Lettre à Patrick Bourgeois

Imaginons les manchettes des journaux étrangers sans l'action du RRQ...


Chaque personne dans un contexte démocratique doit pouvoir croire à certains principes et idées qui modèlent l'acteur ressentant le désir fiévreux de militer pour son identité et ce qui lui ressemble. Avec la manifestation peu bruyante, heureusement, mais clairement visible de votre réseau lors du passage du couple royal, n'espérez surtout pas que vous portez le flambeau d'une cause ayant su franchir les époques. Les débordements du Réseau de résistance du Québécois (RRQ) en fin de semaine dernière sont responsables en partie du discrédit du projet de pays du Québec.
Au départ, j'estime que votre action aurait pu se limiter à remettre sur les rails de l'actualité le débat aussi fondamental que pertinent de la légitimité de la monarchie au Québec et au Canada. Avant l'événement, le bon sens parlait et se ressentait dans la population. La majorité des individus croyaient et croient toujours qu'il est temps de se débarrasser d'une structure ayant des airs de Moyen-Âge. L'erreur s'est glissée au moment où votre appareil en vol loué pour l'occasion, portant un étendard mentionnant «Vive le Québec libre», survola la ville de Québec. Cet acte n'avait en aucun temps sa place dans une manifestation ponctuelle de ce type, où l'enjeu principal de votre expression de fierté semblait plutôt être une tentative d'exprimer que nos mentalités n'ont pas évolué depuis la Conquête et que, en ce sens, notre blessure historique n'est pas cicatrisée.
Je ne suis pas certain de vous saisir. Croyez-vous sincèrement qu'une manifestation regroupant 300 personnes démontre à une population de huit millions de personnes que l'indépendance est nécessaire pour la santé d'un peuple? De plus, la promotion que vous faites s'inscrit dans une dynamique réactive à un événement, c'est-à-dire contre quelqu'un ou quelque chose, comme si vous vouliez utiliser toutes les occasions pour crier haut et fort notre goût d'autonomie. Au contraire, la démarche doit être proactive, elle doit pouvoir se discuter et se respirer à travers le vrai monde. En dehors de votre effort pour radicaliser un tant soit peu l'idée de pays du Québec, l'activisme pacifique indépendantiste est libre d'étiquette et n'a pas à subir une identification batailleuse. Il est d'ailleurs toujours légitime aujourd'hui.
D'autre part, selon vous, le Réseau de résistance du Québécois, portant en son propre nom l'annonciation d'un agir rancunier, incarne censément le projet de souveraineté politique du Québec d'aujourd'hui. Croyez-moi, il n'en est rien. Sans travailler sur les idées et portant la cape de l'activiste à la petite semaine, ce regroupement fait clairement partie de la liste des objets à perdre au grenier. Si le RRQ était basé sur des idées de fond, il aurait compris depuis très longtemps que la souveraineté politique du Québec n'est pas une finalité, mais bien une étape nécessaire pour l'avancement de la condition de vie d'un peuple. Dans ce cas-ci, ce sont la démocratie et son avancement qui doivent être une fin en soi.
Ce qui reste à faire aujourd'hui, ce n'est pas tellement de manifester avec des slogans agressifs, mais bien plus de supprimer les étiquettes vis-à-vis du projet de pays du Québec pour en faire un dessein unificateur et ne portant pas la vieille marque de l'axe gauche-droite. Si l'on désire capitaliser sur des victoires pour le peuple du grand Québec, il faut savoir être rassembleur et non pas s'isoler dans un cadre restreint. Aussi sérieux que la question discutée ici peut l'être, il faut rentablement concentrer son énergie à mobiliser tout un peuple pour façonner l'avenir normal du Québec. L'activiste d'aujourd'hui au Québec doit répondre à l'envie dévorante d'une population d'être écoutée.
En ce sens, il ne faut pas proposer une définition agressive de notre identité en agitant des «Parasite Go Home» et des «William dégage» dans le but de faire valoir ce que nous sommes. Dois-je vous rappeler d'ailleurs qu'un activisme légitime doit être pacifique, modéré et parlé sans avoir le couteau entre les dents?
Au final, une avenue existe encore pour ceux qui considèrent que le dialogue, la discussion qui fait réfléchir et le militantisme de coeur transmis par un parler-vrai sont les véritables sources d'un enthousiasme politique contagieux. N'auriez-vous pas envie vous aussi de goûter au changement...?
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Benoît Béchard - Militant pour l'Agir Vrai au Québec


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