Ottawa ou Québec?

Chronique de Patrice Boileau


Inutile de continuer de s’offusquer : les Québécois iront aux urnes le 8 décembre prochain, malgré leur opposition. Une opposition sans surprise cependant car dès qu’il est question de prendre une décision politique, ceux-ci prennent leurs jambes à leur cou…
Lassant également, ce discours usé qui veut que l’on gaspille  « quelques millions » pour tenir une élection. Voilà une somme négligeable lorsqu’on la compare avec le montant de 58 milliards que représente le budget annuel du Québec. De toute manière, ceux qui insistent malgré tout pour se scandaliser ne sont pas sérieux : les dernières enquêtes révèlent que les libéraux seront reportés au pouvoir et non pas sanctionnés.
Gouverner est un art. Il ne s’agit absolument pas d’un bête exercice comptable. Un pays n’est pas une entreprise. Ce sont des êtres humains qui le font vivre. Il faut ainsi parfois obtenir soudainement l’approbation du peuple pour entreprendre un projet précis. Ce fut le cas en 1962, lorsque Jean Lesage demanda aux Québécois le mandat de nationaliser les entreprises privées d’électricité. Le premier ministre n’était pourtant en poste que depuis deux ans environ.
Il faut avouer cependant qu’on est loin du même chef d’œuvre de gouvernance pour ce qui est de Jean Charest. L’homme qui a débuté son second mandat depuis 18 mois environ estime qu’il peut maintenant faire élire une majorité de députés, à la lumière des derniers sondages. Il veut donc des élections avant que le vent tourne. Qui ne l’imiterait pas? Assurément, les leaders des deux partis d’opposition agiraient de la même façon, s’ils dirigeaient un gouvernement minoritaire. Les voir présentement à genoux, implorer le premier ministre pour qu’il s’abstienne d’appeler les Québécois aux urnes, constitue un spectacle navrant. Voilà qui ne peut que convaincre l’électorat de leur incapacité à diriger le Québec. D’où l’avance que détient actuellement le Parti libéral. Car il s’agit bien de l’unique raison qui explique sa présence au premier rang, au chapitre des intentions de vote. Ce n’est sûrement pas les prouesses du gouvernement libéral qui peuvent en effet le justifier. L’unique membre compétent qu’il pouvait se targuer d’avoir dans ses rangs a de plus quitté la vie publique pour se joindre à une entreprise privée qui œuvre dans le domaine de la santé. Geste qui, en passant, lui a fait rater sa sortie.
L’équipe de Jean Charest n’a rien cassé en effet en terme d’efficacité et d’audace, à la tête de l’État québécois. La baisse d’impôt qu’il a allouée aux contribuables québécois se fit à partir d’un arrangement financier avec le gouvernement fédéral. Ce qui eut pour effet de disqualifier des années de lutte pour régler le déséquilibre fiscal. Il était d’ailleurs embarrassant d’entendre le premier ministre, ainsi que sa ministre des Finances, clamer durant la dernière campagne électorale fédérale que ce dossier n’était toujours pas résolu.
Tout aussi désolante fut la récente déclaration de Jean Charest qui plastronnait, convaincu d’avoir flairé l’arrivée de la crise financière. Les milliards qu’il a investis dans des travaux de rénovation des infrastructures routières ne visaient pas à combattre une probable récession. Ils ne faisaient que répondre aux exigences de la Commission Johnson qui a enquêté sur l’état de santé du parc des ponts et viaducs québécois, suite à la tragédie de Laval.
On ne peut que douter également de la parole de Monique Jérôme-Forget, ministre des Finances du Québec. Celle qui a imposé par décret les conditions de travail des employés de l’État parce que supposément sans moyen, jouirait maintenant d’une sacoche bien garnie! Même les milliards que son chef a fait pleuvoir sur les routes du Québec ne menaceraient pas l’équilibre budgétaire de son gouvernement : il en resterait encore! Comment alors expliquer que la dette augmente toujours? Pendant que l’Ontario et le gouvernement fédéral se dirigent vers un déficit budgétaire, le Québec dégagerait des surplus? Soyons sérieux! Et que dire du fiasco financier que représente le projet du CHUM? Qui a dit que l’économie était l’affaire des libéraux???
La campagne électorale québécoise qui sera déclenchée la semaine prochaine doit poser une question claire aux Québécois. Veulent-ils de nouveau revivre le douloureux épisode des compressions budgétaires sauvages qu’Ottawa leur avait imposées au milieu des années 1990? Car il est certain que le gouvernement fédéral, suite aux erreurs commises par le ministre des Finances, Jim Flaherty, fera payer par les provinces les allègements fiscaux hasardeux qu’il a alloués aux contribuables. Idem pour cette imprudente baisse de deux points de sa taxe sur les produits et services. Il faut demander aux Québécois de choisir quel type de gouvernement ils désirent pour affronter les effets que la crise financière provoquera sur l’économie réelle du Québec. En souhaitent-ils un qui devra en plus combattre d’autres coups vicieux en provenance d’Ottawa ou au contraire, un État pleinement maître de ses capacités législatives et fiscales? Veulent-ils assister une nième fois à des querelles fédérales-provinciales alors que l’économie ralentit ou admirer un gouvernement agissant, libre de ses mouvements, fort de tous ses revenus pour braver la tempête financière qui se lève? Voilà ce qu’il faut demander aux Québécois. Il faudra pour cela leur offrir la possibilité de faire ce choix, de donner le mandat à un parti politique qui posera les gestes nécessaires pour les protéger. Petit problème néanmoins : y en a-t-il un en lice???
Patrice Boileau



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1 commentaire

  • Archives de Vigile Répondre

    29 octobre 2008

    Votre article contribue à me convaincre que l'indépendance du Québec est une question trop sérieuse pour la laisser exclusivement aux mains des partis politiques. Il y aura toujours quelque part, dans un vague comté, un pont qui menace de s'effondrer ou une promesse de pont à construire pour distraire le politicien ordinaire de la question essentielle.
    GV