L'opinion de Bernard Landry #16

Quand on se compare...

L'opinion de Bernard Landry



La page couverture de l'un des derniers numéros du prestigieux hebdomadaire britannique "The Economist" est surprenante: elle présente un Nicolas Sarkozy géant, une Angela Merkel de taille moyenne et un Gordon Brown dont le haut de la tête sort à peine du sol. Trois pages de textes expliquent ensuite la supériorité du modèle français, depuis toujours décrié par cette publication néo-libérale. Dans le contexte actuel, les performances économiques françaises dépassent effectivement celles des allemands et des anglo-saxons.
Parlant du colbertisme et de l'interventionnisme traditionnel de l'État français, ainsi que d'un système étendu de protection sociale, la prestigieuse revue admet soudainement aujourd'hui que les performances françaises sont impressionnantes. La revue affirme même que: "Jean-Baptiste Colbert règne de nouveau à Paris. Et plutôt que de s'opposer au dirigisme, les Britanniques et les Américains s'emploient à l'imiter."
Je ne m'attends pas à ce que le magazine canadien "Maclean" se lance dans l'éloge du modèle québécois, pourtant s'il voulait s'inspirer de l'exemple de son illustre confrère britannique, il disposerait de suffisamment de statistiques valables pour reconnaître que nous réalisons de meilleures performances que notamment l'Ontario, éternel point de comparaison de ceux qui discréditent constamment ce qui se fait chez nous.
Notre façon de gérer la création de la richesse et sa répartition, pratiquée par presque tous les gouvernements québécois depuis la révolution tranquille, à l'exception du gouvernement Charest plus porté sur le néo-libéralisme, nous a permis d'ériger une structure économique et sociale dont nous récoltons les fruits aujourd'hui. Nous avons comblé presque tous les importants écarts avec l'Ontario, nous les dépassons même dans plusieurs domaines et, en plus, nous résistons mieux qu'eux à la grave crise actuelle.
Nous n'avons pas eu de Colbert, car nous sommes en démocratie, mais notre État national dont René Lévesque disait "qu'il est le plus fort d'entre nous", a joué un rôle majeur dans ce rattrapage spectaculaire. Notre économie s'est diversifiée grâce, en particulier, à un virage technologique dont le succès n'est contesté que par quelques négationnistes attardés. Nous avons gardé tous les avantages de situations liées aux industries primaires découlant de nos richesses naturelles, mais l'essentiel de nos succès d'aujourd'hui vient de puissants secteurs à haute valeur ajoutée qui n'existaient pratiquement pas il y a quarante ans.
Cette transformation profonde est liée d'abord à une hausse spectaculaire du niveau d'éducation, parmi les plus bas autrefois, au rang des plus hauts aujourd'hui. Cette remarquable action collective a été suivie d'une série de politiques bien conçues et qui ont réussi. C'est largement à cause d'elle que nous sommes parmi les premiers du monde dans les secteurs du matériel de transport, des technologies de l'information, de la pharmacie et de la biotechnologie, du génie-conseil et tant d'autres. Sans parler du Cirque du Soleil et de son rayonnement planétaire.
De généreux incitatifs fiscaux et d'autres politiques interventionnistes ont permis ici des développements qui, sans eux, ne se seraient jamais réalisés. De grandes firmes étrangères ont fait converger vers nous d'importants investissements dans des secteurs porteurs d'avenir. Notre économie est suffisamment concurrentielle pour que nous exportions la moitié de toutes nos productions.
Les critiques à courte vue, invoquant un modèle néo-libéral aujourd'hui en difficulté, se sont acharnés à discréditer l'activisme positif de notre État national. Ils se sont concentrés avec constance sur quelques échecs mais n'ont pratiquement jamais fait l'éloge des milliers d'interventions réussies. Ces détracteurs n'ont jamais admis ce qui est pourtant une évidence mathématique: l'ensemble de ces interventions a rapporté beaucoup plus à l'État qu'il ne lui a jamais coûté.
Il y a peu d'endroit en Amérique du Nord où les secteurs porteurs d'avenir sont aussi présents que chez nous. La formidable Californie est une des seules à nous surpasser. Les publications de Montréal International, les inventaires des succès de la ville de Québec et quelques journalistes spécialisés osent faire l'éloge de notre modèle: beaucoup le critiquent, peu le défendent, hélas.
Et tout cela sans mentionner une chose peut-être plus essentielle encore: nous créons la richesse et nous la répartissons mieux qu'ailleurs, en raison d'une solidarité sociale exemplaire. Qui sait, le "Maclean" s'en apercevra peut-être un jour...?
Bernard Landry


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