L'opinion de Bernard Landry #44

Que la lumière soit... payée!

Si l'on ne vend pas Hydro-Québec, il faut par ailleurs lui faire jouer pleinement son rôle de contre-poids à la dette.

L'opinion de Bernard Landry


Personne n'aime voir monter les impôts, les taxes et les tarifs. Personne n'aime voir monter aucun prix. Tout le monde veut les meilleurs soins de santé, la meilleure éducation et les meilleurs services publics. C'est dans la réconciliation rationnelle de ces deux tendances normales que se trouvent l'intérêt collectif et la justice sociale. Ceux qui veulent payer moins pour plus ont le devoir de s'expliquer, ainsi que ceux qui soutiennent que certains prix doivent monter. C'est cela le civisme et ce n'est ni simple, ni facile.
Comme je l'ai dit quand je siégeais à l'Assemblée nationale, le temps est venu de nous payer à nous-mêmes le juste prix pour l'électricité. L'Hydro-Québec appartient à notre état national et tous ses profits nous reviennent de toutes façons.
Réglons d'abord une objection fréquente et apparemment sensée: si les tarifs sont trop bas, pourquoi ne pas les avoir relevés avant? Pour deux puissantes raisons: l'une sociale, l'autre écologique. Pendant des années, le prix du pétrole qui sert au chauffage de nombre de foyers québécois, et souvent les moins riches, est resté bas et n'a monté que très lentement. Le baril de pétrole était à deux dollars dans les années soixante-dix. Puis il est passé à dix dollars pendant longtemps. Ensuite à vingt. Et ce n'est qu'en 2004 qu'il a vraiment bondi vers le haut. Il s'est même rendu jusqu'à cent cinquante dollars, il n'y a pas longtemps, et il est probable qu'il y retournera, et même au-delà.
Si Hydro-Québec avait augmenté ses tarifs plus vite que les prix du pétrole, elle aurait d'abord pénalisé tous ceux qui, incités par elle, avaient investi dans le chauffage électrique. Elle aurait, d'autre part, encouragé le choix du mazout pour payer moins tout en polluant plus. Cela aurait rendu odieuse toute hausse significative des tarifs d'électricité. Cette objection s'est aujourd'hui renversée.
La raison majeure qui rend maintenant nécessaire le changement tarifaire est liée au financement de notre état national. Celui-ci s'est lourdement endetté pendant cinquante ans en particulier pour nous instruire et nous donner des soins de santé accessibles. Désormais l'heure des comptes est arrivée. Avec le vieillissement rapide de la population et la reprise de l'endettement massif rendu nécessaire par la crise, malgré les dix ans d'équilibre budgétaire sage et courageux, des années très pénibles nous attendent.
Tous les analystes sérieux sont d'accord pour la hausse. Et ce n'est pas lié essentiellement à notre endettement qui n'est pas, en soi, si tragique quand on le compare à celui des autres. Bien qu'il faille songer aux intérêts... C'est précisément parce que nous possédons un prodigieux actif dans la colonne de droite, que notre bilan reste montrable. Hydro-Québec, à elle seule, vaut autour de cent cinquante milliards de dollars, ce qui compense une proportion importante de notre dette. Il serait absurde de vendre un tel trésor pour rembourser partiellement notre passif alors qu'il nous aide à l'affronter, tout en gardant notre merveilleuse machine à énergies propres et renouvelables.
Si l'on ne vend pas Hydro-Québec, il faut par ailleurs lui faire jouer pleinement son rôle de contre-poids à la dette. Elle doit, de plus, verser à notre gouvernement les dividendes dont il a besoin pour l'aider à faire face aux énormes défis qui l'attendent.
Nos tarifs, très bas comparés à ceux de notre continent, peuvent être montés raisonnablement, sans pour autant faire de nous des victimes. Toronto est presque au double, et New-York, au triple. Nous avons de la marge, sans même aller jusqu'à les rejoindre, pour rehausser considérablement les profits de notre société nationale. Celle-ci, d'ailleurs, a été qualifiée de façon invraisemblable par Jean-Marie Le Clézio de "multi-nationale capitaliste". Elle n'est ni l'une ni l'autre, il n'est pas nécessaire d'avoir le prix Nobel pour le savoir: elle est à tous les gens d'ici.
Non seulement le temps est venu de monter les tarifs, même s'il peut être sage d'attendre que la crise finisse, mais ne pas le faire aurait deux conséquences néfastes. Tout le monde sait que pour toutes les formes d'énergie, des prix trop bas poussent au gaspillage. L'Europe a eu des petites voitures des années avant nous parce que l'essence y était plus chère. L'autre effet néfaste des tarifs trop bas est qu'ils sont socialement injustes: les énormes résidences de luxe sont au même tarif qu'un trois et demi rue Sanguinet. D'ailleurs en montant les tarifs, il faudra compenser les plus démunis.
Logique et courage maintenant convergent. Surtout à l'aube de l'avènement de la voiture électrique branchée. Ce que nous épargnerons en essence, nous compensera largement pour l'électricité payée au juste prix.
Bernard Landry


Laissez un commentaire



Aucun commentaire trouvé