Nietzsche avait raison: «l'État est un monstre froid»

Les enfants devront fréquenter une école "approuvée" par le Ministère ou les enfants devront être éduqués à la maison probablement sous la surveillance tatillonne de l'État.

Laïcité — débat québécois


Des mennonites conservateurs, ces pacifistes d'origine allemande arrivés au Canada il y a plusieurs siècles, se sont installés aux confins de l'Estrie. Oh! on ne les remarque guère. Ils ont appris le français (certes ils le parlent encore avec un accent), ils ont des voitures, l'électricité comme tout le monde.


Ils travaillent. Leurs nombreux enfants sont disciplinés et inconnus des services de police. Je précise qu'il ne s'agit pas d'une "secte" moderne: nul gourou, point de manifestation exubérante chez ces quiétistes. Non, ils se distinguent à peine par une barbe chez les hommes, des robes fleuries et une sobre coiffe chez les femmes.
Après avoir acheté des fermes et fondé des petites entreprises, voilà qu'ils considèrent quitter le Québec dont les frontières sont toujours annoncées par un grand "Bienvenue!". Qu'est-ce qui les force à envisager cette décision déchirante, ce déménagement onéreux et douloureux? Les lois sur l'Instruction publique du Québec.
Ces mennonites ont partout ailleurs au Canada et en Amérique du Nord leurs écoles avec leurs propres enseignants. Cela ne pose pas de problème. Ils se sont donc établis au Québec et, en toute bonne foi, leurs enfants sont allés à l'école mennonite. Sans demander l'autorisation pour ce qu'ils considèrent comme un droit fondamental des parents: celui d'instruire leurs enfants comme ils l'entendent. Tout allait bien, jusqu'au jour où, à la suite de multiples reportages l'automne dernier sur les écoles illégales et un appel du Ministère qui invitait la population à signaler les écoles suspectes, ledit Ministère reçut un signalement.

Depuis lors, on assiste à une discussion à sens unique entre les fonctionnaires de Québec et les membres de cette communauté. Le Ministère veut que son programme soit enseigné dans son intégralité et que seuls des professeurs certifiés par ses soins le dispensent. Quand les parents mennonites s'y opposent pour des motifs religieux et moraux et rappellent que selon eux (et la Bible) la primauté de choix d'enseignement revient aux parents, les fonctionnaires leur répondent que la société a "évolué" et que les enfants ont également des droits.
Les enfants devront fréquenter une école "approuvée" par le Ministère ou les enfants devront être éduqués à la maison probablement sous la surveillance tatillonne de l'État.
S'il est certain que les enfants ont le droit à ne pas être maltraités par leurs parents, est-ce qu'on peut dire que les enfants mennonites sont martyrisés dans leur petite école? Et si c'était le cas, en quoi interdire leur instruction à la mode mennonite en groupe, à l'école, mais la permettre à la maison, ce qui est légal, changerait-il quoi que ce soit? S'agit-il juste de mesures vexatoires qui cherchent à rendre coûteuse l'instruction que les parents mennonites voudraient prodiguer selon leurs convictions?
Autre droit des enfants que prétend protéger l'État: celui à une éducation de qualité. Mais les enfants mennonites sont-ils plus ignares que ceux qui fréquentent l'école publique? Au vu des résultats des enfants mennonites aux tests normalisés dans les autres provinces où ils se situent souvent au-dessus de la moyenne provinciale, c'est clairement faux. Et puis, les résultats sont là: les enfants mennonites ne sont pas une charge pour la société, ils ne connaissent pas le chômage, ils sont fermiers, ouvriers qualifiés recherchés ou infirmières diplômées.
Mais est-il même sain que le Ministère ait un monopole des programmes scolaires, y compris celui des écoles privées? Pourquoi ce qui est bon ailleurs dans notre société: le choix, la concurrence ne devrait-il pas avoir cours dès qu'il s'agit de l'école? Combien de parents et d'élèves n'auraient pas bénéficié d'une véritable concurrence dans le domaine scolaire pour échapper aux ratés du "renouveau" pédagogique imposé par Québec? (...)
Le bien public impose-t-il cette violence faite aux parents qui ont la charge morale et financière de leurs enfants? Est-ce que les Amish de Pennsylvanie empêchent les États-Unis d'être une puissance économique et scientifique? Est-ce que le rigorisme moral des mennonites pose réellement problème dans la vie de tous les jours au Québec? Eux qui ne pratiquent pas de prosélytisme militant, eux qui sont pacifistes et dont la foi exigeante n'attire pas de nombreux convertis? En tant qu'habitant de Roxton Falls, je ne le crois pas du tout. À Québec, dans un bureau, on pense différemment. (...)
Patrick Andries, Roxton Falls
P.-S.: Je ne suis pas mennonite.
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En complément
De façon générale, que ce soit en Europe, aux États-Unis ou au Canada, leur vêtements austères noirs (datant du XIXe siècle) et leurs coutumes, particulièrement celles de ne pas payer certains impôts, de refuser le service militaire et l'imposition d'une autre langue, etc., les placèrent en marge des sociétés où ils vécurent. D'autres vagues d'émigrants mennonites originaires d'Europe arrivèrent au Canada, puis à partir de 1925 vers le Mexique, le Belize, le Paraguay, la Bolivie, le Brésil et l'Argentine.


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