OMC - L’Inde refroidit les négociateurs à Bali

New Delhi rejette le compromis de Washington sur les subventions agricoles

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La mondialisation des échanges commerciaux bloquée par le souci de l'Inde de défendre les pauvres

L’Inde a rejeté mercredi un compromis en discussion à la ministérielle de l’OMC sur l’île indonésienne de Bali, rendant encore plus improbable la conclusion d’un accord visant à relancer les négociations sur la libéralisation des échanges mondiaux, paralysées depuis douze ans.

« Les clauses concernant les restrictions [aux subventions agricoles] ne peuvent pas être acceptées sous leur forme actuelle » : il aura suffi d’un discours de trois minutes au ministre indien du Commerce, Anand Sharma, pour confirmer les craintes que le compromis sur la table à la réunion ministérielle de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) ne réussirait pas à faire plier New Delhi.

L’Inde, à la tête des 46 pays en développement du G33, demande de pouvoir accroître ses subventions aux produits agricoles afin d’aider les agriculteurs et nourrir à bas prix les plus pauvres, mais cela est actuellement sévèrement limité par l’OMC, car considéré comme une forme de dumping.

Le gouvernement indien, en difficulté à l’approche d’élections nationales, entend mettre en oeuvre un programme visant à offrir à prix artificiellement bas des denrées alimentaires de base à plus de 800 millions de pauvres.

« Clause de paix »

Les États-Unis, fervents opposants, ont proposé un compromis qui consisterait à offrir une « clause de paix » de quatre ans, selon laquelle aucune sanction ne serait recherchée contre les pays qui dépassent le plafond de subventions pour un programme de sécurité alimentaire. Mais New Delhi et le G33 rejettent une période déterminée à l’avance, préférant qu’une telle exemption soit en vigueur « jusqu’à ce qu’une solution permanente négociée soit convenue », a expliqué M. Sharma.

« Pour l’Inde, la sécurité alimentaire n’est pas négociable », a martelé le ministre sur un ton étonnamment direct, assurant qu’il s’agissait de « la décision définitive » de New Delhi. « Les déséquilibres historiques des règles du commerce mondial doivent être corrigés afin d’assurer un ordre juste et équitable », a-t-il asséné, soulignant que « l’agriculture soutient des millions de petits paysans ».

La fin de non-recevoir opposée par l’Inde a jeté le froid sur les discussions de Bali qui tentent de réanimer les négociations lancées en 2001 à Doha afin de réduire les barrières aux frontières et ainsi doper l’économie mondiale.

« Je suis de nature optimiste mais aujourd’hui je dois avouer que je suis quelque peu maussade », a réagi le commissaire européen au Commerce, Karel de Gucht, accusant visiblement le coup après la « bombe » indienne.

« L’Inde doit faire preuve de flexibilité »

« Une solution n’est pas impossible mais à condition que l’Inde fasse preuve de la flexibilité nécessaire », a-t-il souligné, avertissant qu’un échec à Bali « ferait vaciller les fondations même de l’OMC ». Outre la fin de l’Organisation en tant que cadre des négociations multilatérales sur l’ouverture des échanges, M. De Gucht a estimé qu’un échec à Bali pourrait également menacer la pertinence de l’OMC en tant qu’instance de règlement des conflits commerciaux, une fonction pourtant « très importante ».

La ministérielle, souvent qualifiée de « réunion de la dernière chance », tente d’arracher un accord sur le « paquet de Bali » qui concerne moins de 10 % des ambitions affichées à Doha : l’agriculture, l’aide au développement et la facilitation des échanges (en réduisant en particulier la bureaucratie aux frontières). Mais beaucoup doutent que même ce « Doha léger » puisse voir le jour, en particulier après l’échec de pré-négociations à Genève à aboutir à une ébauche d’entente sur laquelle les ministres des 159 États membres auraient pu plancher à Bali.

Le président de la réunion, le ministre indonésien du Commerce, Gita Wirjawan, a évalué à « environ 40 % » les chances d’un accord, après le refus indien. « La possibilité que ce pourcentage augmente dépendra des actions prises » jeudi et vendredi, a-t-il averti.

Dans les couloirs du centre de congrès de la station balnéaire de Nusa Dua, des responsables confirmaient que les discussions se multipliaient, en particulier entre l’UE, les États-Unis et l’Inde. « Je ne suis pas venu ici pour conclure un accord », a cependant tranché le ministre indien Anand Sharma. « Je suis venu ici pour protéger les intérêts des pauvres. »


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