L'opinion de Bernard Landry #47

La contrition des croyants

L'opinion de Bernard Landry


Dans toutes les religions, faire du mal à autrui doit susciter contrition et ferme propos. Pour ceux qui ont considéré le capitalisme ultra-libéral comme une religion dont ils se sont fait les croyants, le temps est venu de regretter profondément leurs errements. Ils doivent maintenant poser les gestes voulus pour contribuer à en réparer les conséquences et en prévenir la répétition.
Des centaines de millions d'êtres humains sont profondément affectés par les perturbations économiques présentes. Imaginons ce que peut être la situation dans les pays les moins avancés quand on voit qu'aux États-Unis, trente six millions de personnes (plus de 10% de la population) utilisent des coupons alimentaires fournis par le gouvernement pour assurer leur nourriture de base. Et en Afrique, il n'y a pas de coupons...
L'enchaînement infernal de ces calamités est clairement déchiffré et les excès du libéralisme ne peuvent plus être exonérés. Curieusement, une des causes lointaines de ce qui arrive, est l'effondrement du communisme. Au cours du dernier quart de siècle, le tiers de l'humanité s'est détourné d'un système extrêmement idéaliste qui devait produire la richesse et la redistribuer avec justice. Il devait faire concurrence au capitalisme et s'imposer comme le salut de genre humain. Cette aventure utopique s'est terminée dans une série de désastres politiques, sociaux, économiques et même environnementaux.
Lorsque l'implosion du communisme est survenue, des esprits simplistes ont conclu que "la fin de l'histoire" était arrivée. L'économie de marché, objet maintenant d'un culte religieux, allait être l'idéal du genre humain.
Au lieu de considérer le capitalisme pour ce qu'il est, un système intéressant pour créer la richesse mais sans grand talent pour la répartir équitablement, ils l'ont pris pour la vertu incarnée. Il pouvait même et devait opérer presque sans surveillance ni réglementation étatique. Pourtant déjà, dans les années trente, suite à une autre crise du capitalisme libéral, Franklin Roosevelt avait instauré le New Deal, le Welfare State (l'état providence), et réglementé strictement l'activité économique, financière en particulier.
On dirait que les "Chicago Boys" ultra-libéraux n'ont rien retenu de cette forme de sagesse collective qui avait consolidé une prospérité remarquable dans leur pays, et pendant des années. Leur façon idyllique de considérer l'offre et la demande comme des souverains tout-puissants, a fini par avoir des conséquences profondes sur le destin américain. L'influence des syndicats a reculé considérablement, érodant ainsi le contre-poids nécessaire à la force patronale. Diverses réglementations économiques et financières importantes ont été abolies progressivement. Non seulement du temps des Bush mais aussi de Clinton.
Un des résultats chiffrés les plus pernicieux de cette tendance fut le déséquilibre croissant dans la répartition de la richesse. Il y a trente ans, aux États-Unis, l'écart entre le salaire le plus bas d'une entreprise et le plus haut, était de un à trente. Aujourd'hui, il est de plus de un à trois cents! Le salaire moyen réel a même diminué de vingt pour cent entre 1975 et 1995. Dans le même temps, environ un pour cent de la population encaissait soixante pour cent des prodigieux résultats de la croissance du pays.
Ce libéralisme débridé a causé sa propre perte. Si les revenus de la population diminuent, comment les consommateurs vont-ils pouvoir soutenir la croissance par leurs achats? Une solution perverse fut trouvée. Permettons-leur de s'endetter pour qu'ils continuent à consommer. Cela fut fait. Taux d'intérêt très bas et conditions de crédit relâchées pour tout: automobiles, cartes de crédit, hypothèques en "subprimes". Évidemment, la sagesse de l'épargne de précaution fut mise au rencart de façon généralisée. Arriva ce qui devait arriver: faillites en chaîne des clients et des banques, puis effondrement économique global.
C'est pourquoi une repentance profonde et des gestes de correction sont maintenant nécessaires pour que ces malheurs n'aient pas été inutiles. Malheureusement les principaux responsables du monde financier ne semblent pas vouloir comprendre. Les bonis et les rémunérations excessives reprennent, même dans les institutions rescapées par les gouvernements. On ne peut compter sur la dérive anarchique des dernières années pour assurer l'avenir. Le président Obama met de l'avant une série de mesures propres à discipliner le capitalisme. La France, l'Angleterre et d'autres sont aussi sur cette voie. La route sera longue certes, mais l'espoir est présent.
Bernard Landry


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