La transparence est une belle et grande chose. Il est essentiel qu'une institution publique comme la Caisse de dépôt et de placement du Québec informe et rende des comptes sur ses activités. Pour que les citoyens connaissent la santé de leur bas de laine et puissent évaluer la qualité de sa gestion.
Voilà pour le principe. Mais une fois qu'on a dit ça, on n'a pas dit grand-chose. Il faut être transparent. Encore faut-il savoir quand, comment et envers qui. La transparence, ce n'est pas pour faire plaisir aux journalistes ou pour satisfaire les appétits partisans des politiciens.
Dans le cas de la Caisse, il faut se méfier des analogies boiteuses. Par exemple, quand on se demande pourquoi, dans la crise du papier commercial, cette institution publique est plus cachottière que des banques, comme l'a fait le critique adéquiste en matière des finances, Gilles Taillon.
Il y a une raison pour laquelle les banques et les autres sociétés cotées en Bourse sont astreintes à présenter des résultats trimestriels; c'est parce qu'il y a des actionnaires qui, à tout moment, peuvent acheter et vendre des actions et doivent donc avoir une idée très précise de la valeur sous-jacente du titre. Cette obligation comporte un coût, une forme de tyrannie du moment présent qui impose des stratégies à court terme.
Les titres de la Caisse de dépôt ne sont pas échangés au jour le jour. Elle gère des actifs utilisés sur une très longue période, surtout par des fonds de pension. Son action se situe dans le long terme, et elle doit être à l'abri des pressions quotidiennes. En outre, son poids dans le marché lui impose une grande discrétion. Il est normal que les règles de reddition de comptes reflètent cela. L'obligation d'informer ses commettants, les institutions qui lui confient leurs fonds, et l'obligation de donner une information complète sur ses activités à chaque année.
Il n'y a pas de raison de changer ces règles parce qu'il y a eu une crise du papier commercial. Y a-t-il un avantage à connaître en novembre plutôt qu'en janvier l'ampleur des sommes que la Caisse a perdues dans l'aventure? Non. Au contraire, le temps dont dispose la Caisse lui permet de poursuive l'analyse de ces actifs et donc de divulguer quand elle aura l'heure juste et aura eu le temps nécessaire pour limiter les dégâts. C'est dans l'intérêt public et on devrait s'en réjouir.
Ce qu'on sait, d'après les propos du PDG de la caisse, Henri-Paul Rousseau, c'est que, rétrospectivement, la Caisse a fait un mauvais choix en s'engageant trop dans ce type d'investissement. Pas par négligence, mais sur la base d'une évaluation du risque incorrecte quant à la façon dont le système bancaire réagirait à la crise. La caisse a manifestement fait un mauvais call.
Quelle en sera l'ampleur? Sur 13,2 milliards détenus dans des PCAÀ de tiers, ce qui est beaucoup, un milliard se trouve dans des subprime, très à risque, sur lesquels la caisse pense devoir faire, au maximum, une provision de 500 millions. Sur les 12,2 milliards restants, M. Rousseau refuse d'évaluer les pertes mais affirme que ce sont des actifs de qualité. Le chiffre de 3 milliards que le député péquiste François Legault essayait de lui mettre dans la bouche semble très loin de la réalité. Les indications indirectes du PDG de la Caisse pointent plutôt vers une perte relativement modeste, qu'il faudra l'évaluer à la lumière de l'ensemble des résultats de la Caisse et de la performance des autres joueurs.
J'ai écouté au complet la présentation de Henri-Paul Rousseau devant la commission parlementaire, et j'ai trouvé ça gênant. C'est un forum partisan, où les députés ne sont pas intéressés à la transparence. Ils sont là pour marquer des points. Les députés ministériels félicitent la Caisse, ceux de l'opposition la critiquent dans l'espoir d'éclabousser le gouvernement et, dans le cas du PQ, de louanger a posteriori sa propre administration.
Les échanges suscitaient en outre un malaise parce que, manifestement, péquistes et adéquistes veulent revoir le mandat de la Caisse et veulent la contrôler davantage. Ils avaient donc le plus grand mal à comprendre, et donc à respecter, le principe de l'indépendance de la Caisse, ce qui a forcé son PDG à leur faire à plusieurs reprises des leçons de gouvernance. Le monde à l'envers.
Mais ce qui est clair, c'est que le pire endroit pour discuter de ces choses, c'est le salon rouge de l'Assemblée nationale. Et il en sera ainsi tant que les parlementaires seront incapables de surmonter leurs pulsions partisanes.
- source
PCAA
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