Paul Hackett - Le mariage d'un membre de la famille royale est un événement qui peut être classé en 2011 dans la catégorie des grands spectacles hautement médiatisés. Parmi ceux que cela excite, il y a les amateurs de féeries romantiques, mais il y a aussi les fidèles de la monarchie.
Pour les Britanniques, celle-ci a encore un sens politique et constitutionnel et surtout une valeur économique et touristique considérable. Pour le Canadien que je suis, la monarchie n'a plus aucun sens; c'est le vestige d'un passé dont nous nous sommes dégagés pour devenir sujets d'une république baignant dans une culture assez semblable à celle de nos voisins du Sud.
Toutefois, selon notre Constitution, Élisabeth II est toujours notre reine, une reine qui règne symboliquement mais ne gouverne pas. De nombreuses conventions constitutionnelles ont transféré au gouvernement canadien ou au gouverneur général tous les pouvoirs et le résidu des prérogatives dont a pu bénéficier le monarque à une autre époque. Si nous avons hérité d'institutions d'inspiration britannique (gouvernement de cabinet, régime parlementaire et responsabilité ministérielle, pouvoir judiciaire indépendant), cela n'a rien à voir avec la monarchie en soi; au contraire, les anciennes prérogatives de la Couronne, caractéristiques de la monarchie, ont été largement abolies par le Parlement ou les tribunaux. Quant à la monarchie elle-même, pour l'abolir formellement ici, il faudrait l'adoption d'un amendement constitutionnel à l'unanimité du fédéral et des provinces... Bonne chance!
Même si on maintenait la monarchie au Canada, avec ou sans le faste des mariages princiers, ni William ni son père, Charles, ne pourront devenir roi du Canada à moins d'être élu par la population canadienne ou nommé par des élus canadiens. En effet, la monarchie héréditaire est incompatible avec la Constitution canadienne. Dans son célèbre renvoi de 1998 sur la sécession du Québec, la Cour suprême a sonné le glas de la monarchie héréditaire en proclamant que la démocratie est l'un des «principes qui ont dicté des aspects majeurs de l'architecture même de la Constitution et en sont la force vitale» (par. 51). Ces principes ne sont pas simplement descriptifs, «ils sont aussi investis d'une force normative puissante et lient à la fois les tribunaux et les gouvernements» (par. 54). «La démocratie est une valeur fondamentale de notre culture juridique et politique» (par. 61). «Le principe de la démocratie a toujours inspiré l'aménagement de notre structure constitutionnelle...». La démocratie «signifie le mode de fonctionnement d'un gouvernement représentatif et responsable et le droit des citoyens de participer au processus politique en tant qu'électeurs [...] et en tant que candidats [...] (par. 65). «La démocratie exprime la volonté souveraine du peuple» (par. 66). «L'assentiment des gouvernés est une valeur fondamentale dans notre conception d'une société libre et démocratique» (par. 67).
La cour a donné les divers éléments de la définition d'un régime démocratique qu'on peut résumer ainsi: «La démocratie est le régime politique dans lequel le pouvoir est détenu ou contrôlé par le peuple (principe de souveraineté), sans qu'il y ait de distinctions dues à la naissance, la richesse, la compétence... (principe d'égalité). En règle générale, les démocraties sont indirectes ou représentatives, le pouvoir s'exerçant par l'intermédiaire de représentants désignés lors d'élections au suffrage universel.» Selon la formule d'Abraham Lincoln: la démocratie est «le gouvernement du peuple, par le peuple, pour le peuple».
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Patrice Garant - Professeur émérite de droit public à l'Université Laval
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