Réplique à Louis Hamelin

Nos reportages n'accréditent pas votre thèse

Crise d'Octobre '70 - 40e anniversaire

Guy Gendron — Journaliste et animateur de Tout le monde en parlait à Radio-Canada *** Dans Le Devoir du 29 septembre 2010, vous avez quitté votre rôle habituel de critique littéraire pour migrer à la section Idées, où vous avez commenté les reportages sur la Crise d'octobre diffusés la semaine dernière à l'émission Tout le monde en parlait. C'est à titre de journaliste et auteur de ces reportages que je souhaite intervenir pour me dissocier de l'interprétation que vous faites des révélations qui s'y trouvaient.
Vous prétendez que ces reportages auraient confirmé que l'escouade antiterroriste connaissait «tous les felquistes» et qu'elle aurait continué à les surveiller même après les enlèvements. Vous laissez entendre que cela accréditerait la thèse conspirationniste à la base de votre plus récent roman (La Constellation du lynx) voulant que la Crise d'octobre ait été téléguidée par des forces occultes, policières et politiques. Plus spécifiquement, par un douteux procédé d'amalgame, vous suggérez que mes reportages appuieraient votre théorie selon laquelle des policiers de la section antiterroriste auraient occupé la maison voisine de celle où était détenu Pierre Laporte jusqu'à sa mort, mais n'auraient rien fait pour lui sauver la vie.
Qui et où
Ni dans les deux heures d'émission que nous avons consacrées à la Crise d'octobre la semaine dernière, ni dans les reportages diffusés au cours de la semaine dans les bulletins d'information, nous n'avons affirmé ou laissé entendre que la police savait où se trouvaient les ravisseurs de Pierre Laporte. Nous avons fait état des propos du responsable du renseignement de l'escouade antiterroriste, le lieutenant Julien Giguère, selon qui les policiers avaient rapidement identifié les auteurs des enlèvements.
Dans les 24 heures suivant le kidnapping de l'attaché commercial britannique James Richard Cross, la section antiterroriste savait effectivement qu'elle avait affaire au groupe de Jacques Lanctôt et de Marc Carbonneau. On a même trouvé une empreinte digitale de ce dernier sur le manifeste qui accompagnait le premier communiqué de la cellule Libération et que lira quelques jours plus tard Gaétan Montreuil sur les ondes de Radio-Canada. Dans les heures suivant l'enlèvement du ministre Pierre Laporte, la section antiterroriste savait aussi qu'il s'agissait du groupe de Paul Rose grâce à la plaque d'immatriculation de la voiture des ravisseurs.
Beaucoup d'imagination
Donc, la police savait QUI elle recherchait, mais jusqu'à preuve du contraire, elle ignorait OÙ les ravisseurs se cachaient. C'est ici où nos métiers respectifs divergent. Selon votre roman, une forme, avez-vous dit, qui vous libère du fardeau de la preuve, la police campait dans la maison voisine de la rue Armstrong à Saint-Hubert et n'aurait pas levé le petit doigt pour libérer Pierre Laporte. Mon instinct journalistique me dit que tant qu'à savoir où se trouvait le ministre et de ne pas avoir l'intention de lui sauver la vie, la police aurait mieux fait d'éviter le quartier.
Mais bon, je spécule, et ce n'est pas mon métier. De la même manière que n'étant pas critique littéraire, j'éviterai de me prononcer sur votre roman, sinon pour dire qu'il faut vraiment un grand effort d'imagination pour trouver dans mes reportages la confirmation de la thèse que vous y défendez sous le couvert commode de la fiction et des noms travestis.


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