dans l’illusion civiliste, le chroniqueur du Journal de Montréal ne réalise peut-être pas qu’il participe, sans doute contre son gré, à la négation du réel en empêchant le camp souverainiste de saisir l’ampleur des changements démographiques qui sont présentement à l’œuvre.


Sa défense de la spécificité historique québécoise – notamment sur le rapport aux Autochtones et à l’esclavage – est fort louable, mais elle rate l’essentiel.


En restant confiné au discours du nationalisme civique péquiste des années 1990, M. Bock-Côté ne saisit pas que le renouveau nationaliste du XXIe siècle ne pourra faire l’économie d’une relecture profonde de notre appartenance à l’Occident blanc et chrétien, notamment sur les questions ethnique et religieuse.



La nouvelle décolonisation du Québec


Comme il le sait sans doute lui-même, le mouvement décolonial québécois actuel n’a rien à voir avec la critique de la domination monarchique du Canada anglais sur le Canada français, mais cherche à en finir avec l’hégémonie culturelle des « de souche » – ou pour parler clairement, des Blancs, fussent-ils européens ou nord-américains – sur les sociétés occidentales.


L’avenir risque de fortement décevoir M. Bock-Côté puisque l’augmentation numérique des minorités ethniques sur le sol québécois, que ce soit par l’immigration ou par la simple natalité, va amener une radicalisation de la rhétorique victimaire des populations « racisées » qui considéreront toujours davantage les Canadiens français comme la version locale des impérialistes blancs occidentaux coupables des pires crimes contre l’humanité.


Cette logique démographique laisse présager une normalisation de la rhétorique indigéniste sur le modèle français et décoloniale sur le modèle américain dans le champ lexical de la gauche québécoise.



Le danger ne vient pas des États-Unis ; il vient du tiers-monde


Contrairement à ce que laisse penser M. Bock-Côté, le problème ne provient pas uniquement de l’américanisation des référents mémoriels québécois – phénomène fort regrettable par ailleurs – mais bien du remplacement de la population canadienne-française par des immigrés n’appartenant pas à la civilisation occidentale et qui seront, de fait, largement inassimilables.


Preuve en est que la culture québécoise post-Révolution tranquille n’est pas parvenue à assimiler culturellement, et encore moins électoralement, les minorités grecques, italiennes ou portugaises de Montréal. Pourtant de souche européenne et de religion chrétienne, il a été impossible de transformer massivement ces populations en patriotes épousant les référents culturels et politiques québécois.


Si la France, hyperpuissance culturelle s’il en est une, est incapable d’assimiler convenablement les immigrés musulmans venus du Maghreb et d’Afrique subsaharienne malgré leur maîtrise du français, comment peut-on réellement croire que le demi-État qu’est le Québec y parviendra ?


L’écrivain Éric Zemmour – ami de M. Bock-Côté si l’on en croit l’intervention très médiatisée du chroniqueur français à la récente Convention de la droite – ne met pourtant pas de gants blancs pour affirmer l’incompatibilité fondamentale de l’islam avec la France. Il serait temps de faire le même constat au Québec.


Sans une remise à niveau complète de son rapport à la question civilisationnelle, religieuse et, n’en déplaise aux apparatchiks de la question nationale, également ethnique, le souverainisme québécois risque de s’enfoncer dans l’insignifiance qui caractérise le patriotisme civique français bon chic bon genre.


C’est-à-dire dans un véritable cul-de-sac politique.


La seconde partie de l’article portant sur les autres intervenants du colloque sera publiée demain.



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1 commentaire

  • Éric F. Bouchard Répondre

    5 novembre 2019

    Encore ce constat du cul-de-sac.  


    Et toujours un même naïf espoir de voir les souverainistes institutionnalisés  inclure la dimension ethnique –la défense des Canadiens-Français– dans leur argumentaire.


    Eh bien, ils ne le peuvent pas. Ils vivent d’une québécitude qui a pour base la négation de la nation canadienne-français, une négation faite au profit d’un peuple québécois comprenant une communauté d’expression anglaise, fondatrice du Québec. La québécitude n’est en somme que la reprise, dans les limites du seul Québec, l'intériorisation du biculturalisme puis du multiculturalisme canadien.


    C’est ça, en dépit des accroires et des mensonges, notre réalité juridique, politique et socio-culturelle depuis  50 ans, celle qui se peaufine au gré de nos soi-disant grandes lois statutaires et qui masque notre rapide déclin démographique, réalité en vertu de laquelle les tenants d’un Québec français, les héritiers des nationalistes canadiens-français, se font rouler dans la farine malgré l'urgence d'agir.


    Vous voudriez faire autre chose que de vous en plaindre?


    Dites-vous qu’à plusieurs ce serait possible.