Reprendre le contrôle

Il est loin d'être acquis que cette nouvelle pirouette va avoir un effet significatif sur l'opinion publique. Le lien de confiance a peut-être été rompu de façon irrémédiable.

PLQ - congrès d'octobre 2011



La seule façon de sortir du coin est de marcher sur la peinture, disait Jean Chrétien. Il vaut mieux avoir l'air fou pendant 24 heures que d'être mis au supplice pendant des mois. Surtout si son ministre de la Justice est prêt à prendre le ridicule sur lui.
En l'espace de quelques heures, il est donc devenu parfaitement possible de tenir une enquête publique en bonne et due forme sans compromettre le travail des policiers et de faire parader les bandits devant les caméras de télévision avant de les envoyer en prison.
Peu importe ce qui a finalement provoqué la volte-face du premier ministre Charest, que ce soit le Barreau, la colère de la magistrature ou même — sait-on jamais — le bon sens, la famille libérale a soudainement retrouvé sa bonne humeur.

L'«exposé pédagogique» de samedi matin, qui s'annonçait périlleux, a pris l'allure d'une conversation de salon. Le militant Martin Drapeau, qui réclamait la veille encore un vote sur le leadership de M. Charest, a plutôt adressé ses félicitations au gouvernement. Tout-le-monde-il-était-beau, tout-le-monde-il-était-gentil.
Il est loin d'être acquis que cette nouvelle pirouette va avoir un effet significatif sur l'opinion publique. Le lien de confiance a peut-être été rompu de façon irrémédiable. Il est clair que le gouvernement s'est résigné à accorder éventuellement de nouveaux pouvoirs à la commission Charbonneau parce qu'il n'avait plus le choix et, malgré les assurances données par
M. Charest, le gouvernement continue à donner l'impression de vouloir freiner ses ardeurs.
Il peut cependant espérer que la population ne s'en formalisera pas trop. L'opposition tentera bien de poursuivre le débat à l'Assemblée nationale, mais il lui faudra bientôt passer à autre chose. Le gouvernement pourra alors reprendre le contrôle de la ligne d'action politique, qu'il avait complètement perdu depuis la publication du rapport Duchesneau.
Avant que cette bombe n'éclate, Pauline Marois avait indiqué que l'économie serait dorénavant le principal cheval de bataille du PQ. Rien ne saurait faire plus plaisir à M. Charest. Dans son discours de vendredi soir, il a cité avec délectation Bernard Landry, selon lequel «le Québec est l'endroit en Amérique du Nord, et peut-être même en Occident, qui a le mieux résisté à la crise».
Hier, il a de nouveau fait miroiter toutes les merveilles que nous réserve le Plan Nord, véritable caverne d'Ali Baba. «Nous sommes le parti de l'économie», a-t-il lancé. On se serait presque cru en campagne électorale. Radieux, M. Charest avait l'air de tout sauf d'un homme qui songe à la retraite.
Pendant que les travaux de la commission Charbonneau se mettront tranquillement en branle, les projecteurs risquent de se braquer de nouveau sur les problèmes internes du PQ et sur le leadership de Mme Marois.
Un nouvelle pomme de discorde a surgi la semaine dernière quand deux députés péquistes, Stéphane Bergeron et Sylvain Pagé, ont participé à un événement organisé par Québec solidaire. Certains de leurs collègues n'ont pas du tout apprécié. La discussion sur les rapports entre le PQ et QS était jusqu'à présent réservée au huis clos du caucus, mais il faudra maintenant en parler publiquement.
Le comité présidé par Monique Richard, qui planche actuellement sur les façons de «faire de la politique autrement», a été saisi d'une proposition sur le sujet. Si les délégués au conseil national de la fin novembre devaient en débattre, la discussion serait certainement très vive.
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La vie de Mme Marois serait nettement moins compliquée si les sondages n'étaient pas aussi décourageants pour le PQ. Depuis des mois, il a été incapable de tirer parti du mécontentement créé par le refus du gouvernement d'ordonner une enquête publique sur l'industrie de la construction. Au contraire, ses intentions de vote ont chuté de façon dramatique. Au PLQ, on commence même à s'en inquiéter sérieusement, dans la mesure où les électeurs qui désertent le PQ rejoignent massivement le camp de François Legault.
Même l'annonce désastreuse d'une commission bidon n'a aucunement profité au PQ, comme en témoignent les résultats du sondage CROP-Gesca qui ont été publiés en fin de semaine. Cela ne risque pas de s'améliorer maintenant que M. Charest a cédé. C'est à se demander si Mme Marois pourra tenir jusqu'aux élections.
Tous les espoirs de redressement reposent maintenant sur une déconfiture de M. Legault. Il est vrai que l'ancien ministre aura la partie moins facile à compter de la mi-novembre, quand il devra s'expliquer plus longuement sur ses intentions. Sa popularité ne peut que diminuer, se dit-on. C'est possible, mais le capital de sympathie dont il dispose et le désir de changement de la population sont cependant si élevés qu'il lui faudrait commettre une série d'erreurs graves pour que son étoile pâlisse sérieusement, comme cela est arrivé à Mario Dumont.
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mdavid@ledevoir.com


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