Sacrifier des droits au nom de la sécurité

Affaire ARAR - terrorisme, sécurité et droits de l'homme


Peter Leuprecht

Professeur de droit international public, université McGill
Dominique Peschard

Vice-président, Ligue des droits et libertés

Le rapport de la commission présidée par le juge O'Connor au sujet de Maher Arar soulève des questions fondamentales en ce qui concerne la lutte contre le terrorisme et la sécurité nationale au Canada. Ce qui est arrivé à M. Arar illustre ce qui arrive inévitablement lorsque les principes de justice fondamentale sont écartés.
Un de ces principes veut que l'accusé ait le droit de connaître les accusations qui pèsent sur lui et de pouvoir les réfuter. M. Arar a été fiché, à son insu, comme étant un terroriste -- ce qui constitue une forme de condamnation sans procès -- sur la base de fausses informations et de «preuves» circonstancielles (par exemple, le fait d'avoir marché sous la pluie 20 minutes avec M. Almaki). Si les autorités avaient eu l'obligation de démontrer publiquement les gestes reprochés, tous auraient pu constater l'absence de fondement des accusations et le calvaire de Maher Arar n'aurait jamais eu lieu.
Or la mise au rancart de la présomption d'innocence, dont M. Arar a été victime, a été institutionnalisée au Canada dans les certificats de sécurité et dans la loi antiterroriste.
Emprisonné sans procès
Au Canada, cinq personnes sont actuellement en détention ou en liberté surveillée en vertu de certificats de sécurité. Certaines d'entre elles le sont depuis plus de cinq ans. Ces personnes n'ont pas subi de procès et ne connaissent pas, encore une fois au nom de la sécurité nationale, les éléments de preuve retenus contre elles. Sont-elles condamnées à croupir indéfiniment en prison sans procès ?
En décembre 2001, le Canada a adopté une loi antiterroriste qui prévoit qu'un accusé puisse être jugé dans un procès à huis clos sans que lui ni son avocat connaissent la totalité de la preuve retenue contre lui. Deux causes sont actuellement en cours à la suite des arrestations faites en vertu de cette loi. La première concerne M. Khawaja, arrêté à Ottawa le 29 mars 2004, alors que la deuxième concerne les 17 personnes arrêtées à Toronto le 2 juin 2006 pour complot terroriste.
Au moment des arrestations à Toronto, les allégations selon lesquelles ces personnes complotaient pour faire exploser des édifices, prendre d'assaut le parlement, prendre des parlementaires en otages et même décapiter le premier ministre ne sont pas sans rappeler les fuites orchestrées pour conditionner l'opinion publique à l'idée voulant que M. Arar ait été coupable.

Il serait totalement inacceptable que la poursuite ait éventuellement recours aux dispositions de la loi antiterroriste permettant de mener les procès à huis clos et ex parte sans que les accusés et leurs avocats aient accès à toute la preuve. Il est tout aussi essentiel que les procès soient publics et que la population soit ainsi informée quant à la preuve des gestes et des intentions des accusés afin de pouvoir évaluer la véritable menace qu'ils représentent.
Le Canada viole la convention contre la torture
Une des recommandations du juge O'Connor a moins retenu l'attention des médias, mais elle est capitale. À la page 298 de son rapport, M. O'Connor recommande qu'une enquête indépendante soit instituée afin de clarifier le rôle du Canada dans la détention et la torture de trois autres citoyens canadiens M. Almaki, M. El Maati et M. Nureddin. Tous trois ont été arrêtés par les autorités syriennes alors qu'ils voyageaient dans ce pays. Ils ont été torturés dans la même prison que M. Arar et interrogés à partir de renseignements en provenance du Canada.
Dans son rapport (page 296), le juge O'Connor en arrive à la conclusion qu'«une pratique des organismes canadiens constatée dans toutes les enquêtes était celle d'accepter et d'exploiter de l'information qui pouvait avoir été obtenue sous la torture» et que «les responsables canadiens ont semblé minimiser les allégations de torture».
Ces conclusions soulèvent de graves questions : les services de sécurité canadiens collaborent-ils de quelque manière que ce soit avec des régimes qui pratiquent la torture pour faire avancer leurs enquêtes, en faisant faire par d'autres ce qu'ils ne peuvent pas faire ici, c'est-à-dire pratiquer la torture ? Il faut se rappeler que le Canada n'exclut pas la possibilité de renvoyer vers des pays qui pratiquent la torture des personnes qu'il considère comme étant un risque pour la sécurité nationale. L'enquête du juge O'Connor a d'ailleurs révélé que les services de sécurité canadiens s'étaient opposés au retour de M. Arar au Canada (page 233) car cela aurait entre autres nui à la possibilité, à l'avenir, de renvoyer des personnes vers la Syrie ou d'autres pays pratiquant la torture.
Ce refus du Canada d'exclure toute possibilité de renvoi vers la torture a fait l'objet d'une condamnation de la part du Comité des droits de l'homme de l'ONU et viole la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants que le Canada a signée et ratifiée.
Ce qui est arrivé à M. Arar n'est pas seulement le résultat du travail de policiers incompétents mais bien ce qui arrive lorsqu'un État assujettit les droits humains à la sécurité nationale. En effet, le cas de M. Arar illustre le prix payé par des personnes innocentes lorsqu'une société perd ses repères en matière de droits humains. Il nous rappelle aussi l'urgence d'abroger la loi antiterroriste et d'abolir les certificats de sécurité.
Le rapport de la commission présidée par monsieur le juge O'Connor relativement à Maher Arar soulève des questions fondamentales concernant la lutte au terrorisme et la sécurité nationale au Canada. Ce qui est arrivé à M. Arar illustre ce qui arrive inévitablement lorsque les principes de justice fondamentale sont écartés.
Un de ces principes est que l'accusé a le droit de connaître les accusations qui pèsent contre lui et de pouvoir les réfuter. M. Arar a été fiché, à son insu, comme étant un terroriste -- ce qui constitue une forme de condamnation sans procès -- sur la base de fausses informations et de «preuves» circonstancielles (par exemple d'avoir marché sous la pluie vingt minutes avec M. Almaki). Si les autorités avaient eu l'obligation de démontrer publiquement les gestes reprochés, tous auraient pu constater l'absence de fondement des accusations et le calvaire de Maher Arar n'aurait jamais eu lieu.
Or, la mise au rancart de la présomption d'innocence, dont M. Arar a été victime, a été institutionnalisée au Canada dans les certificats de sécurité et dans la loi antiterroriste.
En prison sans procès
Au Canada, cinq personnes sont présentement en détention ou en liberté surveillée en vertu de certificats de sécurité, certaines depuis plus de cinq ans. Ces personnes n'ont pas subi de procès et ne connaissent pas, encore une fois au nom de la sécurité nationale, les éléments de preuve retenus contre elles. Sont-elles condamnées à croupir indéfiniment en prison sans procès ?
Le Canada a adopté en décembre 2001 une loi antiterroriste qui prévoit qu'un accusé puisse être jugé dans un procès à huis clos sans que lui ni son avocat ne connaissent la totalité de la preuve retenue contre lui. Deux causes sont présentement en cours suite à des arrestations faites en vertu de cette loi. La première concerne M. Khawaja, arrêté à Ottawa le 29 mars 2004 et la deuxième les 17 personnes arrêtées à Toronto le 2 juin 2006 pour complot terroriste.
Les allégations, au moment des arrestations à Toronto, à l'effet que ces personnes complotaient pour faire exploser des édifices et prendre d'assaut le parlement, tenir des parlementaires en otage et même décapiter le premier ministre, ne sont pas sans rappeler les fuites orchestrées pour conditionner l'opinion publique à l'idée que M. Arar était coupable.
Il serait totalement inacceptable que la poursuite ait recours éventuellement aux dispositions de la loi antiterroriste permettant de mener les procès à huis clos et ex parte, sans que ni les accusés ni leurs avocats aient accès à toute la preuve. Il est tout aussi essentiel que les procès soient publics et qu'ainsi, la population soit informée quant à la preuve des gestes et intentions des accusés afin de pouvoir évaluer la menace réelle qu'ils représentent.
Le Canada viole la convention contre la torture
Une des recommandations du juge O'Connor a moins retenu l'attention des médias, mais elle est capitale. M. O'Connor recommande (p. 298 de son rapport) qu'une enquête indépendante soit instituée pour clarifier le rôle du Canada dans la détention et la torture de trois autres citoyens canadiens M. Almaki, M. El Maati et M. Nureddin. Tous les trois ont été arrêtés par les autorités syriennes alors qu'ils voyageaient dans ce pays. Ils ont été torturés dans la même prison que M. Arar et interrogés à partir de renseignements en provenance du Canada.
Dans son rapport (p. 296) le juge O'Connor en arrive à la conclusion qu'«une pratique des organismes canadiens constatée dans toutes les enquêtes était celle d'accepter et d'exploiter de l'information qui pouvait avoir été obtenue sous la torture » et que « les responsables canadiens ont semblé minimiser les allégations de torture ».
Ces conclusions soulèvent d'importantes questions : les services de sécurité canadiens collaborent-t-ils de quelque manière que ce soit avec des régimes qui pratiquent la torture pour faire avancer leurs enquêtes, en faisant faire par d'autres ce qu'ils ne peuvent faire ici, soit torturer ? Il faut se rappeler que le Canada n'exclut pas la possibilité de renvoyer vers des pays qui pratiquent la torture des personnes qu'il considère un risque pour la sécurité nationale. L'enquête du juge O'Connor a d'ailleurs révélé que les services de sécurité canadiens s'étaient objectés au retour de M. Arar au Canada (p. 233) car cela aurait, entre autres, nuit à la possibilité de renvoyer des personnes vers la Syrie, ou vers d'autres pays pratiquant la torture, dans l'avenir.
Ce refus du Canada d'exclure toute possibilité de renvoi vers la torture a fait l'objet d'une condamnation de la part du Comité des droits de l'homme de l'ONU et viole la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants que le Canada a signée et ratifiée.
Ce qui est arrivé à M. Arar n'est pas seulement le résultat du travail de policiers incompétents mais bien ce qui arrive lorsqu'un état assujettit les droits humains à la sécurité nationale. En effet, le cas de M. Arar illustre le prix payé par des personnes innocentes lorsqu'une société perd ses repères en matière de droits humains et nous rappelle l'urgence de retirer la Loi antiterroriste et d'abolir les certificats de sécurité.


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