Gouvernance de Montréal

Ne rétractez rien, madame Harel!

Il n’en fallait pas plus pour semer un émoi tenant du Grand Guignol chez la poignée de barons ethniques habituelle. « Racisme, stéréotypes, xénophobie! », ont-ils entonné sans surprise.

Grand Guignol canadian...

Ils étaient à cours de prétexte à esclandre depuis un bon moment. Mais voilà qu’une déclaration somme toute bénigne de l’ex-ministre Louise Harel vient de donner à quelques porte-parole prétendument représentatifs l’occasion de crier à nouveau au scandale. Réagissant à la suggestion du conseiller municipal Cosmo Macciocia de réduire le nombre d’arrondissements montréalais de 19 à 10 et le nombre d’élus de 102 à 51, madame Harel a d’abord jugé l’idée intéressante mais insuffisante si l’on ne revoit pas la gouvernance de la métropole. Ajoutant souhaiter aussi abolir l’élection des maires d’arrondissement, l’ex-ministre des Affaires municipales a soutenu avec raison qu’il fallait éviter de créer « une fédération d’arrondissements » et de « consolider des royaumes ». Plus tard, au grand dam de certains, elle ajouta craindre que Montréal ne se retrouve avec « une ville italienne, une ville haïtienne, une ville anglophone, une ville arabe – ville Saint-Laurent –, une ville juive, etc. » Il n’en fallait pas plus pour semer un émoi tenant du Grand Guignol chez la poignée de barons ethniques habituelle. « Racisme, stéréotypes, xénophobie! », ont-ils entonné sans surprise.
C’est là un grand classique tenant des plus purs deux poids, deux mesures. Lorsqu’un leader d’association ethnique prend position au nom de ses frères et sœurs de sang et les invite à réagir collectivement et solidairement en tant que membres d’une groupe ethnique, ce n’est là que l’expression politique légitime de citoyens dont le vote est égal à celui de tout autre citoyen. Mais lorsque toute autre personne, à plus forte raison s’il s’agit d’un(e) « séparatiste », réfère à ces mêmes groupes ethniques en tant que collectivités et constate ces réflexes tendancieusement monolithiques, alors les mêmes leaders ethniques y dénoncent le non-respect de la sacro-sainte égalité des votes, sans égard à l’origine des individus.
Il y a pourtant amplement matière à débat. Avant les fusions municipales de 2001, l’île de Montréal était composée de la ville de Montréal et de 28 autres municipalités distinctes qui vampirisaient allègrement la ville-centre. Du seul fait de leu proximité avec Montréal, ces banlieues satellites attiraient les résidents et les entreprises avec des taxes plus basses résultant de leurs revenus issus d’équipement régionaux ou de la concentration des mieux nantis sur leur territoire, ou les deux. La réforme Harel avait donc pour objectifs l’équité fiscale et la mise sur pied d’une gouvernance métropolitaine efficace qui mettrait fin à la concurrence indue de ces banlieues au détriment de la santé financière de Montréal et de sa compétitivité face à Toronto, Boston et autres grandes voisines. Mais par pur intérêt partisan, Jean Charest a tout gâché.
D’abord en 2004, malgré la réprobation générale, il a permis les défusions, ce qui a polarisé l’île de Montréal comme jamais entre l’est et l’ouest, entre francophones et anglophones. À l’époque, Anthony Housefather, conseiller municipal de l’ex-arrondissement de Côte-Saint-Luc–Hampstead–Montréal-Ouest, avait fait campagne en avançant que les anciennes villes de Côte-Saint-Luc et Hampstead auraient du mal à protéger leur « caractère culturel distinct » si elles continuaient à faire partie de la grande ville de Montréal. « C’est impossible. Car on pourrait utiliser le même argument en disant : "pour défendre son caractère distinct et sa culture, Israël devrait être englobé dans un État palestinien". Quelle est la différence? » (Le Devoir, 18 avril 2004). Les avocats des arrondissements défusionnistes de tout l’Ouest de l’île avaient même plaidé devant les tribunaux la nécessité de préserver leur « caractère anglo-britannique ». À cet égard, le maire Tremblay a aussi ses torts, lui qui est devenu maire grâce à l’appui massif des défusionnistes, qu’il n’a évidemment pas su rallier à la grande ville par la suite.
Puis, Jean Charest a voté une nouvelle charte de Montréal, conçue exprès pour décentraliser les pouvoirs et ainsi contenter sa base électorale des nouveaux arrondissements, encore au détriment de l’Hôtel-de-Ville de Montréal. Aujourd’hui très autonomes, les habitants desdits arrondissements, que Louise Harel appelle des « quasi-villes », ont d’autant moins besoin d’être en rapport avec les autres Montréalais. Ajoutez-y des concentrations ethniques bien réelles que madame Harel n’a pas inventées, et vous avez là un cocktail dont n’importe quel sociologue vous dira qu’il n’est pas souhaitable. Lorsque l’actuelle ministre des Affaires municipales, Nathalie Normandeau, et le maire Tremblay ne trouvent rien de mieux que d’invoquer l’actuel contexte de crise économique pour écarter ce débat, ils admettent implicitement que, tôt ou tard, ce gâchis nous rattrapera.
Christian Gagnon
Montréal

Featured 38a394e6dfa1bba986fca028dccfaa78

Christian Gagnon138 articles

  • 125 657

CHRISTIAN GAGNON, ing.
_ L’auteur a été président régional du Parti Québécois de Montréal-Centre d’octobre 2002 à décembre 2005





Laissez un commentaire



5 commentaires

  • Archives de Vigile Répondre

    19 mars 2009

    Bonjour!
    Au pays Québec
    L’État a décrété que l’île de Montréal est une municipalité
    avec un maire et vingt-sept conseillers de quartier.
    (une île Une ville)
    Les conseils d’arrondissement sont abolis.
    Chaque municipalité se doit d’avoir un comité de citoyens.
    Ce dernier délègue des représentants au Conseil municipal, à
    L’Assemblée régionale avec droit de vote et participation à
    L’exécutif. Le Comité municipal de citoyens nomme ses
    représentants au Conseil national des citoyens.
    L’État finance cette structure. Les frais de déplacement sont remboursés. La prime de présence aux réunions n’est pas imposable.
    L’île de Montréal a seize circonscriptions/députés :
    Nelligan : Pierrefonds . Roxboro, Ile Bizard .
    Ste-Geneviève . Senneville . Sainte-Anne-de-
    Bellevue . Baie d’Urfée
    Jacques-Cartier : Pointe-Claire . Beaconsfield
    . Kirkland,
    Sault-St-Louis : Lachine . Dorval . Dollard-des-
    Ormeaux,
    Bombardier : St-Laurent . Mont-Royal,
    Gouin-Décarie : Côte-des-Neiges . Notre-
    Dame-de-Grâce,
    Canal Lachine : Lasalle . Montréal-Ouest,
    Côte-St-Luc . Hampstead,
    Les Fondateurs : Ville-Marie et Westmount,
    La Montagne : Outremont . Plateau Mont-
    Royal,
    Le Bord du Fleuve : Sud-ouest . Verdun
    Ponts des îles : Ahuntsic . Cartierville,
    Ryan : Montréal-Nord,(M.Coderre)
    Les Boulevards : St-Léonard et Anjou,
    Terre d’accueil : Villeray . St-Michel . Parc
    Extension,
    Drapeau : Rosemont . Petite Patrie
    Maurice Richard : Mercier et Hochelaga,
    Le Bout de l’île : Montréal-Est . Pointe aux-
    Trembles . Rivières des Prairies.

  • Jacques Bergeron Répondre

    19 mars 2009

    Toutes les actions de ces groupes «ethniques», anglophones et/ou anglophiles, ne visent qu'à culpabiliser le peuple Canadien-français québécois, «toutes ethnies confondues». Comme madame Harel n'a rien dit de blessant,et encore moins de raciste,quoi qu'en pensent et quoi qu'en disent les dirigeants «des différents groupes ethniques» de Montréal,loin de devoir s'excuser,elle doit continuer à dénoncer les tentatives de «ghettoïsation» préconisée par un certain maire d'arrondissement. Malgré tout, on sait tous que des anciennes villes, et plusieurs quartiers de Montréal,sont identifiés à certains groupes ethniques.Quel est l'individu qui ne s'est jamais rendu dans le quartier Chinois, ou dans la «petite Italie» ou dans «NDG» ou dans «Westmount»,ou encore dans «Côte-Saint-Luc», qui malgré son nom n'est pas un endroit réservé aux Catholiques? Tout individu qui s'est rendu dans Outremont, peut comprendre le sens attaché au mot ethnique,à moins qu'il ne veuille voir, ou y acheter quelques «bagels» et d'autres excellents mets produits par nos amis «Juifs». Vraiment, les dirigeants des groupes ethniques qui attaquent notre nation, par le biais de Mme Harel,devraient éviter de parler, à tout moment et sur tout sujet, au nom de leurs groupes ethniques, comme ils le font lors de chaque référendum, ou lors d'élections québécoises. Disons que c'est le moins qu'ils puissent faire, s'ils veulent être pris ,le moindrement,au sérieux.Je les invite ,par ailleurs, à abandonner leurs manifestations ethniques,mois des noirs, fête du monde arabe, fête irlandaise de la Saint-Patrick, si importante aux yeux du premier ministre du Québec,et autres du même genre, tout en exigeant que la ville de Montréal mette fin à ses comités ethniques sur lesquels ces représentants de groupes ethniques siègent. C'est à ce prix qu'ils seront,peut-être, pris au sérieux. À Madame Harel je dis un grand merci pour avoir dit ce qu'elle avait le droit de dire sans être attaquée par ces différents groupes de Montréalais qui utilisent ce moyen «ethniciste» pour s'identier lorsque cela fait leur affaire. Comme dans Montréal-Nord par exemple, il n'y a pas si longtemps,de triste mémoire!

  • Archives de Vigile Répondre

    18 mars 2009

    Je suis tout-à-fait d'accord avec madame Harel et pourquoi devrait-elle se rétracter de dire la vérité?
    Quant aux divers groupes ehtniques, on ne s'attend pas à ce qu'ils cherchent à recréer ici, dans notre pays, leur facon de vivre d'origine. S'ils n'ont pas l'intention de vivre à "la québécoise", pourquoi viennent-ils ici? Où ils vivent selon nos coutumes, où ils retournent dans leur pays d'origine s'ils ne sont pas capables de s'adapter à nos facon de faire. Ce n'est pas aux québécois de s'adapter à eux mais bien à eux de s'adapter à nous. On veut bien les accommoder jusqu'à un certain point mais pas jusqu'à disparaître pour leur laisser la place. Ca suffit d'abuser de notre générosité.

  • Nicole Hébert Répondre

    17 mars 2009

    J'espère bien aussi que Madame Harel ne se rétractera pas. Car elle a raison. Montréal ressemble de plus en plus à une juxtaposition de groupes culturels soi-disant ouverts les uns aux autres. Quand les Montréalais francophones - de plus en plus rares, timides ou effacés - commentent parfois - comme pendant la durée de la Commission Bouchard-Taylor et là, je ne sais pourquoi, c'est le visage de Guy.A Lepage qui me vient à l'esprit - la trop grande homogénéité des régions, y incluant la Capitale, en faisant valoir que - et là j'interprète un peu mais j'ai entendu de mes oreilles des discours approchant - : " ces pauvres provinciaux n'ont pas l'habitude de fréquenter la différence et ne côtoient pas comme nous tant de minorités... Mais si vous avez un tant soit peu observé le phénomène ici et là au Québec: les individus des différentes communautés qui se sont le mieux et je dirais le plus "heureusement" - à les voir et à les entendre en tout cas - intégrés, mariés - et non assimilés puisqu'ils y témoignent ouvertement et généreusement de leurs cultures - ce sont souvent ceux installés en région ou qui y ont audacieusement vécu ou encore ceux qui ont grandi dans l'Est Montréalais. Ailleurs dans Montréal, n'évoluent-ils pas le plus souvent en parallèle ou en Anglais? Bien sûr, Sir Elliot Trudeau aimait bien ce genre de courte-pointe.

  • Archives de Vigile Répondre

    17 mars 2009

    J'espère qu'elle ne se rétractera pas comme cela s'est fait depuis des années maintenant. Nous verrons bien de quel bois elle se chauffe. De bois vert ou de bois mou.
    Il faut mettre fin aux accusations fallacieuses de certaines communautés culturelles, dès qu'un Québécois veut exprimer le fond de sa pensée.
    Les authentiques fondateurs de ce pays n'ont plus le droit de parler. C'est le résultat de notre laxisme, de notre tolérance et de notre ouverture sur l'autre et le monde jusqu'à la bêtise.
    J'en ai par-dessus la tête de tout cela.
    Marie Mance Vallée