Les ravages du tabac sur la santé n'étaient pas encore connus quand les amérindiens nous apprirent l'usage de ce symbole de réconciliation. Les temps ont changé: personne n'a fumé la fameuse pipe pour célébrer la Paix des braves qui consacra pourtant une entente exceptionnelle avec les Cris.
Cet accord basé sur le respect et l'intérêt mutuel n'est d'ailleurs qu'un épisode d'une longue histoire de relations plus harmonieuses qu'on ne le dit entre les Québécois et les Premières Nations. Sans nier plusieurs chapîtres peu glorieux et de cruelles situations qui perdurent, notre cohabitation reste l'une des plus défendables au monde. En particulier si l'on songe à la tentative d'extermination de leurs Premières Nations par les États-Unis -objet d'une repentance tardive- et à nombre d'autres horreurs dans les Amériques.
René Lévesque s'est intéressé aux amérindiens durant toute sa vie. En 1985, il a fait reconnaître comme nations, par notre Assemblée nationale, les peuples aborigènes vivant en collectivité sur notre territoire. Ils forment environ un pour cent de la population du Québec et se répartissent en onze appartenances différentes. Les plus importantes en nombre étant les Innus (Montagnais), les Cris, les Mohawks et les Inuits. Il n'est pas approprié de dire que nos frères amérindiens sont des Québécois. Ces nations, comme toutes les autres tiennent à être désignées suivant leur identité propre. Parler autrement serait en nier la reconnaissance effective. Évitons les descriptions à la Elvis Gratton: Canadiens, Canadiens-Français, Québécois francophones etc. dans une confusion risible et réductrice. Appelons les par leurs noms. C'est ce qu'ils veulent et ce qu'expriment leurs dirigeants. Même notre Premier ministre Jean Charest s'est fourvoyé récemment sur cette question. Il est vrai que pour certains fédéralistes cette forme de "grattonisme" est une tentation perpétuelle.
Ainsi l'histoire de nos relations avec les amérindiens a été largement plus respectueuse que partout ailleurs. Une preuve irréfutable en est le métissage très important entre les Premières Nations et nos ancêtres. Au point que certains anthropologues disent qu'une majorité d'entre nous a des racines amérindiennes. Dans l'ouest du Canada vit une nation métisse durement réprimée autrefois par le gouvernement canadien. Notre Premier ministre du temps, Honoré Mercier, a déploré la tragique pendaison de "notre frère Louis Riel". Les colonisateurs britanniques n'ont jamais eu une telle proximité avec les Indiens.
On ne les appelle plus des "sauvages", mais même quand on le faisait ce n'était tellement pas d'une manière péjorative que, dans ma région d'origine, ce vocable était plutôt admiratif. Pour une population passionnée de chasse et de pêche, amante de lacs et de forêts, les amérindiens étaient d'excellents guides et des inspirateurs pour la vie dans les bois. Si la "Porte de la famille amérindienne", jouxtant une très belle fontaine et ses sculptures, et qui est l'entrée principale de notre Assemblée nationale, s'est longtemps appelée "la Porte du sauvage", ce n'est pas par mépris, bien au contraire.
On a dit que si la Nouvelle-France a pu être ce qu'elle fut et avoir un tel rayonnement nord-américain, elle le doit largement à sa coopération avec les aborigènes qui lui a ouvert les portes de ce prodigieux continent. En plus, avant que le gouvernement fédéral et le Canada ne les anglicisent, la plupart des amérindiens avaient le français comme langue seconde. Le père Lajoie, jésuite, était curé à Kanawake jusqu'à ces toutes dernières années. Une bienheureuse de l'Église catholique était Mohawk et s'appelait Kateri (Catherine) Tekakwitha.
Ce riche passé doit servir à cultiver et accroître notre coopération fraternelle avec les nations autochtones comme cela se fait déjà dans plusieurs domaines et plusieurs régions. L'Abitibi est exemplaire en cette matière. Cet idéal doit cependant se réaliser sans complaisance.
Certaines revendications territoriales, en particulier, sont outrancières et irrespectueuses de nos droits. Alors que d'autres sont raisonnables et justifiées. D'ailleurs, même sur les territoires "réservés", la juridiction doit être partagée. Ce principe est au coeur de la Paix des braves. Nous-mêmes et les Cris travaillons de concert pour améliorer nos destins sur des terres dont nous avons la gestion commune.
La coopération sociale, économique, culturelle et politique avec les autochtones doit être une priorité pour notre nation: elle comporte encore trop de lacunes désolantes. Les jeunes du Québec en particulier doivent tendre la main aux jeunes des Premières Nations. L'avenir des uns doit être aussi prometteur que celui des autres au nom de la justice la plus élémentaire.
Bernard Landry
L'opinion de Bernard Landry #45
Le Calumet de Paix
La coopération sociale, économique, culturelle et politique avec les autochtones doit être une priorité pour notre nation: elle comporte encore trop de lacunes désolantes.
L'opinion de Bernard Landry
Bernard Landry116 articles
Ancien premier ministre du Québec, professeur à l'UQAM et professeur associé à l'École polytechnique
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