L'opinion de Bernard Landry #48

Séparatisme, souveraineté ou indépendance

PQ - XVIe congrès avril 2011


[->4421] Il faut avouer sans blâmer quiconque, que nous avons été lents à adopter sans équivoque le vrai mot pour désigner notre objectif de libération nationale: l'indépendance. Pourtant, Chevalier de Lorimier, quelques heures avant sa mort, nous avait inspiré le bon vocabulaire. Le même que les Américains ont utilisé clairement en 1776, qui est toujours en usage pour parler de la liberté des nations.
C'est vrai que l'on peut prétendre, dictionnaire à l'appui, que les trois mots du titre désignent des réalités que l'on peut croire voisines. Mais dans l'utilisation que l'on en fait, on voit bien qu'il y a entre eux des nuances tout à fait déterminantes. Même Stephen Harper, quand il parle du Bloc, en anglais, le désigne comme "separatist". On ne l'a jamais, par ailleurs, entendu parler du "separatism" écossais, alors que nous sommes une nation tout autant que l'Écosse. Généralement en français Harper parle des souverainistes, sans doute pour paraître plus poli...
Un dictionnaire en ligne, accessible à tous, fait très bien son travail en définissant de la manière suivante le séparatisme: "tendance, mouvement d'une région, d'une population, à se séparer de l'État, de la nation." Cette façon de voir, quand on y regarde de près, exclut le Québec qui, étant lui-même une nation, ne cherche pas à se séparer de la nation canadienne dont il ne fait pas vraiment partie. Ce n'est évidemment pas une région non plus, et il possède déjà son propre État. Elvis Gratton, dans son discours simpliste et réducteur ne s'embarrasse bien sûr pas de telles nuances... Mais tout le monde conviendra que, généralement, le mot "séparatisme" est perçu comme péjoratif, voire ethnique ou tribal. Il va sans dire, notre indépendance nationale n'a rien à voir avec aucune de ces connotations.
Ce n'est pas sans raison que Jacques Hébert, fédéraliste zélé, fondateur des Éditions du Jour, a conseillé à Marcel Chaput, admirable père de notre combat contemporain de libération, d'intituler son ouvrage fondateur: "Pourquoi je suis séparatiste?" Comme Hébert n'était pas un demeuré, je suis certain qu'il a soigné son choix de mots, servant ainsi l'éditeur avec un titre provocateur et le trudeauiste acharné que son instinct le poussait déjà à être.


Les Sudistes, aux États-Unis, qui représentaient des états et non des nations, ont été qualifiés de "secessionists". La "Lega lombarda", mouvement cherchant à séparer le nord et le sud de l'Italie pour des raisons essentiellement matérialistes, est carrément séparatiste.
Comme le serait ceux qui voudraient séparer l'Alberta du Canada, nation dont cette simple province fait partie. Une nation comme la nôtre est par ailleurs déjà séparée du Canada de moultes façons, et son respectable mouvement d'indépendance n'est jamais qualifié de "séparatiste" par les observateurs étrangers sérieux. Ils ont compris.
Quant au mot "souveraineté", s'il n'est pas perçu comme négatif, il est simplement trop technique et équivoque pour décrire un grand projet national. Technique, parce qu'il fait appel surtout à des notions juridiques d'attributions des compétences étatiques. Dans la langue que nous partageons avec les pays francophones, les souverainistes européens sont perçus comme des "euro-sceptiques" et des adversaires souvent peu progressistes de la formidable construction européenne.
Cette dernière n'étant, rappelons-le, ni une fédération, ni une confédération, mais une union par traité de nations indépendantes. Il n'est pas convenable d'associer, même linguistiquement, un tel mouvement à notre quête d'indépendance.
Il ne reste donc qu'un seul beau vocable, ici comme à l'étranger, pour désigner notre projet: l'indépendance. Comme l'Irlande l'a obtenue au début du vingtième siècle, les Africains, au milieu, les trois pays baltes, à la fin. Comme des dizaines d'autres. Le Montenegro et le Kosovo y sont arrivés au cours des dernières années. Dans aucun de ces cas, on n'a entendu parler de souveraineté, même si l'on peut dire techniquement et juridiquement qu'ils en ont obtenu une totale.
Toutes les nations d'Amérique, du nord comme du sud, issues de l'aventure coloniale, ont conquis leur indépendance. Il reste aux "Latins du nord" que nous sommes, de suivre ceux du sud sur le chemin de la dignité. La capacité, nous l'avons, c'est une évidence absolue. C'est pour nous un droit comme un devoir. C'est un devoir aussi d'emprunter le langage de Chevalier de Lorimier. Comme lui, parlons clair, parlons net: "Vive l'indépendance!"
Bernard Landry


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