Cette année, nous avons eu droit à un large débat sur la réforme du mode de scrutin. Malheureusement, par manque d'imagination et de courage politique, ce large débat a pour l'instant avorté.
Pour les experts, le débat se situait essentiellement à un choix entre la stabilité des gouvernements offerte par la pluralité et la représentativité des choix de la population. Ce débat byzantin n'a pourtant pas tenu compte d'un fait important: à l'heure actuelle, les intentions de vote ressemblent plus à celles d'un système proportionnel que ce à quoi l'histoire récente du Québec nous a habitués.
Une indication de cette évolution est l'augmentation constante du nombre de partis politiques équivalents au cours des 25 dernières années. Alors qu'il était de 2,2 lors de l'élection de 1981, il a atteint 2,6 lors de l'élection de 2003 et aurait bondi à 3,7 selon le dernier sondage CROP. Il s'agit d'un sommet sans précédent dans l'histoire du Québec, proche du niveau observé dans les pays utilisant un système électoral proportionnel.
Cette tendance à l'augmentation de la complexité de la démocratie québécoise devrait avoir pour conséquence immédiate la remise en question de notre mode de scrutin et du fonctionnement de nos institutions politiques. Dans le cas contraire, nous nous exposons à moyen terme à une perte de légitimité des gouvernements et une augmentation de l'instabilité politique. Par exemple, le nombre de députés élus avec plus de 50 % des votes a chuté de 60,8 % à 37,8 % de 1998 à 2003. Durant la même période, le pourcentage des voix reçu en moyenne par le candidat gagnant est passé de 54,9 % à 50,1 %. Lorsque le vote est aussi partagé, il n'est pas rare que la pluralité se trompe en désignant comme vainqueur un candidat n'ayant pas la plus large base d'appui. Ce taux d'erreur serait de l'ordre de 20% à 30% dans les conditions politiques actuelles au Québec.
Il est probablement trop tard pour mettre en place une réforme en profondeur du système électoral d'ici les prochaines élections. Cependant, il est encore possible de faire des modifications mineures qui adapteront mieux notre système électoral à la situation actuelle. Par exemple, il serait possible de passer de la pluralité au vote par assentiment. Ce mode de scrutin autorise l'électeur à voter pour plus d'un candidat. Cette modification évite qu'un parti soit avantagé ou désavantagé par la division du vote. Il augmente aussi les probabilités que le candidat élu soit celui ayant le plus large appui populaire, tout en étant équitable envers les petits partis.
Ce mode de scrutin pourrait être adopté simplement en abrogeant le paragraphe 4 dans l'article 365 de la loi électorale: le scrutateur rejette un bulletin qui a été marqué en faveur de plus d'un candidat. Il est aussi nécessaire d'adopter une modification aux règles de financements des partis politiques afin de ne comptabiliser que les votes véritablement additionnels lors de la fusion de partis. De cette façon, on éviterait de voir les partis se fragmenter pour ensuite fusionner après l'élection afin de constituer un pactole avec les subventions gouvernementales.
La vraie réforme devra venir après les élections, car si on veut établir un scrutin proportionnel avec un seuil électoral bas tout en maintenant la représentation territoriale actuelle, il faudra envisager d'augmenter le nombre de sièges à l'Assemblée nationale. Ce que les élus actuels ne semblent pas prêts à faire.
Yvan Dutil
_ Astrophysicien de Sainte-Foy
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