Tribune. Tous les médias ont parlé de Charlottesville, de la statue du général Lee, de la « white supremacy », etc. Mais rares sont ceux qui ont évoqué ce problème dans le contexte français. Or la question des emblèmes esclavagistes dans l’espace public se pose également dans notre pays. Elle est formulée depuis au moins trente ans par des citoyens – qu’ils viennent de l’outre-mer ou non – qui demandent que ces symboles soient retirés.
Cette exigence suscite chez certains de nos compatriotes une certaine angoisse : jusqu’où, disent-ils, faudra-t-il aller ? La réponse est claire : on ne pourra sans doute pas modifier tous les symboles liés à l’esclavage dans l’espace public, tant ils sont nombreux et intimement liés à notre histoire nationale. Mais on ne peut pas non plus ne rien faire, en restant dans le déni et dans le mépris, comme si le problème n’existait pas. Entre ceux qui disent qu’il faut tout changer et ceux qui disent qu’il ne faut rien changer, il y a probablement une place pour l’action raisonnable.
On pourrait, par exemple, se concentrer sur les collèges et les lycées Colbert, qui existent dans plusieurs villes de France. Il s’en trouve à Paris, à Lyon, à Marseille, à Reims, à Thionville, à Tourcoing, à Lorient, à Rouen et dans quelques autres villes. Pourquoi Colbert ? Parce que le ministre de Louis XIV est celui qui jeta les fondements du Code noir, monstre juridique qui légalisa ce crime contre l’humanité. Par ailleurs, Colbert est aussi celui qui fonda la Compagnie des Indes occidentales, compagnie négrière de sinistre mémoire. En d’autres termes, en matière d’esclavage, Colbert symbolise à la fois la théorie et la pratique, et cela, au plus haut niveau.
Histoire, mémoire et transmission
Ceux qui sont attachés à Colbert à tout prix, et veulent retenir de lui non pas l’esclavagiste, mais le ministre qui sut établir la grandeur de l’économie française à l’époque, agissent comme ces gens,...
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