Chronique #15

Wal-Mart est syndiqué en Chine

L'opinion de Bernard Landry


Quand Henri Massé a quitté -mission accomplie- la présidence de la FTQ, j'ai pensé qu'il pourrait rendre un grand service à nos travailleurs ainsi qu'à ceux de la Chine, s'il se vouait à une mission de syndicalisation dans ce grand pays.
Les Chinois ont compris sans lui. Ils viennent de décider, à leur manière autoritaire, d'imposer la syndicalisation. Ils partent de loin, mais personne n'aurait cru non plus qu'ils pourraient débarquer sur la lune un jour.
L'objectif de leur gouvernement communiste est pratiquement que toute la force de travail soit couverte par une convention collective. Tous les Wal-Mart de Chine son déjà syndiqués, et leurs salaires augmentent plus vite qu'aux États-Unis. C'est gênant quand on pense à ce qui est arrivé à Jonquières.
Au pays de Confucius, toutes les conditions de travail sont maintenant remises en cause à la hausse: salaires, fonds de pension, sécurité d'emploi, etc. Les multinationales étrangères se plaignent, évidemment, mais le régime leur tient tête.
Un aspect consolant de la condition humaine, c'est de voir l'intelligence équitablement répartie au travers le monde. Quand les travailleurs chinois voient leur patron devenir milliardaire, ils réagissent comme les nôtres, ils ne veulent pas rester pauvres. Déjà, au cours des dernières années, des centaines de millions de chinois ont rejoint notre niveau de vie, et ce qui se passe maintenant devrait faire bondir ces chiffres vers le haut dans les années à venir.
En plus d'un effet évident de justice sociale, une plus grande répartition de la richesse va avoir un impact économique déterminant sur la Chine. La demande intérieure, stimulée par les salaires, va monter vite, et dans un pays de 1, 3 milliards d'habitants, on peut imaginer vers quel niveau elle se dirige. Leurs exportations, aujourd'hui vitales, vont le devenir moins, proportionnellement, à mesure qu'ils vont consommer eux-mêmes de plus en plus.
On a vu un phénomène analogue au Japon après la seconde guerre mondiale. À l'époque, ce pays de bas salaire était réputé pour nous vendre de la pacotille à des prix ridiculement bas. Aujourd'hui, dans le pays qui est devenu la deuxième puissance économique du monde, les salaires sont plus élevés que les nôtres, et pour la pacotille, on peut toujours demander au président de G.M. ce qu'il en pense!
Paradoxalement, la prise de conscience sociale des Chinois s'est vu accélérée par la crise économique sans précédent qui frappe la planète. Ce grand pays qui a eu des taux de croissance annuelle supérieure à 10% pendant plus de dix ans -une première dans l'histoire humaine- est très angoissé aujourd'hui de revenir à des taux de seulement 6,5%! Ce ralentissement est susceptible d'avoir un impact dévastateur sur des centaines de millions de personnes qui voyaient monter leur niveau de vie et nourrissaient des espoirs de plus en plus grands.
C'est ainsi qu'un gouvernement communiste autoritaire a compris que tout recul pouvait avoir des conséquences qu'il serait très périlleux d'affronter dans un pays de cette taille. La poursuite de la croissance est donc devenue une priorité absolue et passe par l'augmentation du pouvoir d'achat du plus grand nombre.
Cette amélioration des conditions de travail en Chine, est aussi de bon augure pour nos propres salariés. Depuis quelques années, la concurrence Chinoise a eu un effet dépressif sur certains salaires d'ici, quand elle n'a pas tout simplement supprimé les emplois. Ce qui arrive maintenant ne comblera pas les écarts du jour au lendemain, mais leurs effets négatifs vont s'atténuer peu à peu.
Quand aux effets positifs de la montée de la Chine, lorsque la crise sera derrière nous, ils vont continuer à s'accroitre. Leur nouvelle demande intérieure va se répercuter directement ou indirectement sur les quantités et les prix de ce que nous leur vendons. Ainsi, Val d'Or et Sept-Iles vont continuer à profiter de la manne pendant que les risques vont diminuer à Huntingdon et ailleurs.
D'étrange manière, le gouvernement chinois a compris que la négligence à répartir la richesse pouvait compromettre la croissance elle-même. On a toujours prétendu que c'est la démocratie qui conduisait au développement économique. Dans ce curieux pays, il semble que l'inverse soit vrai. Ils vont accroitre le niveau de liberté pour ne pas diminuer celui de la croissance.
Suivant l'adage chinois qui veut que "peut importe la couleur du chat pourvu qu'il attrape la souris", ce grand pays, qui était la première puissance du monde il y a cinq siècles, retrouvera ce rang d'ici vingt-cinq ans, et le fera par des chemins qui n'ont pas fini de nous étonner...


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